L'histoire: Gene Garrison (Gene Hackman) est professeur d'université à New York. Veuf à 40 ans, il a des plans de remariage avec une doctoresse vivant en Californie. Mais, après la mort de sa mère, il rechigne à quitter la côte est, espérant pouvoir s'occuper de son père (Melvyn Douglas), désormais seul. Les relations entre les deux hommes aux parcours bien différents n'est pas au beau fixe. Le paternel, âgé de 81 ans, est du genre intraitable, son fils, plutôt malléable. La sœur de Gene, Alice (Estelle Parsons), voudrait que son frère s'affirme et puisse s'émanciper pour enfin vivre pleinement sa vie. Mais Gene est déchiré par son sens du devoir envers ce père qui ne l'a jamais vraiment accepté.
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Conçu en 1962 comme un scénario de cinéma par le réputé Robert W. Anderson (Tea and Sympathy, 1956), I Never Sang for My Father (Je n'ai jamais chanté pour mon père en VF, Mon père n'a jamais écouté mes chansons au Québec) passe par Broadway (une centaine de représentations en 1968, ce qui n'est pas vraiment un succès), avant que la Columbia achète les droits. Plusieurs cinéastes tentent de l'adapter (dont John Frankenheimer), mais c'est finalement Gilbert Cates, qui avait produit la pièce, qui se charge de le réaliser.
Détruit par une bonne partie de la critique américaine à sa sortie en octobre 1970 (Vincent Canby dans le New York Times le qualifiant de " film misérable "), I Never Sang for My Father tombe vite dans l'oubli, en dépit de ses nominations pour trois Oscars, deux Golden Globes, le prix du National Board of Review et à le prix de la Writer's Guild of America.
Certes, cette " petite " œuvre n'apporte rien de bien nouveau à son thème des relations troublées entre un père et son fils. Le récit - partiellement autobiographique - est assez austère et se conclue sur une note mélancolique très éloignée du " happy end " réconciliateur. En revoyant le film aujourd'hui, il est facile de se rendre compte à quel point sa franchise et sa sincérité se démarquaient du corpus des turbulentes années 1970, qui nous ont laissé tant de films d'action emballant, de polars tendus et de Blaxploitation mémorables.
Le revoir c'est constater l'étendue du talent de Gene Hackman, ici dans l'un de ses premiers grands rôles même s'il avait déjà une bonne dizaine de longs métrages de cinéma à son actif. À mon sens, c'est l'une des meilleures compositions de sa carrière dans le registre dramatique. Avec sobriété et nuance, il incarne ce grand gamin mal à l'aise, qui saisit subitement qu'il ne lui reste plus beaucoup de temps pour se réconcilier avec son père. Hackman livre une prestation particulièrement touchante, qui, même avec une nomination à l'Oscar, ne fut pas d'un grand impact sur la suite des choses. Il faut en effet attendre l'année suivante avec The French Connection pour qu'il accède à la notoriété.
I Never Sang for My Father séduit également par la qualité de sa transposition pour le cinéma. Certes, on est plutôt dans un registre modeste, mais à aucun moment, sauf peut-être dans une longue scène de salon impliquant le père et ses deux enfants (d'une tension incroyable!), on ne sent le poids du téléthéâtre que cela aurait pu être. Le film a aussi l'intérêt de nous montrer à nouveau le grand Melvyn Douglas (1901-1981), impeccable dans la peau d'un homme d'affaires à qui tout a réussi devenu froid et arrogant par la force des choses. Refusant de voir son corps et sa tête lui échapper, il fera tout pour ne pas le montrer à ses enfants pour ne pas leur faire de chagrin.
C'est cette façon de montrer la fragilité du mâle alpha américain sentant bien que ses jours sont comptés qui fait que I Never Sang for My Father me paraît encore très intéressant. Malgré ses faiblesses et son relatif anonymat. Mais bon, l'histoire du cinéma n'est pas faite que de chefs-d'oeuvre, n'est-ce pas?