Critique du Père Goriot, de Balzac, adapté par David Goldzahl, vu le 30 septembre 2024 au Théâtre des Gémeaux Parisiens
Avec Delphine Depardieu, Jean-Benoît Souilh et Duncan Talhouët, mis en scène par David Goldzahl
Ambivalence, quand tu nous tiens. Dès que j’ai vu la programmation du Théâtre des Gémeaux, j’ai eu envie de découvrir Le Père Goriot. Et quand j’ai vu que c’était une adaptation avec trois comédiens, j’ai un peu déchanté. Mais bon. J’ai voulu me fier à ma première impression. Quelle sage décision. Il faut toujours se fier à sa première impression.
J’ai lu Le Père Goriot il y a loooooongtemps et je n’en garde pas énormément de souvenirs. J’ai aimé, mais c’est pas non plus le banger que je conseille à tout le monde. Dans la famille des auteurs réalistes, je suis plutôt team Maupassant. Team accessibilité, team phrases courtes, team action qui avance, vous voyez. Il se trouve que j’étais au théâtre ce soir-là avec une personne full team Balzac. Le genre prof de français qui ne jure que par ces auteurs qui tombent souvent des mains du reste des mortels. Et le truc assez fort, c’est qu’on a toutes les deux passé une merveilleuse soirée.
Pour les gens comme moi qui ne s’y connaissent pas trop, Balzac, ça pourrait (grossièrement) être résumé ainsi : des descriptions qui font une grande partie de l’art du Monsieur + un talent de conteur et de narrateur hors pair. Les vrais de vrais aiment les deux éléments. Les autres s’accrochent à l’histoire pour mieux digérer le reste. C’est là-dessus qu’ils ont misé. Pour parler autant aux novices qu’aux passionnés, il n’ont gardé que l’action, la trame principale du Père Goriot, enlevé tout ce qui est analyse ou description, et PAF, ça fait non pas des Chocapics, mais un spectacle complètement prenant.
C’est le genre de spectacles qui a tout compris. Et on a su tout de suite qu’on allait être conquis. Parce qu’il commence avec un rythme, une atmosphère, une énergie qui ne peut que vous embarquer. Et qu’il ne redescend pas en bpm de tout le spectacle. Rendons à César ce qui est à César : ça nous a quand même rappelé que Balzac écrivait de grands romans populaires. Mais on sent aussi que l’adaptation est ultra efficace. Très bien pensée. Vraiment bien fichue. Et servie à merveille par un excellent trio de comédiens.
Ce qui pourrait manquer ne manque à aucun moment. La scénographie est ingénieuse et, malgré une multiplication des personnages pour toujours le même nombre de comédiens, ne nous perd à aucun moment. Cerise sur le gâteau, non seulement c’est bien fait, mais c’était une bonne idée dès le départ car l’intrigue, qui prend parfois des couleurs quasi policières, a quelque chose d’intrinsèquement très théâtral. On est dans le Paris du début du 19e et l’on cherche à s’élever dans le grand monde, on cherche à être vu, on fait des visites, on croise du monde, on entre dans des salons et on se fait bannir d’autre. Bref, on vit à toute allure. Et rien ne semble pouvoir les arrêter. Sauf les applaudissements, nourris, à la fin du spectacle.
Mince, c’est déjà fini ?
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