L'entretien
( ici ) que Christoph Blocher vient d'accorder au magazine "Sonntag.ch" ( ici ) n'a pas connu dans les gazettes l'écho qu'il méritait, comme au bon vieux temps des moutons noirs ou de l'affaire
Roschacher. Les gazettes ont tort. Il est vrai que, depuis que Christoph Blocher n'est plus que Vice-président d'une UDC qu'elles voient à tort sur le déclin, le Conseiller fédéral
non-réélu ne les intéresse plus guère.
Il est vrai aussi qu'ayant choisi l'arrière-plan, comme il le confie dans cet entretien, Christoph Blocher prête moins le flanc aux délires éditoriaux. Il n'est plus chef d'entreprise, depuis
plus de quatre ans, ni Conseiller fédéral, depuis le 12 décembre 2007. Du coup il le reconnaît lui-même : "J'ai une vie beaucoup plus agréable aujourd'hui. Je peux me concentrer sur l'essentiel
et je lis beaucoup".
Ceux qui pensent que de travailler à l'arrière-plan rend Christoph Blocher moins redoutable en seront pour leurs frais. Il a maintenant le temps de la réflexion et, à l'UDC, il veille au grain,
c'est-à-dire qu'il "veille à ce que l'UDC identifie et traite rigoureusement les grands problèmes de notre temps".
Les grands problèmes de notre temps identifiés par Christoph Blocher ressortissent à quatre domaines :
- l'indépendance de la Suisse que menacent toujours des adhésions de la Suisse à l'UE et à l'OTAN
- la sécurité du pays, plus particulièrement la réorientation de l'armée
- les institutions suisses détournées de leurs fins
- la politique fondamentale de l'Etat "en tant que base d'une économie florissante et de la sauvegarde des emplois".
C'est l'actuelle crise dans le Caucase - qui aurait pu déboucher sur une crise mondiale si les Etats-Unis "avaient aidé militairement la Géorgie" - qui conduit Christoph Blocher à penser
que "le principe respecté pendant des siècles de la neutralité permanente et armée - que l'on méprise parfois ouvertement, mais le plus souvent sournoisement à la Berne fédérale - est plus actuel
que jamais".
Christoph Blocher pense que "la direction de l'armée ne pense plus à la propre défense du pays" alors que la menace est toujours réelle. Le principal danger émane aujourd'hui des guerres chaotiques
qui sont portées de l'extérieur dans le pays : le terrorisme et le crime organisé, les conflits ethniques, les guerres civiles importées, des règlements de comptes sauvages après des prises de
positions inutiles".
Or "les dirigeants de l'armée veulent entrer dans l'OTAN et ils font tout pour atteindre cet objectif. Ils veulent une armée de métier sans avoir le courage de l'avouer. La neutralité permanente et
armée n'est prise en compte ni dans la politique extérieure, ni dans la politique de sécurité". En conclusion "l'armée est aujourd'hui très mal conduite".
Les gazettes, qui se sont tues sur Christoph Blocher, provisoirement, ont beaucoup reproché à Christoph Blocher de mettre à mal les institutions de la Suisse. Il pense a contrario que "les
institutions suisses sont certes correctes, mais (qu') on ne peut pas en dire autant de ceux qui y siègent" parce qu'ils "se considèrent comme l'incarnation de ces institutions". "Voilà
pourquoi ils dénoncent celles et ceux qui les critiquent comme des ennemis de l'Etat".
Enfin "on nous annonce une période économiquement difficile. L'UDC souhaite donc décharger les gens des prélèvements fiscaux. Ainsi les citoyens en général et les entreprises et les arts
et métiers en particulier peuvent davantage investir. Or, c'est exactement le contraire qui se passe : le Parlement et le Conseil fédéral veulent augmenter la TVA de 0,4 pour cent au lieu de
baisser cet impôt. La facture sera payée par les citoyens et l'économie. L'UDC doit se battre contre une hausse de la TVA et pour une baisse des impôts en général".
Les hausses d'impôts sont cependant soumises à des votes populaires, ce qui gêne les "démocrates". Pour biaiser la volonté populaire les impôts sont donc remplacés par des redevances qui n'y sont
pas soumises : "Ce flot de nouvelles redevances est une lourde charge, notamment pour les petites entreprises. L'UDC exige donc que chaque redevance perçue à chacun des trois nouveaux de
l'Etat repose sur une loi particulière."
Plutôt que s'intéresser au fond de cet entretien, les gazettes, au mépris de l'information de leurs lecteurs, ont préféré s'appesantir sur le dernier "coup" de Christoph Blocher, annoncé dans cet
entretien, à savoir qu'il allait porter plainte "contre la conseillère nationale Lucrezia Meier-Schatz et l'ancien conseiller national Jean-Paul Glasson ainsi que contre l'ancien procureur
fédéral M.A. Fels et le procureur de la Confédération Fabbri" ( ici ).
Pourquoi ? "Le 5 septembre prochain ce sera le premier anniversaire d'un événement incroyable : des parlementaires membres de la Commission de gestion (CdG) ont tenté avec la complicité du
Ministère public de la Confédération d'évincer le ministre de la justice (NdFR : Christoph Blocher à l'époque) avec des accusations inventées de toutes pièces".
Ce que ne disent pas les gazettes c'est le but recherché par Christoph Blocher en déposant plainte, l'effet d'annonce leur suffisant amplement : "Ceux qui sont censés garder l'Etat de droit
ont cherché à en abuser. Ils ont endommagé nos institutions. Cela ne peut pas rester sans conséquence. Et cela doit avoir des conséquences civiles et pénales".
Christoph Blocher cherche-t-il à se venger ? Non pas : "Une plainte pénale ne doit pas être forcément mon affaire personnelle, mais la plainte pour atteinte à la personnalité au niveau du droit
civil doit être déposée par moi-même. Même des parlementaires, des conseillers fédéraux et des procureurs fédéraux n'ont pas le droit de violer l'Etat de droit qui doit être la référence de toute
action étatique".
A ceux qui pensent l'enterrer politiquement de son vivant il répond : "N'en déplaise à mes adversaires, je suis plutôt en bonne santé. Mais j'ai 67 ans. Ce qui me donne l'avantage de l'expérience.
Je perds moins de temps".
A bon entendeur...
Francis Richard