Outre mères, Sophie Adriansen & Anjale… ma BD de la semaine !!

Par Antigone

Je suis une fervente admiratrice du travail de Sophie Adriansen depuis de nombreuses années. Ses engagements me tiennent à cœur. Dans son dernier album, elle révèle un scandale oublié. Effectivement, dans les années 70, alors que la France luttait pour le droit à l’avortement, à La Réunion, une décision fut prise face à la surpopulation de l’île. Une politique de régulation des naissances fut mise en œuvre, entraînant de nombreuses femmes dans des avortements forcés et des stérilisations… Lucie est une des victimes. Encouragée par son entourage, définitivement brisée par ce qu’il s’est passé, elle porte plainte. Il s’avère que le réseau en place est puissant. Les médecins blancs de l’île s’arrogent le droit de disposer du corps de ces femmes, de décider d’interrompre une grossesse sans leur consentement et pire que tout, leurs actes sont remboursés par la sécurité sociale. En métropole, Marie-Hélène, en terminale, assiste elle aux premier mouvements de libération des femmes. Certaines vont même avouer leur avortement publiquement sur un journal. Le manifeste des 343 paraît le 5 avril 1971 dans Le Nouvel Observateur. Les femmes qui le signent s’exposent à des poursuites pénales pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement. Les destins parallèles de ces deux femmes permettent de mieux comprendre l’époque, les enjeux en puissance, et rendent le scandale des avortements forcés de La Réunion encore plus troublant, puisque les avortements étaient interdits dans l’Hexagone à l’époque… Il est difficile de rester indifférente face à cette histoire si scandaleuse, dont j’ignorais tout. Le trait d’Anjale, très doux, permet l’empathie avec Lucie. Un changement de couleur indique quant à lui le changement de lieu, si l’histoire se déroule en métropole ou à La Réunion. Bien entendu, on ne peut ressentir que de la colère face à ce colonialisme qui perdure. Les années 70, c’était hier. Et il se rajoute à cet autre scandale qu’il ne faut pas oublier : de 1962 à 1984, au moins 2 150 enfants réunionnais relevant de l’Aide sociale à l’enfance ont été transférés dans les départements métropolitains sujets à l’exode rural comme notamment la Creuse. La Réunion n’est pas qu’une destination de vacances, c’est aussi un département qui a vécu des traumatismes. Merci à Sophie Adriansen de le rappeler.

Editions Vuibert – 3 octobre 2024

J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…

 

Tous les autres liens sont chez Noukette aujourd’hui 

Un titre reçu dans le cadre d’une opération Masse critique spéciale de chez Babélio [La fiche du livre]

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