Ce nouveau livret nous offre plusieurs morceaux de musique poétique, tous
traversés par la même lumière, subtile, celle révélée par Le grand moment,
celui de l’amour, celui de la vie. Tout est poétique par essence
Vous ne pourrez pas comprendre, vous ne comprendrez pas que je vous écrive pour vous parler d’un géranium.
Sous la plume de Marc Fontana, ce géranium devient veilleuse
en sa modeste chaleur, vigilant telle une servante sur la scène d’un
théâtre. Mais je ne sais pas si c’est moi ou le géranium qui vous parle,
conclut le poète, humble interprète du message contenu dans la fleur.
Nous retrouvons la parole profonde de Marc Fontana, où l’odeur du souffle
encense le toucher familier. Science, minutie de cet horticulteur du
langage :
C’est la césure / des pétales de l’ombre dans le jardin.
Une langue précise, resserrée. Pas un mot de trop.
L’ongle glisse / sur des auréoles d’heures légères.
Nous glissons également au fil de ces textes. Fontana est un de ces poètes qui savent le mieux parler du corps et de l’amour.
Que fait elle ?/ Un levain sur ma bouche…
Retirons-nous dans des coins / d’orge douce la table le lit / entourés gestuels...
Et l’amour procède.
L’on ne peut s’empêcher de penser à L’amoureuse
d’Éluard ( Elle est debout sur mes paupières. )
Il y a de la magie dans ces vers, c’est-à-dire de l’efficience dans les
signifiants choisis, orchestrés par le poète, posés au bon endroit. Et cette
magie opère.
À qui vais-je écrire que ce qui meurt ne peut plus attendre ?
Sa poésie allie recherche du sens et des sonorités,
sensualité, esthétisme, pour donner corps à une parole éblouie intemporelle, terre
nouvelle d’où vous ne reviendrez plus. Nous sommes au cœur de la
genèse du langage poétique, inaugural, ce pas des premiers mots.
Il serait bénéfique pour la poésie contemporaine que Marc Fontana puisse
s’adresser à davantage de lecteurs, car il est certainement une des voix les
plus graves et les plus justes de notre époque.
Note de lecture de Chantal Dupuy-Dunier
Marc Fontana,
Épreuves du grand moment
L’Harmattan ( coll. « Levée d’ancre ») 106 pages, 11,50 €.