Mon ami Denis Hamel m’a prêté le dernier recueil poétique de Jean-Michel Maulpoix « Cahier de nuit » paru au Mercure de France en février 2024 (96 pages).
Comme l’indique son titre, c’est un livre à la tonalité sombre. Il évoque la vieillesse, la maladie et la peur de la mort. De poème en poème, les images de l’obscurité, des yeux fermés, du sommeil, de l’insomnie ou des songes s’entremêlent et forment un paysage triste, assez souvent désespéré. Dans le poème « le pain » se trouvent des références à Verlaine et à son célèbre sonnet « Après trois ans« , mais J-M. Maulpoix semble vouloir tirer un trait définitif sur la douce nostalgie saturnienne et s’installer plutôt dans l’autodénigrement et dans le refus. Les poèmes sont souvent organisés en quatrains (presque jamais rimés), ou adoptent la forme du sonnet, avec de nombreuses images, métaphores, et semblent vouloir se situer dans une longue tradition poétique française, héritière des classiques.
Biographie succincte du poète
Né en 1952, agrégé de lettres modernes, professeur à l’université de Nanterre puis à la Sorbonne. De 2004 à 2007, il préside la Maison des Ecrivains et de la littérature ainsi qu’une commission du Centre National du Livre (CNL). En 2022 il reçoit le Prix Goncourt de la Poésie pour l’ensemble de son œuvre. Il a aussi été condamné, avec sursis, par la justice en février 2024.
(Source : Wikipédia)
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Choix de Poèmes
Page 18
Manteau de nuit
I
Croyez-vous le ciel habité
Par tant de faux regards brillants
Écarquillés et très lointains ?
À qui ces yeux maquillés d’or ?
Nuit aveugle fouillant la nuit
Fardée de toutes ses étoiles
Pardonnez-moi, je me détourne
Je n’y vois plus clair parmi vous
Vers l’oubli je suis en chemin
Comment dérouler ce drap noir
Dont s’est enveloppée la terre ?
Ce manteau n’est pas à ma taille.
*
Page 35
Le bureau de mon père
Le père était assis à cette même table
Où j’écris à présent des poèmes
Les mains posées sur le même bois ciré
Et ces marques, ces taches, cette usure
Ces veines de nuit dans le vieux chêne
Sont tout ce qu’il me reste de ses gestes
Je n’ose plus porter au poignet
Sa montre fatiguée où retarde le temps
Cahier de nuit posé à plat sur sa mémoire
Taches d’encre bleue et traces de plume
Je prends sur ce bois noir le pouls
Chaque jour plus ralenti de ma propre vie
Qui se confond avec la sienne
Vie perdue d’un vieillard qui tomba dans la nuit.
*
Page 83
VII
C’est le temps qui passe
Qui nous fait aimer
Ce qu’il nous fait perdre
Chacun devrait le savoir
Est-ce si compliqué
À entendre ?
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