Les Pistolets en Plastique // De Jean-Christophe Meurisse. Avec Laurent Stocker, Delphine Baril et Carlotte Laemmel.
Les Pistolets en Plastique de Jean-Christophe Meurisse est une œuvre inclassable, une comédie noire qui ose s'aventurer là où peu de réalisateurs osent aller. Le film s'inspire de l'affaire Dupont de Ligonnès, tristement célèbre en France, mais la traite avec une légèreté insolente, transformant le macabre en un terrain de jeu absurde. Cette approche peut déstabiliser, mais elle reflète une certaine fascination pour ces faits divers, ces mystères irrésolus qui nourrissent l'imaginaire collectif. Ici, l'assassin devient une légende moderne, et Meurisse exploite cette obsession pour construire une œuvre qui surprend à chaque instant. Dès les premières minutes, le ton est donné : un mélange d'humour grinçant et de situations décalées qui fait mouche. La scène d'ouverture, avec une autopsie sur fond d'une chanson de Véronique Sanson, prépare le spectateur à l'inattendu. Meurisse, comme à son habitude, joue avec les codes et les attentes, insufflant à son film une énergie folle.
Léa et Christine sont obsédées par l'affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d'avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement. Alors qu'elles partent enquêter dans la maison où a eu lieu la tuerie, les médias annoncent que Paul Bernardin vient d'être arrêté dans le Nord de l'Europe.
La bande sonore est un point fort, un mélange d'absurdité et de nostalgie qui renforce le caractère décalé du film. C'est un élément central qui accentue le côté loufoque des situations, transformant chaque scène en une caricature savamment orchestrée. Le casting est un autre atout majeur. On y retrouve une galerie d'acteurs remarquables, certains dans des rôles secondaires qui marquent durablement. Si des visages bien connus comme Vincent Dedienne ou Jonathan Cohen apportent leur touche d'humour, ce sont des acteurs moins médiatisés comme Laurent Stocker et Delphine Baril qui volent la vedette. Leur jeu intense et sans retenue donne au film une dimension théâtrale, poussant chaque scène à l'extrême de l'absurde. Le scénario, quant à lui, est un modèle d'audace. Inspiré de faits réels, il n'hésite pas à déformer la réalité pour la rendre plus extravagante. L'histoire de Paul Bernardin, alias Xavier Dupont de Ligonnès dans la vraie vie, est prétexte à une enquête loufoque menée par deux amies décidées à percer le mystère.
Ce duo improbable, composé de Léa et Christine, est à l'image du film : imprévisible, sans complexe, et irrésistiblement drôle. Elles sont le fil conducteur d'une aventure qui s'amuse des codes du thriller, de la satire sociale et du burlesque. Le film, en plus de son scénario déjanté, regorge de références cinématographiques qui raviront les amateurs du genre. On ne peut s'empêcher de penser aux Nuls, tant Les Pistolets en Plastique joue sur l'humour absurde et irrévérencieux. C'est un cinéma qui fait du bien par son côté libérateur, une bouffée d'air frais dans un paysage souvent conformiste. Jean-Christophe Meurisse, avec son style unique, s'impose une nouvelle fois comme un réalisateur à part, capable de provoquer le rire là où on ne l'attend pas. Certains pourraient reprocher au film son manque de cohérence, ses digressions ou l'étirement de certaines scènes. En effet, Les Pistolets en Plastique part dans tous les sens, et ce chaos organisé peut désorienter.
Mais c'est aussi ce qui fait la force du film : cette capacité à surprendre à chaque instant, à déstabiliser le spectateur. Meurisse ne cherche pas à faire un film policé, mais une œuvre libre, sans entraves. Et cela se ressent à chaque plan, dans chaque réplique ciselée et insolente. Si Les Pistolets en Plastique s'inscrit dans une veine comique, il n'en reste pas moins une satire acerbe de la société. La manière dont Meurisse aborde le fait divers et la fascination qu'il suscite est révélatrice d'une société en quête perpétuelle de sensationnel. Le réalisateur tourne en dérision cette obsession du public pour les affaires criminelles, et en particulier pour l'affaire Dupont de Ligonnès, qui depuis plus de dix ans fascine la France. Il interroge, en creux, cette propension à glorifier les criminels ou à chercher des réponses là où il n'y en a pas. Enfin, Les Pistolets en Plastique ne serait pas aussi marquant sans son humour noir omniprésent. Ce film navigue constamment entre le grotesque et le génial, et c'est cette dualité qui le rend si savoureux.
Jean-Christophe Meurisse a su transformer un drame familial en un spectacle drolatique, presque irréel, où l'horreur se mêle au burlesque dans une danse macabre irrésistible. En conclusion, Les Pistolets en Plastique est un OVNI cinématographique, une comédie grinçante qui bouscule les conventions. Porté par une distribution impeccable et une mise en scène audacieuse, il s'affirme comme une œuvre dérangeante et hilarante à la fois. Meurisse prouve une nouvelle fois qu'il sait surprendre, et même si le film n'est pas exempt de défauts, il restera comme une curiosité incontournable pour les amateurs de cinéma décalé.
Note : 7/10. En bref, une satire sombre de l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès qui n'oublie pas de critiquer la fascination morbide du grand public pour les true crimes.
Sorti le 26 juin 2024 au cinéma - Disponible en VOD