L'histoire: Quatre comédiens se retrouvent en rase campagne pour tourner une scène dans un film fauché réalisé par une intelligence artificielle. L'essentiel de la séquence qu'il jouent se déroule dans un restaurant situé en bordure d'une départementale. Florence ( Léa Seydoux) veut présenter David, l'homme dont elle est follement amoureuse ( Louis Garrel), à son père ( Vincent Lindon). Mais David n'est pas attiré par Florence et souhaite s'en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy ( Raphaël Quenard). Sous les yeux des convives, les tensions entre les acteurs éclatent au grand jour...
Passage au FNC: les 11 et 12 octobre 2024 - Sortie en salle au Québec: 18 octobre 2024 (Les Films Opale).
Mon avis
Un acteur sur le retour qui rêve d'aller jouer à Hollywood. Une actrice, vedette reconnue, qui se fait dire par sa mère et sa fille qu'elle est nulle. Un second couteau qui dit tout ce qu'il pense, au risque de rebuter l'auditoire. Et un homosexuel abonné des premiers rôles qui se prétend ouvert d'esprit, alors que c'est tout le contraire. Le petit théâtre de dupes installé par le très prolifique Quentin Dupieux n'aura pas souvent été aussi habile et efficace.
Au fil d'une mise en abyme en apparence ténue, Dupieux poursuit sa réflexion engagée avec Yannick. Il livre ici une vision beaucoup plus mordante et beaucoup plus juste en s'attaquant aux tendances qu'est en train de prendre le monde de la culture, et du cinéma en particulier. Sans les approfondir, il aborde plusieurs thèmes importants, comme les dangers de l'intelligence artificielle, un public de plus en plus épars, la vanité des " auteurs " et la pauvreté de leurs scénarios, les guéguerres d'égo entre les artistes, ou encore les agents grassement payés qui n'en fichent pas une.
Mais ce film à l'ambiance bien particulière - le tournage à l'aérodrome de Condat, en Dordogne, y est pour beaucoup - n'est pas uniquement une farce autoréférentielle. Car Dupieux ratisse large ne serait-ce qu'en posant les bases d'une réflexion modeste, certes, mais pertinente, sur le sens des images. En illustrant avec quelle facilité la fiction peut se faire passer pour le réel, il invite le spectateur à se questionner sur (et à se méfier de) ce qu'il regarde. Un sujet qui pose de plus en plus de soucis à l'ère des " fast-news " et des réseaux sociaux et qui revient d'ailleurs régulièrement dans son cinéma, comme en témoigne le récent Daaaaali! et le bien nommé Réalité, l'un de ses premiers films.
Dupieux égratigne aussi l'évolution de la société, notamment en revenant sur les travers de la bien-pensance et sur les rapports homme-femme à l'ère du #MoiAussi. À peine plus de 80 minutes, pas le temps de s'ennuyer. La satire est désopilante de bout en bout et les blagues disent tout haut ce qu'à peu près tout le monde de le milieu constate sans oser en parler.
La grande force de Le deuxième acte tient dans ses dialogues au cordeau, dont certaines répliques méritent déjà de rentrer dans les dictionnaires, et l'interprétation (l'improvisation?) de ses (vrais) comédiens. En ressort un film extrêmement riche, aussi ludique que lucide, qui comble les vides de son scénario en multipliant les facéties, jusqu'à un dénouement prenant la forme d'un travelling phénoménal qui passera sans doute à l'histoire.
À noter enfin la présence de Manuel Guillot, dans le rôle d'un acteur de soutien pris par le trac, qui, alors qu'il incarne le restaurateur, se voit incapable de servir le vin à ses convives tellement il tremble. Dix minutes de pure jouissance, à ranger parmi les grands moments de la comédie française.