SVOLVAER (Norvège), 28 août 2008 (AFP) - Aux Lofoten, haut lieu de la chasse à la baleine en Norvège, les pêcheurs défendent bec et ongles une pratique décriée ailleurs dans le monde et récusent les affirmations selon lesquelles les consommateurs boudent la viande du cétacé.
Sur cet archipel niché au-dessus du cercle polaire, la saison est finie. Les baleiniers sont rentrés dans leurs ports d’attache où ils dressent leur silhouette distinctive: un canon à harpon sur la proue et une tour de veille depuis laquelle on guette le petit rorqual.
Celui-ci s’est encore fait rare cette année. Seule la moitié du quota de 1.052 cétacés a été prise. Depuis que la Norvège a repris la chasse à la baleine en 1993 malgré un moratoire international entré en vigueur en 1986, les pêcheurs n’ont rempli leurs quotas qu’une seule fois.
Ils invoquent le prix élevé du mazout, la mauvaise météo –il leur faut une mer d’huile pour harponner–, la répartition des quotas parfois alloués dans des régions très éloignées ou encore la congestion, à terre, dans la chaîne de débitage.
Pour Greenpeace, le problème est ailleurs. “Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le marché pour la viande de baleine est inexistant“, affirme Truls Gulowsen, un de ses responsables en Norvège.
Ici, l’organisation de défense de l’environnement a renoncé depuis belle lurette aux campagnes spectaculaires où elle s’interposait entre les chasseurs et leurs proies. “On a une meilleure idée: on va laisser le marché décider. Cette activité est condamnée à disparaître”, ajoute Truls Gulowsen.
Jadis plat du pauvre, la viande de baleine est quasi absente des supermarchés. Mais, à Svolvaer, une bourgade des Lofoten, elle figure en bonne place sur le menu des restaurants, frite ou en carpaccio, surprenant parfois agréablement les papilles de touristes d’abord sceptiques. “Notre problème, c’est l’ignorance. Beaucoup de gens ne comprennent pas à quoi ils s’opposent“, explique Leif Einar Karlsen, un chasseur de baleines local qui a embrassé le métier il y a 12 ans après avoir été mécanicien. “Les gens ignorent qu’il existe des dizaines de sortes de baleines“, reprend-il.
Le petit rorqual, la plus petite des grandes baleines, compte plus de 100.000 spécimens dans l’Atlantique Nord.
Seul pays avec l’Islande à autoriser sa chasse commerciale, la Norvège juge la population assez abondante pour supporter des prélèvements limités.
Mais le cétacé reste sur les listes de la Convention sur les espèces menacées d’extinction (Cites), ce qui empêche son commerce international. “L’effet d’un lobbying malheureusement efficace“, lâche Bjoern Hugo Bendiksen, président de l’organisation des chasseurs de baleines.
Fils, petit-fils et frère de chasseur, il a harponné 23 cétacés cette année. “Une saison médiocre”, selon lui.
Car si elle contient beaucoup de viande -plus d’une tonne-, la baleine ne s’écoule qu’à 30 couronnes (3,8 euros) le kilo dans les usines de débitage sur l’îlot de Skrova, au large de Svolvaer.
La moitié des recettes couvre les coûts du bateau et l’équipage, quatre hommes généralement, se partage le reste.
“Avant, la chasse à la baleine, c’était une activité principale. Maintenant, ce n’est plus qu’une activité d’appoint pour les pêcheurs qui pêchent le cabillaud, le colin et le hareng le reste de l’année“, souligne Leif Einar Karlsen.
Elle ne représente plus aujourd’hui qu’entre 20 et 25% du revenu annuel des pêcheurs. Seule une petite trentaine de bateaux s’y adonnent en Norvège. Egalement centrés sur les baleines, les safaris en mer sont beaucoup plus lucratifs pour un coût et une pénibilité bien moindres.
“Mais un jour, un baleinier a harponné un animal juste sous nos yeux. Mes passagers étaient horrifiés. Moi, j’ai failli avoir une crise cardiaque”, témoigne Heike Vester, responsable d’Ocean Sounds. “La chasse à la baleine? Une pratique du passé“, insiste-t-on chez Greenpeace.