Après chaque fin, il y a une période de confusion. En un instant, une vie entière peut sembler très différente. Une direction qu’une personne a suivie pendant des années peut soudain lui faire faux bond, l’obligeant à essayer de retrouver le chemin tout en faisant le deuil du temps qu’elle a passé à voyager. Il en va de même pour toute rupture, qu’il s’agisse d’une histoire d’amour, d’une amitié, d’une entreprise ou, dans le cas de John Lennon, d’un groupe de musique.
Aucune préparation, ni même aucun désespoir, n’ont facilité les choses. Au moment où les Beatles ont fini par se séparer, les quatre membres voulaient partir. Mais après avoir grandi ensemble et passé toute leur jeunesse ensemble, consacrant tout au groupe, la séparation a été incroyablement difficile. Non seulement leurs amitiés ont été mises à rude épreuve, mais ces quatre musiciens n’avaient soudain plus aucune structure en dehors des limites du groupe. Alors que chacun attendait la suite des événements, le monde leur apparaissait comme une huître, et ce niveau de possibilités était étouffant.
C’était un changement énorme, et c’est précisément ce qui conduit si souvent à une sorte de crise existentielle. Pour Lennon, qui avait toujours existé en tant que membre des Beatles, la question de savoir qui il était se posait désormais, exigeant des réponses tout autant que la question de savoir ce qu’il allait faire ensuite.
La pause nécessaire de Lennon et la naissance de “Watching The Wheels”
“Watching The Wheels” est sa réponse à cette question, servant à la fois d’interrogation confuse sur la suite des événements et de réponse à la question de savoir si ne rien faire est la meilleure solution.
Au début, Lennon s’est lancé dans une série d’albums solo dans le sillage de la séparation des Beatles. Mais au milieu des années 1970, il semble s’être épuisé. Entre 1975 et 1980, il est tombé dans une période d’inactivité que l’on a surnommée ses années “homme au foyer“. Soudain, on a l’impression que Lennon n’est plus intéressé par son rôle de musicien, d’ex-Beatle, ni par quoi que ce soit d’autre qu’un mari ou simplement une personne.
Le morceau, qui n’a été publié qu’à titre posthume après être resté dans les archives pendant des années, était la réponse de Lennon. Il s’agit de sa tentative de comprendre la crise d’identité dont il a souffert lorsqu’il a décidé de s’arrêter, de prendre du recul et de faire le point sur les années écoulées.
Une contemplation sereine face à l’incompréhension
“Quand je dis que je vais bien, ils me regardent bizarrement / ‘Sûrement, tu n’es pas heureux maintenant, tu ne joues plus le jeu'”, chante-t-il, s’adressant aux voix qui semblaient penser que son inactivité devait être une sorte de crise. Mais alors que les voix qui l’entourent se demandent comment Lennon s’en sort sans la célébrité et le travail des Beatles, le chanteur semble au contraire vouloir obtenir exactement ce qui les déconcerte : une vie simple.
“Je suis juste assis là à regarder les roues tourner / J’aime vraiment les regarder rouler”, poursuit-il, “Je ne monte plus sur le manège / J’ai juste dû le laisser partir”.
Dans le refrain de la chanson, Lennon précise que cette période d’immobilité n’est pas la crise existentielle que les gens pensaient qu’elle était, mais qu’elle est en fait le remède à cette crise. Il dit qu’au lieu de poursuivre désespérément la vie et le statut qu’il avait laissés derrière lui dans les Beatles, il voulait que son existence dans ce nouveau chapitre soit plus paisible et sereine.
Un parallèle avec McCartney et la recherche de paix
Il est intéressant de noter que Paul McCartney semble être arrivé à la même conclusion. Après une période de dépression consécutive à la séparation, l’ex-bandmate de Lennon s’est installé dans un studio à domicile et a commencé à composer de la nouvelle musique en toute intimité. Loin des pressions et des attentes extérieures, son travail semble également motivé par le désir d’avoir une vie plus calme. “Want a horse, I want a sheep / I wanna get me a good night’s sleep”, chantait-il sur RAM, sa propre contemplation existentielle de l’avenir, où la seule réponse était la paix.