La course du fiston à La Réunion
Il court et il écrit qu'il court
"Bon, c'est pas pour vous saouler, mais cette course fut une telle expérience que j'ai trop de trucs dans la tête, faut l'évacuer
Pour commencer, petite anecdote de la veille : pour pas galérer le matin de la course, je décide de dormir sur place la veille. Cimetière marin, j'hésitais à dormir à la belle étoile mais j'ai un super emplacement pour la tente, j'en profite en me disant que je dormirai plus confortablement. Beau gazon bien plat, muret du cimetière pour abriter du léger vent, petit surplomb par rapport à l'océan qui fait que t'entend les vagues mais pas trop. Bien, je m'endors vers 23h, nickel. À 0h30 je me fait réveiller par une giclette d'eau sur la tente, trop irrégulier pour être de la pluie, l'impression qu'il y en a un qui me pisse dessus ! Je sors la tête, personne, c'est quoi ce bordel ? Et ça recommence 10 min + tard, comprend pas. Puis ça arrive carrément par le devant de la tente, j'avais pas fermé la doublure étanche, je me penche pour y accéder avant que l'eau rentre. Et là je me prend une belle faciale dans la tronche !! Putain, je plains les femmes ou les Homos pas que sapiens, c'est pas agréable une faciale en fait, faut penser à fermer les yeux 🤣. En fait c'était juste l'arrosage automatique qui venait se déclencher 😡😂
Attend c'est pas fini : du coup je démonte tout et je vais dormir dans la voiture, bord de mer. Je me rendors tant bien que mal et me fais réveiller vers 5h du mat' par des jeunes qui doivent sortir de boîte, musique à fond dans la voiture et le pire, le temps d'émerger, 2 min après je vois la tête d'une meuf qui est entrain de pisser juste devant ma fenêtre bordel !!
Retour à la course. Bonne ambiance, y'a du monde, ceux qui s'échauffent, moi je bois un petit kawa tranquille en observant ce beau monde. Ligne de départ, discours des politicien(ne)s de passage qui font leur blabla, haie d'honneur pour les bénévoles, 4-3-2-1... c'est parti !!
En discutant pendant la course, on me dit que la Métis a été créée pour répondrent à des standards internationaux apparemment, avoir une course accessible au plus grand monde attirerai plus de sponsors. Beh du coup ils se sont pas trop fait chier : le début de la course c'est du goudron, un chemin de pavé (Bellemène, plutôt sympa lui) puis tu traverse un espèce de no man's land où gisent carcasses de bagnoles, machines à laver, pour finir carrément en ville au milieu des bagnoles, tout ça pendant bien 6-8 bornes. Franchement, Grand Raid, la Réunion, avec des sentiers de randonnée qui nous permettent d'accéder à l'Unesco, y avait pas moyen de trouver mieux ??
Début de parcours pas top puis tu rejoins les autres courses, là ça devient sympa. Y'a des codes couleurs sur les dossards, bleu pour la Bourbon, jaune pour la Diag. Les gens, ils ont entre 100 et 140 bornes de plus que toi dans les pattes, pourtant ils te déposent !!! C'est des machines ! Mais c'est là que tu te dis que t'es pas dans le même monde. Nous, les oranges de la Métis, on est un petit groupe à s'arrêter au milieu d'une montée et tu les regarde défiler, c'est à la fois beau et décourageant, on commence déjà à en chier pour certains
Au passage, grand big up aux bénévoles et au public : quand les premiers te ravitaillent avec le sourire, les autres t'applaudissent, t'encouragent, te demandent si tu veux qu'ils t'arrosent un peu pour te rafraîchir. Y'en a un, en haut d'une côte, il avait carrément mis une fontaine à haut fraiche pour boire et un tuyau avec mitigeur pour s'asperger d'eau juste ce qu'il faut, top
Les gens ils sont là, des fois au milieu de nulle part, et ils t'applaudissent, t'encouragent, font ça toute la journée ... c'est beau !
Par contre, autre big up à un duo un peu spécial : j'ai oublié leurs prénoms mais il y avait un aveugle qui faisait la course. Oui oui, un aveugle, avec son accompagnateur attaché à une corde d'un petit mètre qui lui donne les infos. Énorme !! Un grand bravo à l'un comme à l'autre. Par contre, je ne félicite pas le connard qui est venu les filmer à 30 cm de leur face pendant qu'ils couraient, un gars en BMW estampillée US Army. L'accompagnateur lui faisait signe de s'écarter, le gars en avait rien à branler
D'ailleurs, en vrac, à noter quelques incivismes de la part des coureurs : ceux qui jettent leur emballage de barre énergétique direct par terre, qui crachent des gros glaviots bien gras sous tes pieds, les bourrins qui te bousculent pour passer sans s'excuser, qui te disent pas merci quand tu t'écarte ... y a des cons partout, c'est pas nouveau
Ce qui est intéressant dans ce genre de course, c'est l'état d'esprit. Moi qui ai tendance à m'emporter quand je vois certains comportements, voir à m'embrouiller quelque fois sur les sentiers, en fait là ça me passait en 30 secondes : quand tu fais ce genre d'effort, t'es obligé d'être dans l'énergie positive. La préparation mentale est très importante et ça je pense que je l'ai bien faite puisque ces comportements m'énervaient même presque pas 😅
Au niveau des sensations c'est bizarre. Tu mange, t'as la gerbe. Tu bois, tu te sens lourd. Pourtant il faut bien que t'alimente ton corps. Mais avec quoi ? Du sel ? Du sucre ? Sur les étalages il y avait beaucoup plus de sucres que de salé, alors on sait pas trop. Pour moi c'est sucré avant les montées et salé dans les descentes.
