Nous voilà donc de retour au Supersonic Records, deux jours après la très belle soirée du 15 octobre. Cette fois-ci, nous sommes arrivés avec un peu de retard. Le premier concert, celui de l'Américain Wild Arrows était déjà bien avancé. Au moment où nous rentrions dans la salle, celui-ci hurlait, tournant le dos au public, dans un étrange jeu d'ombres et lumières, assez perturbant. La musique était intégralement enregistrée. Plutôt rebutante comme entrée en matière. La suite fut heureusement plus mélodique, avec cette fois-ci, une vraie guitare et un son plus arrondi et accueillant. Ce fut évidemment trop court pour juger mais le monsieur semble avoir une palette assez large de styles. Dommage qu'il n'y ait pas plus de vrais instruments joués sur scène.
Comme deux jours auparavant, le deuxième concert de la soirée était réservé à un chanteur français. Cette fois-ci, on eut droit au sympathique Matthieu Malon qui pour l'occasion, avait invité des collègues de boulot qui jouaient à merveille les groupies. Le chanteur joua d'abord deux vieux titres seul à la guitare avant d'être rejoint par son groupe composé d'une bassiste, une claviériste, un guitariste et un batteur. La formation déroule dans l'ordre et en intégralité le dernier album "Bancal" paru en milieu d'année. Le son est résolument rock et le style oscille entre un Erik Arnaud - d'ailleurs, ce dernier était passé la veille dans les mêmes lieux - et Téléphone - "C'est bien parce que c'est toi", ça serait pas un peu pompé sur l'inénarrable "ça, c'est vraiment toi" de Aubert et consorts ? Matthieu Malon, en bon poto, viendra remercier l'organisateur de la soirée, Benjamin Berton, belle plume rock, membre éminent de l'excellent webzine Sun burns out et auteur de plusieurs livres dont un sur les trop sous-estimés Television Personalities, groupe de losers par excellence. Le dernier titre du concert, comme de l'album est d'ailleurs une reprise en français de ces derniers, "Elle ne lira jamais mes poèmes". Fêter ces cinquante ans en organisant un festival de cette qualité : bravo, monsieur Berton !
Il ne restait plus que la dernière prestation de la soirée, celle du très attendu Luke Haines, mythique chanteur des Auteurs. Celui-ci arrive seul en scène avec chapeau et guitare. La setlist ressemble à un best of de l'ensemble de sa carrière : des premiers Auteurs, à Black Box Recorder, en passant par Baader Meinhof ou des titres plus récents en solo. C'est joué de manière impeccable et la voix si elle a un peu décliné - le refrain de "Showgirl" est chanté plusieurs tonalités en-dessous de la version originale - conserve son originalité - ce timbre nasillard reconnaissable entre mille. Haines discute naturellement entre les morceaux, avec cet humour caustique typiquement anglais. Il se moque du caractère morbide ("uncheerful songs") de ses textes : "Unsolved Child Murder" ("If I die before my parents die") ou "Child Psychology" et sa terrible rengaine "Life is unfair, kill yourself or get over it" qui sera recommandée sur les réseaux sociaux par une certaine Billie Eilish, remettant un peu de lumière sur sa carrière parmi la jeunesse. Il y aura aussi cette fabuleuse anecdote sur sa rencontre avec Alan Vega au célèbre Chelsea Hotel de New-York, partant dans une hilarante imitation du chanteur de Suicide. Bref, si Luke Haines paraît abîmé physiquement, il garde son mordant. Le tout finira par un "Home Again", idéal avant de repartir vers nos pénates. "It's better than drugs, it's cool". Dommage que le festival Outsiders s'achève déjà, on serait bien repartis pour d'autres soirées de cet accabit.