Kim Joong-rae ne parvient pas à trouver l’inspiration pour finir son scénario. Décidé d’entreprendre son travail de cinéaste, il décide de s’évader sur la côte ouest coréenne, suppliant un « ami » de l’accompagner, par souci de locomotion plus que par amitié. Won Chang-wook, cet ami chétif se veut très accueillant, escorté de sa « petite amie », il ne cessera d’aduler « l’artiste ». Si le décor semble très lisse, il n’en est pas moins du reste, Hong Sang Soo nous embringue dans un bric à braque de festivités cocasses, menant certain à l’incompréhension, et d’autre à l’amour précoce. Le trio (cinéaste/ami/petite amie) se ficelle autour de discussions pseudos intellectuelles sur l’art de Kim Joong-rae, d’échanges futiles et de questionnements sur les notions de couple et d’amour. Car si pour Won Chang-wook, la situation se veut limpide quant à la relation qu’il entretient avec la jeune fille, pour Kim Moon-sook, il en est tout autre. La discussion s’envenime et en devient profondément drôle. Les dialogues magistralement dosés nous mènent au cœur d’une incompréhension amoureuse, l’un affirmant « qu’ils sont ensembles », l’autre réfutant que « pour être sa petite amie, il aurait fallu coucher ! ». Le ton est posé.
Continuant sa construction de scène mémorable, HSS pose l’une des plus fascinantes théories qu’un homme macho puisse imaginer. Pour Kim Joong-rae, il est grotesque de reconnaître l’adoration des femmes asiatiques dans le monde occidental. Ces femmes rejetées de leur pays natal, car « trop moches », ne devraient pas susciter l’adulation des hommes étrangers. L’interprétation de Kim Joong-rae et l’humour d’Hong Sang Soo prennent ici toute leur dimension.
Pour parfaire ce tableau, HSS nous habille de la plus belle des façons, des déboires de la relation entre le cinéaste et la jeune fille. Ce dernier étant prêt à tout pour parer sa virilité et mettre en jeu son ego de tombeur, interrogeant Kim Moon-sook sur sa préférence entre Won Chang-wook et lui même... Un jeu de séduction s’installe entre les deux protagonistes à l’insu d’un ami chétif mené en bateau. Le cinéaste pousse la jeune femme à l’acte sexuel, se déculpabilisant par des « je t’aime beaucoup » comme pour se justifier d’une illusion éphémère. Cette phrase ayant pour seul but de rassurer Kim Moon-sook. Le beau parleur renaît, la proie est piégée.
Le quotidien suit son cours, et le cinéaste toujours sur la côte ouest, continue seul à méditer sur la fin de son scénario. Seul, est-ce sans doute le hic de la situation ? Très vite Kim Joong-rae comblera sa solitude en recherchant une femme ressemblant à Kim Moon-sook. Il l’a trouvera, ce sera une de ces marcheuses rencontrées lors d’une scénette de début de film… Petit chassé croisé qui fera les affaires du réalisateur. Rebelote, le même schéma pseudo amoureux, insatiable Kim Joong-rae qui jettera, une fois encore, toute l’envergure de son art de séduction, jusqu’au retour impromptu de son ancienne conquête : Kim Moon-sook.
Autour d’un éternel cycle, Hong Sang Soo démêle les mêmes problèmes, les mêmes interrogations et les mêmes déséquilibres qui se complaisent dans des relations amoureuses compliquées, ou peut être des relations tout court... Et c’est dans des déboires alcooliques et alimentaires que ces relations se font et se défont.
Malgré tout, on reste perplexe sur la dernière partie du film, ennuyeuse et souvent futile, entre scènes incompréhensibles et dénudées de sens. Dommage. On oublie vite ce mini couac pour avouer qu’Hong Sang Soo maîtrise l’art de l’expérimentation Homme Femme, mettant à même la complexité, la folie et la démesure résidant dans chaque être en « ouverture amoureuse ».