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Cette 69ème semaine depuis l'élection présidentielle marque une rupture avec les quelques mois écoulés. Enlisé dans une activité internationale qu'il ne maîtrise pas, Nicolas Sarkozy rebondit. Paradoxalement, l'opposition également. Et si ces rebonds n'étaient que façade ?
Sarkozy rebondit à droite
Sarkozy rebondit à l'international. Le coup de force de la Russie l'a contraint à abandonner sa posture "réaliste" pro-russe assumée depuis son élection. Président en exercice du Conseil européen jusqu'en décembre, il n'a pas interrompu pour autant sa réception des athlètes français de retour de Pékin. Mais il a dû faire preuve de fermeté et se rapprocher de la position américaine. Il n'a pas renié toute tentative de conciliation avec la Russie malgré tout: "Personne ne souhaite en revenir au temps de la guerre froide" s'est-il empressé d'ajouter mercredi 27 août. Deux jours plus tard, il confirmait qu'il n'envisageait aucune sanction contre la Russie dans un proche avenir.
Sarkozy rebondit à gauche.
Les sondages l'ont clairement sorti de sa convalescence d'impopularité. Ce n'est pas encore le grand beau, mais le ciel s'est éclairci. Un récent sondage Ipsos le crédite de 44% d'opinions favorables, un score jamais atteint par cette enquête depuis janvier 2008. Après un bafouillement diplomatique frisant l'incompétence, de la crise géorgienne aux Jeux Olympiques, Nicolas Sarkozy s'est redressé. Certes, son narcissisme est toujours là, et la démarche "sociale" de rentrée est davantage politicienne qu'autre chose. Mais Sarkozy tient son cap de façade. "Quand le pays est en crise, on n'envoie pas les CRS" aurait déclaré en 2004 Jacques Chirac à Dominique de Villepin qui lui suggérait de nommer Sarkozy premier ministre. Quatre plus tard, Sarkozy a compris qu'il fallait accepter ponctuellement la contrainte sociale après une "anus horribilis" pour tous les précaires du pays. L'annonce du lancement du RSA, puis son financement par une taxe de 1% sur les revenus financiers est un coup de maître. Comme frappé par une révélation divine, il a tenu jeudi 28 août un discours angélique : "les pauvres ont besoin d'aide"; "les riches doivent être solidaire"; "la France souffre de ses déficits." Sans rire ?
L'opposition rebondit aussi
La candidate socialiste avait pâti de l'absence de réservoir de voix à gauche lors du second tour de l'élection présidentielle de 2007. Avec un Besancenot culminant à moins de 5% des voix, des écologistes confidentiels et un Parti Communiste faiblard, le "rassemblement" à gauche fut laborieux. Les récentes universités d'été à gauche sont encourageantes pour leur camp, même si quelques journalistes, et certains caciques éléphantesques socialistes veulent y voir tantôt une menace pour l'hégémonique parti socialiste tantôt la preuve d'une convalescence prolongée de l'opposition.
Le Nouveau Parti Anticapitaliste ("Nulle Part Ailleurs" ?), s'il réussit son pari, présentera un front "à la gauche de la gauche" capable de porter la voix des démunis et une espérance que le PC a cessé, malgré quelques démarches individuellement sincères, d'incarner. Côté écologie, un large rassemblement des Verts, des partisans de Bové, à ceux de Nicolas Hulot, en vue des élections européennes pourrait peut être sortir l'écologie politique de l'alibi environnementaliste dans lequel le Grenelle de Sarkozy-Borloo l'a enfermée.
Côté socialiste, le Parti se prépare à l'affrontement du Congrès de Reims. On aurait tort de railler la lutte des écuries, les positionnements des uns contre les autres. Que la ménagerie socialiste s'affronte enfin, un peu moins de 4 ans avant l'élection présidentielle est une bonne chose.
Les rebonds sont toujours fragiles
Nicolas Sarkozy a peut-être bien joué cette semaine, mais les rebonds sont fragiles, surtout en politique. La semaine passée, ses gloussements nerveux lors de son allocution à Kaboul devant les soldats français après la perte de 10 d'entre eux a fait le tour du web (malgré quelques censures). Son narcissisme a failli également lui coûtéé ce qui lui restait de réputation, lorsqu'il ramena d'une phrase le drame militaire ... à son cas personnel. Lors de l'hommage nécessaire et légitime aux victimes du massacre de Maillé du 25 août 1944, le naturel l'a à nouveau rattrapé : il s'est permis d'instrumentaliser la cérémonie pour défendre la cause de l'intervention française en Afghanistan. Plus drôles (ou ridicules ?), ses "anecdotes de comptoir" lors de son discours à Laval à propos du RSA ont fait sourire le web 2.0. A quelques mois d'intervalles, Sarkozy ressort la même anecdote, avec les mêmes tiques et les mêmes détails... Une panne d'inspiration ?
Les rebonds peuvent être factices
Inutile de se le cacher, le RSA et son mode de financement ne sont que tactiques. Comme le dit l'estimé Intox2007.info, c'est "la" réforme sociale du quinquenat, la première depuis 69 semaines de casse sociale, et peut être (ou sans doute) la dernière avant la rigueur contrainte par la récession annoncée. De surcroît, le financement du RSA est somme toute bien hypocrite: primo, Sarkozy laisse à sa majorité réticente le soin de décider si cette nouvelle taxe sur 1,1% de certains revenus du capital sera ou non intégré dans le calcul du bouclier fiscal à 50%. La belle affaire ! Quand c'est risqué, le président se débine-t-il ?
Deuxio, une fidèle lectrice m'a fait justement remarqué que certains "revenus" sont gentiment exclus de toute taxation: les stock-options sont-ils des revenus du capital ? Et oui.
Tertio, rares ont été celles et ceux à évaluer enfin le coût social du RSA: n'est-ce pas fondamentalement une "trappe à précarité" ? Le RSA doit permettre à RMiste de gagner plus que l'assistance en acceptant un petit boulot. Disons-le autrement : la seule mesure sociale de Nicolas Sarkozy depuis 69 semaines consiste à encourager les RMistes à prendre des jobs de caissières ou de manutentionnaires à temps partiel.
Lisez donc la position de Denis Clerc, membre, en 2005, de la commission présidée par Martin Hirsch, qui considère que "le RSA risque d'augmenter le travail à temps partiel".
Cette mesure doit nous faire oublier la politique sociale d'une "droite sniff sniff". Rappelez-vous l'offre raisonable d'emploi, le bouclier fiscal à 50%, les franchises médicales, le déremboursement des frais d'optique, la suppression du critère du handicap pour l'attribution de bourses universitaires, l'envoi des futurs pré-retraités de 57 à 60 ans au chômage, le déplafonnement des heures supplémentaires et la suppression des 35 heures, la dégradation de la loi SRU, l'augmentation des cotisations vieillesse, le service minimum à l'école, la privatisation de la Poste à l'horizon 2010, la réforme de la carte judiciaire et sa suppression de tribunaux de province, la fermeture des petits établissements hospitaliers, la précarisation des travailleurs sans-papier, la protection des niches fiscales, la libéralisation du travail le dimanche, la "réforme" du dialogue social dans les entreprises, le licenciement des fonctionnaires "inaptes", la réduction des allocations familiales, l'augmentation du prix du gaz, l'absence de coup de pouce au SMIC, l'allongement de la période d'essai des cadres à 8 mois,
Cela ne vous choque-t-il pas ?
Ami Sarkozyste, où es-tu donc ?