Compte tenu de la fréquence à laquelle je vous tiens informés de mes écoutes de livres audio, vous devez croire que ça achève, ce tricot. Ça avance, mais c'est sans fin, le tricot, un projet à la suite de l'autre et plusieurs de front ! Du merveilleux temps d'écoute !
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de l'admirable Pélagie-la-Charette, de la non moins admirable Antonine Maillet. Rappelons que ce monument de la littérature acadienne remporta en 1979 le prix Goncourt. Rien de moins ! Première personnalité non européenne et sixième femme à se sauver avec le trophée ! Un fait d'armes exceptionnel.
Au milieu du 18e siècle, la Grande-Bretagne aspire à angliciser ses terres conquises. À cette fin, des colons anglais débarquent en Nouvelle-Écosse, où vivent toujours des francophones catholiques qui refusent de prêter serment d'allégeance au roi. Ce sera le début du Grand Dérangement. Chassés de l'Acadie, ils sont embarqués sur des bateaux par l'armée anglaise, les familles cruellement disloquées, dispersés sur les côtes américaines et jusque dans les Antilles. Pour sa part, Pélagie et quelques-uns de ses compatriotes sont réduits en esclavage. Ils travaillent depuis 15 ans dans les champs de coton de la Géorgie. Le roman débute en 1770, lorsque la veuve Pélagie LeBlanc achète une charrette, l'attelle à des bœufs et entame un long voyage. Ce périple durera 10 ans. Chemin faisant, elle rappaillera d'autres familles, ou ce qu'il en reste, et c'est son peuple qu'elle mène en définitive vers le pays. Et en traversant ces territoires de dispersion, ils traverseront aussi la guerre d'indépendance américaine et l'hostilité des Bostonnais loyalistes. Leur plus grand ennemi sera toutefois la faim et le froid, la maladie et la mort qui suivront obstinément ce cortège d'éclopés et de dépenaillés.
Antonine Maillet nous fait vivre l'incroyable épopée du retour des Acadiens à travers des personnages plus grands que nature, des aventures à la limite du vraisemblable et un langage inimitable, truculent, imagé, de la musique pour les oreilles. Cette autrice, rabelaisienne d'âme, s'inspire généreusement des légendes de son peuple et de la langue du 17e siècle, toujours présente dans celle de ses contemporains. De son propre aveu, son œuvre en est une d'oralité et se prête merveilleusement à la lecture magistrale qu'en fait l'actrice Diane Losier, elle-même acadienne.
J'avais autrefois trouvé difficile de lire ce livre, malgré mon admiration pour Antonine. Cependant, son écoute m'a finalement permis de découvrir un joyau de la littérature francophone d'ici.
Antonine Maillet, Pélagie-la-Charette, écouté sur Ohdio, 8 h 5 min