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Sa propre voie

Publié le 31 octobre 2024 par Eric Acouphene

 Le Tao est un cheminement solitaire, équilibriste entre les obligations de notre société et la quête d’un non-agir qui semble parfois inaccessible.

L’histoire du jour résonne fortement avec cette quête d’un chemin qui se dérobe sous nos pas, aussitôt que nous choisissons consciemment de l’emprunter.

Han Xiangzi, le musicien et poète Immortel

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Han Xiangzi était un enfant intelligent, mais différent. Difficile à apprivoiser, qui se tenait hors des sentiers que l’on tentait vainement de tracer pour lui. On disait que son âme était celle d’une grue blanche, intégrée dans son enveloppe humaine par l’Immortel Zhong. Une grue blanche, symbole de chance, de sagesse et de paix.

L’enfant fut élevé par Han Yu, un illustre fonctionnaire, qui tenta de l’éduquer pour le faire entrer, plus tard, dans les services gouvernementaux. Han Yu proposait à Han Xiangzi une voie toute tracée. Bien rangée. L’enfant se désintéressa de cette voie, naturellement, sans rébellion. Il s’en écartait sans effort ni volonté apparente.

Han Xiangzi possédait un don, lui permettant de faire pousser et fleurir une multitude de plantes en quelques secondes. Une nature intérieure trop puissante pour être canalisée par une vie toute tracée. Une fois adolescent, Han Xiangzi devient le disciple de l’Immortel Lü Dongbin. Il emmena le jeune homme les branches du Pêcher Surnaturel, pour lui permettre d’apercevoir l’entrée du paradis.

Han Xiangzi chuta des branches, mais devint lui-même Immortel avant de toucher le sol. Lü Dongbin lui proposa alors de le rejoindre dans les cieux. L’adolescent refusa poliment. Il préférait rester sur terre, pour parcourir les montagnes et vivre en communion avec la nature. On l’aperçut alors par les vallées, les forêts et les villages, jouant de sa flûte magique. Un instrument qui avait le don de restaurer l’harmonie autour de lui. Les animaux le suivaient, hypnotisés.

Au cours des années qui suivirent, Han Xiangzi refusa d’accorder la moindre importance à l’argent et à la reconnaissance des humains. Il jetait à terre tout ce qu’on pouvait lui offrir. Il fut connu pour ses prophéties et ses sublimes poèmes, qu’il aimait inscrire sur les pétales des pivoines. Il parcourut ainsi son propre chemin, armé de sa flûte magique, capable de guérir et élever les esprits.

Han Xiangzi : la sagesse de suivre sa propre voie

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L’histoire douce et poétique de Han Xiangzi regorge d’enseignements et nous indique de nombreuses pistes de réflexion. Han Xiangzi, en se détournant du sentier droit et tout tracé qui lui était proposé par Han Yu, n’a pas exprimé d’acte de rejet. Il n’a pas fui, ne s’est en rien opposé à ce qui lui était offert.

Il s’en est simplement détourné. Naturellement, doucement, calmement. Il a suivi un chemin de traverse, qui s’écoulait doucement à côté du sentier bétonné que Han Yu lui offrait. Son propre chemin, qui s’écartait naturellement des attentes du monde.

Par deux fois, des hommes très différents lui ont proposé d’emprunter un sentier qui semblait idéal pour lui. Han Yu et Lü Dongbin, tous deux, ont offert au jeune homme de suivre leur voie. Une vie de fonctionnaire et une vie aux cieux. Par deux fois, Han Xiangzi s’en est doucement écarté. Par deux fois, Han Xiangzi quitta la route qui s’ouvrait devant lui, pour traverser les prairies des possibles, et tracer son propre cheminement. Naturellement, comme une feuille qui tombe de son arbre et se laisse emporter par le vent.

Le Tao nous enseigne que chaque individu doit trouver sa propre voie. Quitter l’autoroute de ce qui semble normatif et bien structuré, pour découvrir son propre itinéraire. Le Tao ne s’impose pas à nous, il nous est impossible d’apprendre ses enseignements de manière dogmatique.

Le Tao n’est pas une autoroute toute propre, toute tracée, toute lisse. Le Tao est le chemin que nous traçons par notre propre intuition, dans un pré fleuri. Nous devons le trouver par nous-mêmes. Que se passe-t-il lorsque nous restons sur l’autoroute de ce que la société attend de nous ? Nous perdons de vue le pré fleuri. Nous perdons notre propre nature. Perdus dans un quotidien stressant, nos obligations, le bruit des villes, des personnes qui nous entourent, des responsabilités…

Nous n’écoutons plus ce qui murmure tout bas. Ce qui nous dit doucement que l’harmonie n’est pas ici. Dans notre vie moderne, de nombreuses choses nous maintiennent, de gré ou de force, dans un chemin qui nous est attribué sans que nous ne l’ayons choisi. La productivité. Le sérieux. L’ambition. 