Au final, je pense que mon échec est essentiellement dû à la fatigue. Pas de douleurs particulières, même si ça tire un peu, mais surtout une putain d'incapacité à pousser sur les jambes. J'ai commencé à faiblir avant d'arriver à la Possession, à mi parcours. Avec 30 min d'avance au checkpoint, je me dis qu'il est tant de faire une pause. Au final je pense que c'est ça qui m'a empêché de finir. Croyant retrouver du jus, j'ai pas réussi à relancer la machine. Mais en même temps, aurai je pu tenir aussi longtemps sans faire cette pause ? À réfléchir ...
Limite niveau timing à la Grande Chaloupe après un bon footing, petite accélération à St Bernard, bonne poussée quand on attaque la montée du Colorado à quatre pattes : c'est vraiment intéressant de voir les réactions du corps, c'est "up and down". Puis à un moment, petit embouteillage : une échelle de corde qui n'est plus, on doit s'accrocher à une espèce de liane pour franchir un mur raide et boueux, un par un. Je regarde la montre, 19h58, ma barrière horaire est dans 2 minutes, c'est mort. Et là, littéralement je m'effondre. Je m'allonge comme un clochard dans la boue, je pense de suite à Aïssatou que je veux prévenir, impossible de déverrouiller le tel avec l'humidité. On se retrouve sur une portion goudronnée et au moment de rattaquer le sentier, une dizaine de personnes m'interpelle : "Métis, t'es disqualifié, c'est trop tard !" Je réponds que je veux aller au bout mais en 1/4 de secondes je dit STOP. J'attend comme eux au bord de la route, on est entre disqualifiés, ils appellent des gens pour venir les chercher, je trouve une place dans une voiture, ça s'arrêtera là 😢
Il était temps, j'ai froid, je commence à trembler, à avoir des crampes, je met la couverture de survie, on attend que les gens viennent nous chercher. On est crevés mais l'ambiance est bonne
C'est sur cette fin de course que j'ai trouvé un peu de solidarité, quand tout le monde souffre, il y a plus de couleur sur le dossard, on fait partie de la même famille, on s'encourage. Sur St Bernard j'ai discuté avec un "fou", lequel me dit que j'ai plus de mérite que lui !! Il m'explique qu'en fait, lui est préparé à ça, à son parcours. Et que c'est une autre préparation, physique comme mentale. Ces arguments sont cohérents alors je prend, même si je le voie comme une machine. Il va finir sa diagonale, la deuxième, en 48heures. Le gars ça fait 48h qu'il est là, il a traversé l'île, dans le froid, le chaud, l'humidité, l'effort ... et il t'encourage. C'est beau !
A chaud je me dis que je veux la retenter. Mais en y réfléchissant, est ce que ça vaut la peine ? En fait, t'es dans le dur, y'a pas le plaisir que tu peux avoir en rando parce que t'es tout le temps la tête en bas, à regarder tes pieds pour pas te casser la gueule. Mais tout ça se vie, pour l'ambiance, pour le dépassement de soi. L'année prochaine y'a plein de projets, faut que je vende ma maison pour en construire une autre, faut que je me reconvertisse professionnellement... ça va peut être faire beaucoup mais en même temps, la course est au mois d'Octobre, ce serait un beau finish 2025...
Et puis clairement, malgré vos félicitations dont je vous remercie encore, ça reste un échec. Ca ne veut pas dire que c'est négatif, au contraire. En ce moment j'ai pas de boulot, le joint de culasse de la voiture vient de lâcher, la moto qui démarre plus après être passée entre les mains de son 4ème mécano et puis ce grand Raid échoué ... c'est la vie, je suis en bonne santé, y a bien plus grave
Et j'ai la chance d'avoir une femme merveilleuse, Aïssatou lé là, toujours avec le sourire, me proposant une omelette d'anthologie pour le petit dèj, plaisir simple mais pur ! C'est dans ce genre de moments que tu voie la solidité d'une relation amoureuse, elle est là ❤️
La bise 😘"
David Pradoux le Grand Raid. La Réunion