Avale au Cessonnais, Saint - Brieuc, le 29 octobre 2024

Publié le 01 novembre 2024 par Concerts-Review

Avale au Cessonnais, Saint - Brieuc, le 29 octobre 2024

NoPo

AVALE au Cessonnais de Saint-Brieuc, le 29/10/2024

Retour au troquet de quartier, particulièrement actif, aux nombreux habitués qui ont un peu de temps à tuer. A 21H environ, le moins qu'on puisse dire c'est que l'affluence a gonflé progressivement et ça avale sec pour humidifier le gosier.

AVALE, le groupe, a dix ans, et au contraire de Souchon, iels savent que c'est vrai. Une paye que le duo coule vers l'aval à partir de Metz (et pas à l'Ouest). Iels savent où iels vont : 2 EPS et un split (sans se séparer), le dernier disque date de 2022.

Plusieurs personnes (dont l'une d'entre-elles, tout aussi messine d'origine, vit, à présent, près d'ici -mais si!-) s'activent à la mise en place du matériel plutôt élémentaire :

- une basse Rickenbacker au long manche tel un fusil ou une broche à poulets.
- un ampli et un (pas 2!) retour, quelques câbles.
- un Kit de batterie rudimentaire avec un tom basse, agrémenté d'un joli tampax pour amortir les coups, une caisse claire, et un tambourin, en remplacement de la charley, activé par le pied gauche.
Pas de grosse caisse, ce qui libère le pied droit (il sera donc préférable de ne pas s'approcher trop près, on ne sait jamais).

Quant au pied du tom, il repose, en partie sur une boite de conserve, placée en équilibre sur un emballage de mille bornes, probablement pour obtenir l'inclinaison souhaitée, à moins que ce ne soit pour une vidange en cours.
Plusieurs autocollants recouvrent la haute caisse blanche : Maria Violenza Scirocco (nom d'une formation et titre d'un album cold wave dépouillé et synthétique), un 'A'pprenti conducteur, une chauve-souris, les mots 'en traits libres' et une annonce flashy pour acheter tout type de véhicule avec un numéro d'appel 07)... et encore, je ne vois qu'un côté.
De là à dire que la musique d'AVALE se construit de bric et de broc, il n'y a qu'un pas qu'on ne refuse pas à avancer. Quant aux textes, AVALE te parle vrai, voir cru, sans essayer de te faire avaler des couleuvres.

2 voix féminines enregistrées récitent un extrait du poème de Charles Baudelaire "Le voyage" :
"Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !"

Engagement complémentaire, iels "servent le poison à température de cave". Merci aux sommeliers! La lumière, tamisée et même blafarde, s'accorde à l'ambiance.

La setlist indique 'Couteaux' mais ' La part du diable' ouvre bel et bien le set avec une basse saccadée sur une cadence militaire. Il est vrai que les textes tranchent par rapport à ce qu'on peut entendre couramment. Aussi glacé que tueur, le morceau évoque la mémoire instrumentale du plus profond de Joy Division (genre 'No love lost' 'Colony' 'Incubation').

Une rythmique Tchatchak-poum Tchatchak-poum plus la basse au trot mènent une espèce de danse de la pluie devant " Les deux loups". La trame sombre, survolée par une voix emportée et cérémoniale, tourne en rond. A la basse, ça opine de la tête, dans le public ça opine du pied. Il vaut mieux l'arrêter très vite, on a ce qu'il faut dehors. Il parait que l'équipe attire systématiquement cette météo morose partout où elle passe!

Tu trouves que c'est noir? T'as pas encore entendu " Mein Krieg", rien que le titre déjà "Ma guerre", le tout hurlé en allemand. 2 voix se reprennent d'abord avant que l'une d'entre-elles ne se lance en solitaire puis plus loin encore, les deux chantent à l'unisson. La cadence est vive sur un ton guerrier et la basse arrose au lance-flamme.

La basse lance un groove louvoyant sur " Isola", tiré par le fond au tambour. Après le français et l'allemand et avant l'anglais, on entend de l'italien. Le morbide parle toutes les langues!

Sur " Nihil vamp", la basse sonne froidement à la Joy Division, en martèlements même, plombés de frappes lourdes sur les peaux. Par instants, les cordes vrombissent, lorsque le chant lancinant de prêtresse se tait.

La basse rugit cette fois et boucle telle une " Erreur" bloquante, claquée à la caisse claire. Malgré l'errance dans le néant, la plage construit son groove particulier comme savait le faire Public Image Limited à ses débuts.

Résonance profonde en entrée de ' Razor tongue' comme si les cordes étaient détendues. Le tom basse creuse, alors que le tambourin frémit. Le chant, parfois ensemble, harangue.

Le son de basse se tort et le roulement, au rythme des sabots, fait sauter le fil du Tampax. Malgré le mors des " Chevaux", une morsure (mort sûre?) se fait sentir. Un hennissement? Le cri aigu fait mal, appuyé par une cymbale crash. Dans les neurones, ça fait masse. Un nouveau titre qui peut rappeler les débuts de Killing Joke.

Les artistes invitent l'assistance à contribuer financièrement pour aider les femmes concernées par un avortement tardif (après 14 semaines) et qui n'ont pas les moyens de partir à l'étranger (seule possibilité). " Plier", un second nouveau titre enchainé dans la gravité, ne correspond certainement pas à leur état d'esprit.

Côté tambour, on se plaint de ne pas entendre sa voix. Au moment où quelqu'un commence à changer l'orientation du retour, on comprend 'Ah ben oui, c'est mieux mais on arrive à la fin, je n'ai plus besoin de chanter!'
En même temps, sa tête dodeline tellement souvent que les oreilles doivent peiner à capter....

" Les chiens" aboient à l'ouverture de leur dernier EP. La basse tournoyante agit tel un effet hypnotique. Les peaux tambourinent plus que le tambourin, pourtant bien présent. L'influence 'Unknown pleasures' se fait encore sentir.

Fin théorique du set mais l'assistance, un peu interloquée, réagit en réclamant un autre morceau. Perrine, la patronne, pas loin, apprécie.

La basse démarre un truc mais elle s'arrête aussitôt en s'excusant 'On ne la joue pas souvent, je ne m'en souviens plus'.
Finalement c'est un rappel au ' Béton armé', une façon d'entrer dans le dur avec une batterie martiale, pilonnée aux maracas rouges, une basse monocorde et des paroles répétitives 'Chaque fois, tu n'en sortiras pas...' assénées avec insistance.
ça n'empêche pas un gentil pogo de prendre forme, initiée par une spectatrice et la conductrice en chef du groupe (ah c'est à elle le 'A' ahaa!) sans enlever son bonnet, qui y prennent beaucoup de plaisir. Il faut dire que le morceau, rythmiquement marqué, incite à la bousculade.

On a l'impression d'avoir participé à une sorte de cérémonie païenne où l'on expie ses fautes ou ses pensées répréhensibles en les expulsant ou en dénonçant les faits. La tension, palpable sur l'interprétation musicale, contraste avec la gentillesse du duo et de ses accompagnants. Pour compenser la noirceur des compositions du groupe, la batteuse me confie d'ailleurs jouer de la country dans un autre groupe.
Comme quoi, on peut tout avaler à condition de choisir son assaisonnement.
SETLIST
1-La part du diable (Couteaux)
2-Les deux loups
3-Mein krieg
4-Isola
5-Nihil vamp
6-Erreur
7-Razor tongue
8-Les chevaux
9-Plier
10-Les chiens
11-Béton armé (rappel)
https://avale666.bandcamp.com/