Elle & Lui et le reste du monde // De Emmanuelle Belohradsky. Avec Victor Belmondo, Galatea Bellugi et Charline Ben Larbi.
Elle & Lui et le reste du monde est le premier long-métrage d'Emmanuelle Belohradsky, un film qui tente d'allier comédie romantique et aventure mouvementée dans les rues de Paris. Cependant, cette tentative de mixer genres et ambiances ne fonctionne pas toujours. À mi-chemin entre une histoire d'amour sur fond de course-poursuite et des péripéties invraisemblables, le film ne parvient jamais vraiment à se décider. Cette hésitation dans le ton et le rythme est sans doute l'un de ses principaux défauts. Le début du film intrigue. Tout commence avec Marco, joué par Victor Belmondo, qui travaille dans un centre d'appel de dépannage pour ascenseurs. Lorsqu'il prend un appel de détresse d'une femme coincée dans un ascenseur, on découvre une voix douce et inquiétante, celle de Bulle (interprétée par Galatéa Bellugi). Bulle est en proie à une panique grandissante, d'autant plus qu'elle tentait d'échapper à un amant violent, un diplomate influent.
Marco, la vingtaine, un peu paumé, dépanne un ami en le remplaçant à son lieu de travail: une centrale d'urgence pour ascenseurs. Vers 3h du matin, une jeune femme l'appelle : coincée dans une cabine en panne, elle est en pleine crise d'angoisse. Marco tente de la rassurer au téléphone mais ne trouvant aucun technicien disponible pour intervenir, il décide d'aller lui-même la secourir ! Une fois sur place hélas, la jeune femme s'est envolée. Ainsi débute sa quête rocambolesque à la poursuite de cette énigmatique inconnue, dans Paris, la nuit de la Saint-Valentin.
Dans cet échange téléphonique, la voix de Bulle laisse deviner une vulnérabilité touchante, et Marco, charmé par cette inconnue, tente de la réconforter. L'idée initiale du film est séduisante : on pourrait croire à une romance mystérieuse, une connexion entre deux âmes qui se dévoilent uniquement par la voix. Ce concept rappelle le film à suspense The Guilty, mais dans un registre plus romantique et plus léger. Le potentiel était grand pour un film où l'on imagine une rencontre intense, toute en retenue, basée sur la voix et l'imagination. Pourtant, très vite, cette tension intrigante s'essouffle. Marco, touché par le désespoir de Bulle, décide de la rejoindre, espérant que cette rencontre inédite aboutira à quelque chose de plus. Il enfourche un Vélib' et s'élance dans les rues de Paris. C'est ici que le film bascule. Ce qui aurait pu être une douce histoire romantique autour d'un coup de foudre téléphonique devient une série de péripéties improbables et souvent peu convaincantes.
On le suit dans une succession de scènes qui semblent déconnectées les unes des autres, parfois même absurdes. Marco passe par un fish spa ouvert en pleine nuit, se retrouve menotté par des policiers venus de nulle part, et finit dans une boutique de téléphones, elle aussi ouverte à des heures impossibles. Le spectateur, qui espérait un moment de complicité et de séduction entre les deux personnages principaux, se retrouve à suivre un enchaînement de situations forcées et peu naturelles. Victor Belmondo apporte une certaine fraîcheur à son personnage ; son jeu est charmant et attachant. Malheureusement, même son talent ne parvient pas à sauver un scénario qui manque cruellement de subtilité. Ses efforts pour retrouver Bulle, à travers des obstacles sans fin, finissent par lasser. Plutôt que de créer un effet de suspense ou de donner du rythme, ces péripéties semblent ralentir l'intrigue et ajoutent une touche de burlesque qui dénature l'esprit initial du film.
Les interactions entre les personnages secondaires n'ajoutent pas non plus de profondeur à l'histoire. En effet, le " reste du monde " du titre se matérialise par une série de personnages qui s'entrelacent dans la quête de Marco, mais qui n'apportent pas grand-chose à l'intrigue. Leur rôle semble être de rajouter des obstacles inutiles entre Marco et Bulle, rendant l'histoire toujours plus chaotique sans pour autant enrichir l'intrigue. Le film aurait peut-être gagné en intensité et en émotion si l'accent avait été mis sur la relation naissante entre les deux protagonistes, sur leur connexion au téléphone et leur attente de se rencontrer enfin. À travers des conversations plus longues et plus intimes, l'idée d'un amour naissant basé uniquement sur la voix et la personnalité de chacun aurait pu séduire le public et offrir une véritable touche d'originalité. Cependant, en les lançant dans des mésaventures rocambolesques, le film perd de sa crédibilité, et l'idée de départ se dilue dans un rythme désordonné.
Le climax du film atteint son apogée lorsque, après maintes tentatives ratées pour se rejoindre, Marco et Bulle finissent par se retrouver dans le métro parisien. Ce moment, censé être l'aboutissement de leur quête mutuelle, manque cependant de force. La fatigue due à leurs mésaventures prend le pas sur la romance, et le film ne parvient pas à susciter cette étincelle qu'on attend d'une comédie romantique. En fin de compte, Elle & Lui et le reste du monde se laisse regarder comme un divertissement léger pour un dimanche soir. Il ne s'agit pas d'une comédie romantique inoubliable, mais d'un film sympathique, surtout porté par la performance de Victor Belmondo, qui parvient malgré tout à insuffler un peu de charme à un scénario bancal. Galatéa Bellugi, bien qu'ayant peu de présence à l'écran, apporte elle aussi une touche de fragilité bienvenue. Ce film pourrait séduire un public en quête d'une romance sans grande prétention, mais il ne parvient pas à se démarquer dans le genre. Le mélange entre romance et poursuite nocturne dans Paris n'a pas su trouver le bon équilibre pour captiver.
Note : 4/10. En bref, le charme de Victor Belmondo fonctionne mais le film peine à trouver son rythme. Elle & Lui et le reste du monde reste un film agréable, mais sans profondeur marquante, une tentative qui aurait pu être beaucoup plus percutante si elle avait misé davantage sur la connexion intime entre ses personnages principaux.
Sorti le 19 juin 2024 au cinéma - Disponible en VOD