Avoir des followers sur les réseaux sociaux ne signifie pas forcément créer une vraie connexion avec sa communauté. L'obsession pour les métriques nous éloigne de l'essentiel et fait passer au second plan ce qui en est le cœur de ces dispositifs : l'humain. Pour autant, les communautés en ligne ne sont pas mortes même si on peut se questionner sur leur place au sein des réseaux sociaux. Surtout, elles s'imposent plus que jamais comme de puissants leviers capables de répondre aux enjeux présents et à venir des OGD.
Ce billet s'inscrit dans une série d'articles sur les #ET20 que vous retrouverez sur le blog au cours des prochaines semaines. Nous revenons ici sur un atelier que j'ai eu le plaisir de co-animer avec Antoine Pin, directeur de Protect Our Winters. Intitulé " Les OGD ont abandonné leurs communautés ", cet atelier était déjà en écho à un article paru sur le blog. Alors même si je crois fermement au bienfait du surcyclage, il ne s'agit pas ici de tourner en rond mais bien d'approfondir cette analyse.
Avez-vous abandonné vos communautés ?
La réponse de la salle à cette question introductive fut sans nuance : non. Et je le comprends. Aucun animateur·rice de communauté, aucun responsable du digital ou directeur·rice d'OGD n'a le sentiment d'ignorer consciemment ses communautés en ligne.
Mais en posant la question différemment, on s'aperçoit que ce n'est pas si simple. Êtes-vous en capacité de nommer plus de 10 personnes qui composent votre communauté en ligne ? En dehors des membres de votre équipe ou vos partenaires bien sûr. Là, ça se complique.
Nous utilisons le terme de " communauté en ligne " alors même que nous ne connaissons ni les noms et prénoms des gens qui les composent. C'est tout juste si l'on connait leur lieu de résidence ou leur âge. Et ce qu'ils apprécient ? Probablement ce qu'on diffuse, sinon ils ne seraient pas là.
Alors bien sûr, on peut être ok avec ça et se dire que ce qu'on cherche ici avant tout, c'est de l'audience. On optimise nos contenus pour qu'ils viralisent en répondant au mieux aux attentes des algorithmes. Cette Optimisation Social Media (SMO) est possible, nous l'utilisons au quotidien avec les équipes de my destination. Cette approche, qui a la vertu de faire croitre la visibilité organique, répond principalement à une recherche d'audience. Car comme vous le savez, sur les réseaux sociaux ce ne sont pas forcément vos followers que vous touchez avec vos messages.
Bien qu'intéressante, cette approche est risquée si elle ne prend pas en considération la notion communauté.
Tout d'abord parce qu'elle nous rend complètement dépendante du bon vouloir des réseaux sociaux et de leurs évolutions. Combien d'entre nous ont fait le choix d'abandonner X à cause de son changement de politique ? On a donc accepté que ces " communautés " qu'on avait mis des années à développer n'étaient plus. Sans demander de compte à personne. Ces plateformes refusent l'interopérabilité qui permettrait de passer d'un réseau à un autre sans perdre ses contenus et sa communauté. Aujourd'hui, notre capital éditorial et social ne nous appartiennent pas sur ces espaces. Alors, dans une stratégie d'acquisition d'audience, on peut être ok avec ça et se dire qu'on a fait le boulot pendant des années et qu'à présent on va investir ailleurs. Mais a-t-on encore les moyens de disperser son énergie et ses budgets sans chercher à construire dans la durée ?
Ensuite, car votre objectif est différent de celui de l'algorithme :
- vous souhaitez maximiser le nombre de points de contacts et d'échanges avec votre communauté
- l'algorithme cherche à diffuser des contenus pour conserver ses utilisateurs dans une bulle de filtre
Cette situation peut s'avérer inconfortable dans la durée et nous oblige à faire des choix, et parfois même à entretenir des stéréotypes. Quelles conséquences ? Prenons l'exemple du fameux " ce site naturel sensible est sur-fréquenté à cause des réseaux sociaux ".
Si les médias sociaux peuvent nous aider à entretenir des liens faibles avec nos communautés, ils ne sont plus suffisant pour construire une relation pérenne. Il devient donc indispensable de diversifier les canaux de discussion selon les types d'interactions attendues :
- sur les médias sociaux (Facebook, Instagram ou TikTok) on obtiendra principalement des interactions unilatérales
- des espaces comme Substack ou Twitch permettent des rdv récurrents entre une organisation et son audience
- les espaces plus confidentiels comme WhatsApp permettent de réunir un coeur de communauté beaucoup plus engagé
Protect Our Winters, l'activation d'une communauté au service d'une cause
Antoine Pin, directeur de l'association Protect Our Winters, insiste sur le besoin de différencier les messages qui s'adressent directement aux communautés et les outils qu'on leur met à disposition afin qu'ils les transmettent à leur tour. Et c'est là toute la puissance d'une communauté qui se sent investie d'une mission pour répondre à une vision commune. Le cas du rapport du GIEC envoyé aux députés par les membres de la communauté POW nous montre la puissance d'une telle approche.
Je retiens aussi de son intervention une organisation non-silotée, permettant à une équipe de 4 personnes de faire bouger les montagnes en activant sa communauté. Ce sujet doit être plus que jamais partagé par les équipes. L'approche communautaire doit être portée par la structure et pas par un uniquement par comnunity manager.
Terra Aventura, la gamification au service des flux touristiques
Sophie Marnier, l'initiatrice de Terra Aventura, aurait tout à fait pu intervenir dans cet atelier. Ce projet, qui réuni 3 millions de personnes par an, a démontré sa capacité à générer des flux touristiques sur des territoires peu connus. Avec un concept de départ très simple : une chasse au trésor. Grâce au storytelling et à la gamification, une communauté de joueurs parcoure la Nouvelle-Aquitaine pour trouver des caches.
Ce que je retiens ici, c'est la capacité à constituer, animer et activer une communauté au-delà des réseaux sociaux. Je vous invite à visionner le replay de l'atelier " Jouer avec ma destination " dans lequel Sophie détaille le cas Terra Aventura.
Une raison d'être, une vision, des missions
Une communauté a besoin d'un point commun pour former un groupe homogène. Une vision collective qui rassemble des individus. " La promotion d'un territoire " est peut-être un peu court. " Réunir les habitants d'un territoire d'un jour et de toujours " pourrait s'avérer plus efficace.
Les raisons de rejoindre une communauté peuvent être :
- le partage d'une identité commune qu'elle soit culturelle, professionnelle ou personnelle
- un centre d'intérêt communs, qu'il s'agisse d'une passion pour un sujet ou un hobby
- répondre à un objectif partagé, comme l'apprentissage de nouvelles compétences, la défense d'une cause, où l'atteinte de résultats concrets
- une raison d'être, porteuse de valeurs et de convictions fortes, que les membres partagent et souhaitent promouvoir ensemble.
Ce dernier point me parait particulièrement intéressant, dans une période où les organisations se (re)posent la question de leurs missions. Je vous invite d'ailleurs à ce sujet à visionner le replay de l'atelier sur " les structures à missions " .
Le développement et l'animation de communauté doit donc se placer au service de la raison d'être de votre organisation, de la vision que vous portez. Un investissement dans l'humain, plutôt que dans les GAFAM.
Le replay de l'atelier " Les OGD ont abandonné leur communauté "