Un scoop : depuis huit jours, je cohabite avec Christine Angot.
Elle bouge beaucoup, et moi un peu. Mais ne croyez pas que je vais vous déballer ça comme ça, il faudra d’abord lire ce billet. Et défense de sauter des paragraphes.
Pour calmer votre impatience, je vais vous parler du libraire. Celui qui vend les livres, c’est le libraire, celui qui les achète, c’est le client. On ne le dira jamais assez. Sans client, pas de libraire. Sans libraire, pas de client. Ah, il y a aussi le livre, c’est celui-là qui embrouille tout.
Quand un libraire aime un livre, il en favorise la vente. Quand il ne l’aime pas, il laisse le livre se défendre tout seul, ou de défendre ailleurs. Là où tout se complique, c’est que pour aimer ou ne pas aimer, il faut l’avoir lu. Imaginons un livre qui sort, je dis une période au hasard, bien sûr, qui sort, euh… en fin août. Il débarquera au milieu de 675 autres. Si le libraire veut les avoir tous lus dans le mois qui suit leur sortie, ça lui en fait 22 par jour. Si on laisse le libraire dormir deux heures par jour, il devra donc lire un livre par heure. Pendant cette heure, il devra aussi, s’il est consciencieux, vendre les livres déjà lus, en dire du bien. Ajoutez à cela que certains libraires veulent dormir plus de deux heures par jour en septembre. Tout ça pour dire que c’est dur d’être libraire, bien plus dur que d’être client.
Il faut donc aider les libraires.
Pour cela, certains éditeurs viennent lui présenter leurs livres très en avance. Ils en disent généralement du bien, pour aider le libraire à se faire son opinion. Quand ils en pensent beaucoup de bien, ils en font un peu plus, pour prouver au libraire qu’ils croient vraiment à ce qu’ils disent. C’est, par exemple, ce qu’a fait mon éditeur en envoyant à son réseau de librairies-partenaires un petit livret, avant même les vacances : le livret, c’était un recueil de 4 courtes nouvelles. 4 parmi les 14 qui composent « Qui comme Ulysse ». Et ça a beaucoup aidé. Ne serait-ce qu’à son référencement. Car il faut maintenant vous souffler une vérité cruelle : il y a des livres qui ne seront pas lus par le lecteur, pas lus par le libraire, et pire encore, même pas mis en place dans la librairie. Il n’y a pas de place pour tout le monde dans la librairie. Je ne le leur reproche pas : dans ma bibliothèque, il doit aussi y a voir 600 ou 700 livres, et ils ne sont toujours pas rangés. Ça fait des années que j’essaie, mais c’est chaque fois pareil : je commence à ranger, je redécouvre un livre timide qui se cachait depuis des années, je commence à le lire, et je laisse tomber les autres. Oui, je sais, je suis bavard, je m’éloigne du sujet, Chris-tine An-got, An-got ! clamez-vous en trépignant. Je suis en plein dans le sujet, je vais y venir.
Que peut-on faire de plus pour aider le libraire, surtout celui qui veut dormir deux heures de plus ? On peut lire les livres à sa place. C’est ce que font les critiques. Et les critiques, me direz vous, comment font-ils ? Ils s’y mettent à plusieurs, dans le même magazine. Certains lisent les critiques des autres, pour savoir quoi lire — si j’étais critique littéraire, c’est ce que je ferais. Je ne lirais même pas les livres, je lirais les critiques, j’en ferais une synthèse, en ajoutant quelques phrases de mon cru « L’auteur a un ton bien à lui », ou « Il y a des longueurs au milieu du roman ». C’est pour cela que je ne suis pas critique littéraire, on finirait par démasquer l’imposture. Je préfère être imposteur chez les auteurs, on mettra plus longtemps à me démasquer. Comment, An-got, An-got, An-got ? J’y viens. Mais, ce que je voulais dire, c’est que c’est très utile, pour aider le libraire, d’avoir très vite de bonnes critiques. Le pavé du Nouvel Obs avec ses trois étoiles, la colonne de Femmes, les autres qui suivent et dont je vous parlerai bientôt, c’est une grosse bouffée d’oxygène pour mon « Qui comme Ulysse ».
Il y a aussi les blogs littéraires, très prisés de certains libraires. Ils ont raison de priser, il faut surtout priser ceux qui disent un peu ou beaucoup de bien de mon livre. Merci Cuné, Hélène dans ses jardins, et quelques autres qui ne vont pas tarder à être mis en ligne. Je répète « qui ne vont pas tarder à être mis en ligne », en gras, au cas où des gestionnaires de blogs littéraires ne sauraient pas de quel livre parler en cette rentrée. Inutile de lire les 676 pour trouver des idées.
