Il va falloir désormais s'y faire : tout album paru dans les années 2020 est imprégné des aléas et conséquences de la pandémie que l'on sait. Surtout lorsque celui-ci émane d'une formation de 40 ans d'âge qui n'avait pas pour habitude de livrer un album tous les ans.Le précédent Alles In Allem avait été publié en effet au printemps avant que tout ne bascule ; et redorait le blason d'un groupe dont la carrière du fait de doubles-albums souvent éreintants, ronronnait depuis une bonne décennie.
Bonne nouvelle : si la 14ème livraison des berlinois de Blixa Bargeld est à nouveau double, celle-ci tient à nouveau en haleine. Bien moins percussive qu'à son habitude et appuyée par une basse omniprésente (mais ça on avait l'habitude), Rampen...offre des climats variés et apaisés ; la très minimaliste "Planet umbra" en étant l'une des belles illustrations. Toujours flanqué de son fidèle complice aux percussions N.U Unruh, Blixa distille des ambiances tantôt inquiètes ("Wie lange noch?") ou implorantes (magnifique "Gesundbrunnen") ou revisite le patois local ("Ick wees nich (noch nicht)"). Bargeld s'amuse d'ailleurs à entremêler les sons et les langues, s'y vautre ("The pit of language") au point qu'on ne sait plus parfois dans quelle langue il chante : par exemple le "blümerant'' qui signifie "en fleurs" dans la langue de Goethe et qui est opposé à "bleu mourant" dans "Besser isses".Conçu principalement comme une oeuvre d'improvisation ce qui a toujours été l'essence de ce groupe hors-normes revendiquant haut et fort les divagations kraut et de Can en particulier, celles du mouvement Dada aussi en tant qu'ex- "Geniale Dilletanten", nombre de ces 15 longues pièces du nouvel album empruntent à divers éléments d'hier, font écho aux oeuvres antérieures telles "Trilobiten", curieuse histoire de fossile offert à Blixa lors d'une tournée improbable au Canada.
L'édition deluxe du vinyle rend au-delà de sa particularité monochrome un hommage appuyé aux Beatles, éternelle source d'inspiration, reprenant poster et photos séparées des 5 musiciens qui composent les Einstürzende Neubauten du 21ème siècle. Rampen...ou une musique extra-terrestre certes mais terriblement humaine.
En bref : l'album d'après la pandémie des Nouveaux Immeubles Qui Dégringolent. Rasséréné et mélodique. Blixa et les siens n'ont rien perdu de leur superbe.