Dans le cadre de la commémoration des 60 ans d’Israël, le Musée d’Haïfa présente jusqu’au 28 Décembre la décennie 78-88 sous le titre ‘Check-Post’, qui, inévitablement évoque les checkpoints par lesquels je suis passé la veille et je repasserai le lendemain (mais c’est un autre sujet, n’est-ce pas ?); sinon c’est quoi ? un chèque postal ? Alors commémorons, après Jérusalem (98-08) et Tel-Aviv (68-78).
1978-1988, c’est la décennie de la 1ère invasion du Liban, de Sabra et Chatila et de la 1ère Intifada, une décennie où on a du mal à s’abstraire de la politique, de la violence, mais c’est aussi la décennie du post-modernisme et du féminisme, du retour à la peinture, de la revisite de la Shoah et de la contestation politique. Beaucoup de thèmes intéressants, mais une exposition qui (en tout cas en ne pouvant y lire que les rares textes en anglais) semble manquer de conhérence, d’argument unificateur et qui ressemble plus à une juxtaposition de talents divers qu’à une démarche construite, à la différence des deux autres que j’ai visitées. Donc, voici quelques éléments du patchwork, un peu en vrac; le site du musée est bien fait, et renvoie à chacun des artistes présentés.
L’entrée du musée est consacrée à Moti Mizrachi, le premier artiste mizrahi (juif oriental, victime du racisme des juifs européens). Angelo Angelo (1986) transforme le David de Michel-Ange en l’affublant de cornes, héros juif kitschisé avec des haches plantées dans son dos, diable et victime.
Deux compositions collages d’Yair Garbuz, avec textes, objets, photos, nus, etc.., dont voici They shut down the Youth Center and went to make war (1982), difficilement déchiffrable mais mettant l’accent sur la diversité, les identités multiples des habitants du pays.
Un tableau de David Reeb, Beyrouth d’après des photos de Sophie Ristelhuber montre ce que Reeb (par ailleurs très connu come militant de la paix) n’a justement pas pu voir, les immeubles détruits par l’armée israélienne à Beyrouth. Alors il les peint en noir, de manière presque abstraite, où seules les formes essentielles émergent.
A côté d’un film d’Amos Gitai sur la dépossession d’une maison arabe de Jérusalem (House), David Tartakover montre la confrontation entre ce jeune soldat et au mur, sur son affiche, celle qui pourrait être sa mère (Mother, 1987; photo de Jim Hollander). Cet art de rue, de hasard et de rencontres s’apparente à celui d’Ernest Pignon-Ernest, bien sûr. Son site personnel est remarquable.
En haut de ce billet, une photo d’Anat Saragusti de 1987, début de la 1ère Intifada, qui se passe de tout commentaire.
Dans la cage d’escalier une fresque de Lionnes blessées, d’après le superbe bas-relief assyrien, couvre les murs (par Tsibi Geva). J’ai aussi noté les sténopés inspirés par les Concertos Brandebourgeois d’Aïm Denüelle Luski, compositions étranges, cadencées, oniriques.
Enfin Michal Heiman travaille sur le souvenir, la mémoire, l’archive : cette Archive d’exécutions (1990) montre une pendaison de résistants ou de juifs par des Nazis, photographe inconnu, date inconnue, lieu inconnu, identités inconnues, rien que l’horreur pure et inoubliable.
A la librairie du musée, à défaut de catalogue, je feuillette celui de l’exposition Mixed Emotions en 2006 et j’y retrouve avec plaisir Tami Amit et sa série Ecstasy, impudique et révélatrice, qui vaut bien k r buxey, avant de retourner dans le monde réel.