Il est loin le temps ou le festival de Cannes ne proposait que des films chiants ou incompréhensibles. J’ai l’impression que le palmarès de cette année est particulièrement porteur de bons films, ce qui à mes yeux est un fait relativement rare ! Gomorra est typiquement un film pour Cannes, mélangeant discours social et dissection rigoureuse d’un microcosme : celui de la mafia italienne aux alentours de Naples. Le résultat est brillant et fait froid dans le dos.
Gomorra – Aux antipodes du Parrain
Aux alentours de Naples, une citée vétuste abritant quelques membres de la mafia locale. Nous allons suivre pendant quelques jours le destin de plusieurs personnes. Qu’ils soient gamin rêvant de devenir grand, adolescent ayant trop regardé Scarface, trafiquant de drogue, comptable de la mafia, homme d’affaire spécialisé dans le traitement des déchets toxiques, ou simple habitant, tous vont vivre l’enfer au quotidien, alors que deux clans se déchirent.
Oubliez tous les clichés que vous avez pu voir ou lire sur la mafia. Oubliez le Parrain et son code d’honneur, oubliez Scarface avec Pacino se battant à la mitrailleuse dans une villa somptueuse. La mafia d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ca. Si tous ses membres rêvent d’être des De Niro, Pacino ou Brando, aucun n’en a ni l’envergure ni le cerveau. Adapté d’un bouquin de Roberto Saviano, aujourd’hui sous protection policière suite à plusieurs procès ayant appuyés ses dires, décrit une faune idiote, obsédée par le pouvoir et l’argent et à peine plus disciplinée qu’une meute de loups.
Car tous les personnages de son film partagent quelque chose : ils sont tous les abandonnés volontaires ou non d’un système, qu’ils remplacent par une société parallèle aux codes impitoyables et ou il s’agit de tirer le premier. Ce sont également pour la plus part de jeunes écervelés pensant que la virilité se trouve dans l’arme à feu que l’on porte à la ceinture et que leurs actes font d’eux des hommes à part entière.
Dans la description de la violence au quotidien, entre ceux qui tentent de s’en sortir et ceux qui rentrent dans le système, le film fait beaucoup penser à La Cité de Dieu, qui traitait de thématiques similaires dans les favelas brésiliennes. Sans toutefois atteindre la quasi perfection du film de Fernando Meirelles, Gomorra tape fort et fait mal. Le Camorra y est certes par moment dépeinte comme une œuvre philanthropique aidant les familles les plus déshéritées sous leur protection… mais la plus part du temps c’est avant tout une machine à broyer les hommes qui en font partie.
Le plus tragique dans le film (parmi d’autres) est sûrement le destin de deux jeunes croyant pouvoir faire ce qu’ils veulent comme ils veulent sur un terrain de jeu dirigé par et pour les adultes. En voulant jouer aux plus malins, ils vont tomber dans un piège mortel… Mais l’on pourrait également citer un comptable ne faisant pas partie de la guerre entre clans et qui va pourtant en devenir un pion malgré lui, un gamin qui va devoir aider à faire assassiner une femme qu’il aime bien, un tailleur donnant des cours pour arrondir ses fins de mois voir ses employeurs se faire assassiner sous ses yeux…
L’impression générale est que la sécurité n’existe pas, que quelque soit le rôle et l’implication des habitants de la zone contrôlée, tous sont des victimes potentielles… pour ne pas dire des victimes certaines des procédés douteux employés.
En ce sens le film de Matteo Garrone est une réelle réussite, un film qui tape là ou ca fait mal, qui casse les clichés et montre une vérité brute qui remet en perspective la soi-disante civilisation dont nous sommes si fiers. Ces hommes sont des animaux et avilissent tout ce qu’il touche. Gomorra a été un carton en Italie, a reçu un grand prix à Cannes, et c’est ma foi totalement mérité. Un grand film indispensable.