[FNC 2024] Là d’où l’on vient de Meryam Joobeur

Par Mespetitesvues

Synopsis officiel: Aïcha (Salha Nasraoui) vit dans un village reculé du nord de la Tunisie avec son mari Brahim (Mohamed Grayaâ) et Adam (Rayene Mechergui), son plus jeune fils, âgé de 8 ans. La famille est bouleversée par le départ des fils aînés, Mehdi (Malek Mechergui) et Amine (Chaker Mechergui), qui ont fugué vers l'étreinte violente de la guerre. Lorsque Mehdi revient de manière inattendue avec une femme mystérieuse (Dea Liane), une force destructrice survient et menace de consumer tout le village. Aïcha est alors déchirée entre son amour maternel et son besoin de vérité.

Passage au FNC: les 11 et 12 octobre 2024 - Sortie en salle au Québec: 1 novembre 2024 (Maison 4:3)

Mon avis

Produit par la Tunisie, la France et le Canada, avec la collaboration de la Norvège, du Qatar et de l'Arabie Saoudite, Là d'où l'on vient ( Mé el Aïn en VO, Who Do I Belong To en version sous-titrée anglais, La source sur le territoire français) est le premier long métrage de Meryam Joobeur, cinéaste américano-tunisienne établie à Montréal, qui s'est fait connaître grâce à ses courts Gods, Weeds & Revolutions (2012), Born in the Maelstrom (2017), et surtout Brotherhood (2018), finaliste aux Oscars et récipiendaire de 75 prix internationaux.

Autant dire que ce passage au format long était assez attendu, d'autant que la production a mis plusieurs années avant de se terminer. Inspiré par l'histoire de Brotherhood - qui se concentrait sur les trois frères de la famille - Là d'où l'on vient déplace sa focale et se concentre cette fois sur le visage de la mère aimante et résiliente, d'où le titre de travail du film qui était " Motherhood ". Le résultat - au carrefour de la chronique familiale, du conte fantastique et du drame social - est loin d'être inintéressant, mais a un peu de mal à tenir sur la durée.

Doté de grandes ambitions, ce beau film, lent et contemplatif, se concentre donc sur une mère dépassée par les événements tragiques qui frappent sa famille. Ses deux grands garçons sont partis en Syrie s'enrôler dans les rangs de l'État islamique. L'un revient avec des secrets inavouables et une femme voilée, mystérieuse et muette... dont on découvrira plus tard quelques pans de sa vie. Les thèmes sont porteurs et lourds de sens, d'autant que certains passages sont crûment démonstratifs. La direction photo de Vincent Gonneville ( Jour de chasse, Bergers) enferme bien ses sujets, la trame sonore composée par Peter Venne ( Les barbares de la Malbaie, Prank), est subtile et délicate quoique parfois surexposée.

À l'issue des deux longues heures du visionnement, pourtant, j'ai eu l'impression que Who Do I Belong To avait raté une partie de la cible. Le problème principal tient essentiellement dans un récit chargé de plusieurs couches de sens, qui évolue sans cesse entre le concret et l'abstrait, au pont de perdre l'auditoire. On ne sait pas vraiment (et c'est surtout le cas dans le deuxième des trois chapitres) ce qui est vrai, ce qui est inventé, ce qui est présent et ce qui est passé...

Un peu comme si les éléments réels (l'EI et ses combattants, les conditions de vie modestes de la famille), les moments de mélodrame (la mère et ses souffrances, le père et ses silences) et tous les passages à la signification symbolique pas toujours compréhensible avaient du mal à s'imbriquer ensemble et à former un tout cohérent. En outre, le virage vers le film policier entrepris à mi-parcours est tout sauf convaincant. Mais il y a quand même plusieurs passages touchants, notamment lorsque la mère interagit avec le plus jeune de ses enfants.

En somme, Là d'où l'on vient est une première œuvre stylisée à l'extrême, qui ne parvient peut-être pas à dire tout ce qu'elle veut, mais qui, au final, recèle quand même de belles promesses.