Une autre façon d’aider le libraire, c’est de lui proposer une sélection. Le libraire pourra la modifier, l’enrichir, la restreindre, mais il a une base de départ. C’est ce que fait La Revue Littéraire, très lue par les libraires ; elle propose une sélection de 57 livres sur les 676 de la rentrée : http://www.leoscheer.com/blog/2008/08/26/722-rl-36-la-rentree-litteraire Formidable, initiative : les libraires pourront-ils dormir ainsi 22 heures par jour ? Je ne sais. Mais ils pourront en tout cas soutenir « Qui comme Ulysse », puisque mon livre fait partie des 57 élus. Ouf ! Ce qu’il y a de bon, quand on fait partie des 8% de survivants, c’est qu’on peut regarder les autres se noyer, avec de bonnes paroles compatissantes. C’est bon d’être humaniste, quand on est sur le ponton.
Tout ça pour dire que la situation se présente bien pour Ulysse, me direz-vous (en pensant An-got, An-got ! fugacement, car votre éducation est excellente). Eh bien oui, mais même comme ça, il y a des aléas, des impedimenta. Un joli mot que je pique à Mauriac qui le met dans la bouche d’un de ses personnages. Vous savez, Mauriac a écrit… oui, An-got, An-got ! Je vous entends, j’abrège.
En exemples d’impedimenta, trois anecdotes qu’on m’a rapportées
Guylou dans les commentaires de ce blog :
J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c'est qu'il y a, à la librairie Privat d'Orléans, trois exemplaires de "Qui comme Ulysse", la mauvaise, c'est que nul ne sait où ils sont rangés ! Après une heure de pérégrinations entre la rentrée littéraire, les nouveautés, la littérature française, les nouvelles, les deux vendeurs et moi-même avons renoncé et je suis repartie bredouille ! L'éventuelle bonne chose qui en découle, c'est que les deux vendeurs vous connaissent désormais et qu'ils ont fait un commentaire tout à fait élogieux sur la couverture de votre livre ! Mais moi, que vais-je faire ?
Rolando, par mail :
Je suis allé samedi à la Fnac, je venais d’acheter le Nouvel Obs où j’avais lu la critique de ton recueil : pas moyen de trouver « Qui comme Ulysse ». Je demande à un vendeur qui ne le trouve pas non plus. Il allait laisser tomber, mais j’ai fait un petit scandale en montrant l’article : « Comment, il a les trois étoiles du Nouvel Obs, et on ne le trouve pas à la Fnac ! ». Là, il s’est pris par la main, et il a fini par le trouver.
Du coup, un proche à qui j’avais raconté l’histoire est directement allé à la Fnac, le Nouvel Obs ouvert à la bonne page. Qui comme Ulysse n’était toujours pas en « nouveautés » Il a demandé au vendeur « je voudrais ce livre-là, celui qui a les *** ». Stratégie crédible, puisque le billet du Nouvel Obs ne présente pas la couverture du livre. C’est bien, si tous mes lecteurs font la même chose, je ne sais pas si « Qui comme Ulysse » finira par être présenté sur la table des nouveautés de toutes les Fnac, mais les vendeurs finiront par tous lire le Nouvel Obs.
An-got, An-got ! Oui, j’y suis. Je suis allé hier visiter la plus grande librairie d’Europe, le Furet du Nord à Lille. J’y serai le jeudi 25 août à 17 heures, dans l’espace-débat, pour une interview-présentation publique de mon recueil. « Qui comme Ulysse », lui, y est déjà présent. Très présent, fortement mis en valeur au rayon nouveautés : trois facings verticaux. Le livre à côté a lui aussi trois facings verticaux : c’est « Le marché des amants » de Christine Angot. Les deux autres, c’étaient « Peut-être une histoire d’amour » de Martin Page, et « L’incertain » de Virginie Ollagnier. Un tel voisinage est-il favorable ou préjudiciable ? Je suis resté un quart d’heure à observer le présentoir. A la fin, j’avais vendu un livre, et Christine Angot zéro. Je vends donc plus que Christine, c’est constaté, c’est scientifique. Et seuls les esprits perfides feront remarquer que l’exemplaire du recueil, c’est moi qui l’avais acheté.
Le présentoir est là, tout en bas. J’avais pris une photo avec mon téléphone, mais elle est assez confuse. Comme ce billet, direz-vous. J’ai donc redessiné le présentoir avec Photofiltre, excellent logiciel. Dommage qu’il ne redessine pas aussi les billets.
Tout ça pour dire que c’est bien d’aider le libraire, mais qu’il faut aussi aider le livre. En achetant « Qui comme Ulysse », n’hésitez pas à évoquer devant le libraire tout le bien que vous en avez lu… ne serait-ce que sur mon blog.
Et j’allais oublier le plus important (mais, je le crains, vous ne serez plus là pour le lire, maintenant que vous savez tout sur mon histoire avec Christine Angot. Tant pis, je continue, car c'est vraiment important) : si vous envisagez d’acheter Qui comme Ulysse, passez très vite à la réalisation. Car le libraire donnera plus volontiers un coup de pouce aux livres qui commencent déjà à bien se vendre, et je le comprends. C’est bien beau de lire 22 heures par jour, mais il faut aussi qu’il bouffe, le libraire !