Prenons un instant pour y réfléchir. Dans quels domaines de votre vie avez-vous l’impression de suivre une voie qui n’est pas la vôtre ? Avez-vous déjà eu l’impression que votre chemin était ailleurs ? Je ne parle pas ici de rébellion, de quitter la société moderne et de vivre en ermite. Je me questionne simplement sur les voies que nous suivons parce qu’elles semblent logiques. Sans qu’elles ne résonnent pleinement en nous.

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Au contraire, quelles sont les décisions, les petits sentiers isolés que nous avons empruntés, et qui nous ont apporté un véritable sentiment d’harmonie ? Se détourner des conversions médisantes et des commérages. Ne pas s’intéresser aux « qu’en dira-t-on ». Prendre du temps pour se promener, seul, en forêt. Cuisiner en pleine conscience, en appréciant chaque geste, chaque odeur et chaque sensation. Commencer à peindre, ou à jouer de la guitare, car cela résonnait avec un appel profond qui existait en nous.

Il ne s’agit pas alors de rejeter en bloc ce que la société contemporaine nous offre. Mais plutôt de prêter une oreille plus attentive à ce que souffle notre nature profonde. Suivre davantage notre instinct, notre quête naturelle d’harmonie, pour tracer notre propre cheminement. Dans l’acceptation de ce qui s’offre à notre intuition, sans effort ni ambition.

Le Tao se révèle à nous, simplement, quand nous suivons nos instincts. L’art comme un reflet de l’harmonie. 

L’art de Han Xiangzi découle de son harmonie intérieure. En jouant de la flûte, en inscrivant ses poèmes et prophéties sur les pétales des pivoines, Han Xiangzi retourne simplement au monde ce qui existe en lui. Dans un cycle vertueux, sans objectif. Il résonne alors pleinement avec le Tao.

La légende de Han Xiangzi nous enseigne que l’art n’est pas un moyen intentionnel de transcender. Il s’agit d’une conséquence, et non pas d’une cause. La conséquence de l’harmonie fluide et naturelle avec le Tao. Il ne s’agit alors pas d’un chemin direct vers la transcendance. Plutôt d’une expression spontanée de cette union entre le flux naturel et universel, et ce qui fait de nous des humains.

Notre intuition. Notre créativité. Notre capacité à voir et apprécier la beauté de ce monde.

L’expression artistique, dans une perspective taoïsme, n’est pas un exutoire, un moyen de nous défouler et de nous apaiser. Mais davantage une manifestation de notre tranquillité intérieure. L’art taoïste est alors une manière en soi d’incarner le non-agir (wu-wei). Par l’art, nous devenons alors le canal de l’énergie créatrice qui circule autour de nous. Nous lui permettons de s’exprimer, elle. Pas de nous exprimer, nous.

L’absence d’effort conscient dans cette expression artistique est alors un moyen privilégié de se connecter avec ce qui fait l’essence du Tao. Avec sa manière d’exister en nous. Les exercices d’écriture intuitive sont d’excellents points de départ pour qui souhaite découvrir cette essence. Écrire sans réfléchir, sans y penser. Laisser le flot couler en nous, de notre cœur à notre stylo. Comme une brise légère qui viendrait guider doucement nos gestes. Nous nous connectons alors pleinement à notre véritable essence.

Mais la magie se brise lorsque nous commençons à y réfléchir. À la faire exister de manière consciente. Avez-vous déjà ressenti ces instants d’harmonie ? Si forts, mais pourtant si fugaces. Qui nous échappent aussitôt que nous les remarquons ? Cuisiner pour sa famille, et, sans y prendre garde, se détacher de ce qui nous entoure. Plus rien n’existe alors que l’instant présent. La douceur de la lumière du soir, qui illumine la pièce. L’inspiration qui vous vient, et qui vous pousse à adapter une recette que vous connaissiez déjà par cœur. Mais qui vous invite à y ajouter votre touche personnelle. Jouer d’un instrument de musique, et se laisser porter par les notes qui se dévoilent sous les doigts. Instinctivement.

C’est dans ces moments que le Tao s’exprime. Lorsque nous ne cherchons pas à le trouver. Lorsque nous le laissons venir à nous, sans y penser.

Cher(e) ami(e) du Tao, je vous souhaite aujourd’hui de trouver là où se cachent vos possibilités d’harmonie. Et de vous y plonger. Jusqu’à ce que le Tao s’invite à vous.


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