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Le marcheur vertical, de Pierre Yves Lador

Publié le 07 novembre 2024 par Francisrichard @francisrichard
Le marcheur vertical, de Pierre Yves Lador

Le développement personnel passe par des régiments de régimes. Il coûte d'abord de l'argent car l'argent est ici la mesure de toute chose. Les enseignants, sérieux ou charlatans, veulent en vivre, ce qui est humain.

Pierre Yves Lador les a tous goûtés, mais le régime qu'il préfère, c'est la marche, parce qu'il ne recherche pas le filgoude. Ce qu'il recherche, c'est le désir, la quête, la curiosité, la marche ordinaire, la vie incroyable, impitoyable, improbable, et les centaines de possibles...

Dans cet essai, il propose un menu gourmand, c'est-à-dire le meilleur des régimes, à déguster sans modération, mais non sans fatigue, lentement, ce qui permettra au lecteur de se joindre à lui pour atteindre non pas le bonheur, mais les buts de la mise en bouche ci-dessus.

Le sens de la marche? C'est celui induit par le désir. L'auteur, avec peut-être l'âge et l'expérience, est passé de la femme à la forêt... Il voit dans la marche et l'écriture des analogies: il marche pas à pas et écrit mot à mot. Pourquoi? Parce que l'essentiel est sans doute la lenteur.

Marcher? La marche simple dans la nature, sans drogues ni substances, sans tambour ni trompette, plus simple et économique que les méthodes de développement perso, peut engendrer aussi hypnose et transe. Elle est le lieu de la perception de la nature dans la surnature.

Si le marcheur dépend du relief, il en est conscient, ce qui le libère. Il est libre à un autre égard. Il ne porte pas de téléphone intelligent et n'emploie donc pas d'applications géographiques. Il récuse pourtant les qualificatifs de sportif et d'écologiste, n'appartenant à aucun ghetto.

Par leur lenteur, les sentiers l'incitent à regarder le ciel immuable et changeant, à contempler la terre et ses créatures, à ralentir encore, voire à s'arrêter. Quand il les parcourt à nouveau, ils lui semblent différents, ce qui lui convient, lui qui écrit l'impermanence en permanence.

Il marche volontiers seul ou avec un compagnon: il aime les gens, mais un à un. Il aime marcher le long des cours d'eau: les écoulements m'enseignent la lenteur; quant aux chutes et aux sources, vers lesquelles il est de ceux qui remontent, elles lui permettent de ressentir le mystère.

Il s'interroge: pourquoi partir et pourquoi revenir. Faut-il d'ailleurs parler de retour ou de pli ? Avant il ne revenait pas par le trajet de l'aller. Aujourd'hui il revient, indifféremment, par le même chemin. En fait il constate: en reculant ou en revenant j'avance toujours, je vais de l'avant.

S'il récuse d'être un sportif et un écologiste, c'est parce qu'il refuse la mesure, qu'il hait la mensuration: quand on vit dans le présent, on n'a pas besoin de chiffres, de comptes, on vit dans l'instant présent, c'est le hier et le demain qui inclinent à l'invention du nombre, du chiffre...

Pour lui, la marche est une ascèse: le mot est venu après la chose. Il en éprouve de la joie, devenu un explorateur immobile, sinon dans la marche lente. Cette ascèse n'est donc pas austère. Il n'est pas ascète par vertu. Il ne compte pas, il énumère parfois parce qu'écrire c'est énumérer:

Mon écriture est comme ma marche une exploration de mon cerveau et du monde, du micro au macrocosme et je ne suis la ligne pas à pas que par simplification au lieu de faire semblant...

Le fruit de son exploration par l'écriture ou par la marche est qu'il faut rester dans l'unique, le particulier, le singulier et s'y concentrer: L'universel devrait rester innommable. Tenter de l'incarner c'est le relativiser ou le dogmatiser. Ce que font les médias ou ce qu'il appelle les ghettos.

Quant aux humains qui veulent vitesse et raccourci, ils devraient observer la neige:

S'il faut un siècle pour construire un monument et mille ans pour l'effacer, le ruiner, en faire une belle ruine, je parle ici d'antiques temples, la neige vous offre ce spectacle en quelques heures, jours ou semaines avec des va-et-vient...

Francis Richard

Le marcheur vertical, Pierre Yves Lador, 216 pages, Olivier Morattel Editeur

Livres précédemment chroniqués:

Chambranles et embrasures, 192 pages, L'Aire (2013)

Confession d'un repenti, 240 pages, Olivier Morattel Editeur (2014)

Les chevaux sauveurs, 200 pages, Hélice Hélas (2015)

Poussière demain, 360 pages, Olivier Morattel Editeur (2018)

Course, 80 pages, Hélice Hélas (2019), illustré par Baladi

Mon chéri à Gérimont, 248 pages, Hélice Hélas (2022) , sous le pseudo d'Adèle Rose Virpyr


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