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Après le Caucase, la bataille de l'Arctique ?

Publié le 29 août 2008 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

grand nord.jpgLe premier ministre du Canada, Stephen Harper, qui a entamé le 26 août, une tournée de trois jours dans le Grand Nord, a fait de la défense de la souveraineté canadienne dans l'Arctique une des priorités de son gouvernement. De fait, les ressources énergétiques de la région, extrêmement riche en pétrole et en gaz naturel, sont de plus en plus convoitées par les pays qui la bordent et notamment par la Russie. Dans un contexte de regain de tension entre Moscou et les pays occidentaux, François Thual, co-auteur du livre "La bataille du Grand Nord a commencé", analyse les enjeux stratégiques de la région.


La course aux réserves énergétiques de l'Arctique s'est accélérée ces dernières années. Quelles ressources se cachent exactement sous la calotte glacière ?

Il faut savoir faire la part des choses et différencier les informations avérées des estimations. On sait qu'il existe d'importantes réserves gazières et pétrolières autour du Groenland et que les pourtours canadiens et russes de l'océan Arctique sont des régions riches en minerais.

Les volumes restent néanmoins à déterminer avec précision. L'agence américaine de recherche géologique, l'USGS, a évalué les ressources à 90 milliards de barils de pétrole, 1.670 billions de pieds cubiques de gaz naturel (un pied cubique équivaut à 0.028 m3) et 44 millions de barils de gaz naturels liquéfié.

Mais l'intérêt stratégique de la région dépasse les enjeux énergétiques. Le réchauffement climatique et la fonte des glaces annoncent aussi le raccourcissement des routes entre l'Asie, l'Europe et l'Amérique du Nord, c'est-à-dire entre les trois principaux foyers du monde développé. La question de savoir qui sera souverain sur ces axes névralgiques ne va pas manquer d'attiser les tensions. Un différend existe d'ailleurs déjà entre les Etats-Unis et le Canada à ce sujet.

Enfin, les questions de sécurité internationale ne sont pas non plus étrangères à la région. La base américaine de Thulé, au Groenland, sera la pièce maitresse du dispositif anti-missile américain si celui-ci venait à voir le jour. Or, on sait que ce sujet joue pour beaucoup dans la tension entre Washington et Moscou.

L'année dernière, à la même époque, la Russie plantait symboliquement son drapeau à 4261 mètres de profondeur sous la calotte glacière. L'action du Canada doit-elle être interprétée comme une réponse à la volonté russe d'étendre sa domination sur le pôle nord ?

Pas uniquement. Là encore, le message envoyé par le gouvernement canadien est double. Il s'agit certes de signifier aux Russes que le Canada est bien engagé dans la course à l'Arctique et que le pays a une réelle volonté de présence dans la région, mais en se rendant dans le Grand Nord, Stephen Harper envoie également un signal fort aux Etats-Unis.

Il faut savoir qu'il existe un différend entre les deux pays sur le statut des voies de communication maritimes qui vont être libérées par la fonte des glaces. Washington soutient que ces eaux seront internationales alors qu'Ottawa n'a pas l'intention de mettre en question sa souveraineté sur la mer de Beaufort. La querelle qui existe à ce sujet ne doit pas être sous-estimée. Elle explique, à mon sens, le refus du Canada d'envoyer des troupes en Irak comme le lui demandaient les Etats-Unis en 2003.

Les conflits d'intérêt qui s'articulent autour de l'Arctique sont donc complexes et dépassent largement la simple logique d'opposition Est-Ouest. Tous les pays qui bordent la région : le Canada, les Etats-Unis -avec l'Alaska-, le Danemark - avec le Groënland -, la Norvège et la Russie ont la ferme intention de maintenir leur place dans la course aux ressources arctiques.

Lequel de ces pays a-t-il le plus de chance de s'imposer ? La Russie a-t-elle une longueur d'avance ?

La bataille du pôle nord va poser des questions de droit maritime, et les pays se disputent déjà sur le sujet. Selon les conclusions de la conférence de Montego Bay (Jamaïque), en 1982, sur le droit de la mer, un Etat peut étendre sa juridiction au-delà de 200 milles nautiques si la zone convoitée se situe dans la continuité de son plateau continental - c'est à-dire, le prolongement de ses terres sous la surface de la mer.

Or, la géographie des fonds marins dans cette région est encore largement inconnue. La question de savoir si la dorsale de Lomonossov -qui s'étend de la Sibérie jusqu'aux confins du Grand Nord Canadien- est attenante au plateau continental russe, canadien ou groenlandais, n'a pas fini d'opposer ces trois pays.

Il est donc tout à fait probable que la politique du fait accompli prime. Or, dans ce domaine, la Russie a souvent une longueur d'avance. Son expédition militaire dans le Caucase la encore démontré.

Source du texte : L'EXPRESS.FR

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