Voici l’entretien avec Thomas Leygue
Minter Dial : Bonjour Thomas Leygue, raconte-nous ton arrivée dans le padel.
Thomas Leygue : Moi, j’ai commencé le padel en 2016. Je venais du tennis. J’ai joué au tennis pendant 11 ans et j’ai eu pas mal de blessures et j’en ai eu un peu marre des blessures du tennis. Et quand j’ai décidé d’arrêter, ils ont construit le terrain de padel dans mon club à Aix en Provence et c’est là où j’ai commencé en amateur.
Minter Dial : Et au tennis tu étais à quel niveau ?
Thomas Leygue : J’étais 4-6 quand j’avais 12 ans.
Minter Dial : 4-6 !
Thomas Leygue : Voilà. Donc j’ai joué très jeune, j’ai joué jusqu’à mes 14-15 ans au tennis.
Minter Dial : Et tu trouves qu’il y a moins de blessures au padel ?
Thomas Leygue : C’est différent. La surface, en tout cas, engendre moins de blessures. C’est une surface qui est un peu moins dangereuse que le green au tennis ou vraiment c’est quand même des gros, gros changements de direction sur une surface très dur. Donc au padel, pour moi, il y a un peu moins de blessures, mais après à haut niveau ça y va.
Minter Dial : Et donc à quel moment est-ce que tu es tourné pro ?
Thomas Leygue : Je suis parti à Madrid en 2019, donc pour commencer une carrière. Et après j’ai commencé le circuit pro en 2021.
Minter Dial : Transition du tennis au padel. Comment tu l’as fait et quels enseignements tu en tires pour d’autres qui sont des joueurs de tennis.
Thomas Leygue : Moi ce que j’ai fait c’est que comme je ne connaissais pas du tout le sport et je ne l’ai pas lié au tennis directement, pour moi c’était un autre sport. Et du coup on m’a direct dit oublie tes passes de tennis. Du coup tout ce que je savais du tennis j’ai oublié à part la volée. Et j’ai tout directement appris à jouer avec les vitres, à commencer petit à petit. Et du coup j’ai direct oublié toutes mes bases de tennis et j’ai commencé à apprendre à jouer avec les vitres. Puis j’ai pris des cours avant de commencer à faire des parties à droite à gauche.
Minter Dial : Et le passage à Madrid était formateur, j’imagine.
Thomas Leygue : Oui. J’ai commencé avec un an à Monaco avec Gaby Reca et qui venait une semaine par mois. Et donc, moi si j’allais une semaine par mois à Monaco et c’est lui qui m’a dit de venir s’entraîner avec lui à Madrid, à Brunette.
Minter Dial : Pour toi, le coup le plus difficile à apprendre, c’était lequel ?
Thomas Leygue : Pour moi, tout ce qui a été volée et le smash a été assez facile, même si je pense que le « rulo » [dans la grille] a été un coup vraiment compliqué à apprendre. Surtout pour moi, en passant à droite (position de drive), c’est ce qui était beaucoup plus difficile. Mais après, le coup le plus différent pour moi, c’est la chiquita. C’est vraiment le coup qu’on n’apprendra jamais à faire au tennis.
Minter Dial : Oui. C’est contre intuitif.
Thomas Leygue : C’est ralentir le jeu sur une balle rapide, donc c’est vraiment le truc le plus contre nature.
Minter Dial : Alors qu’ils sont au filet !
Thomas Leygue : Exactement.
Minter Dial : Et sur quoi aujourd’hui, est ce que tu sens que tu as besoin de encore travailler ? Quels sont les coups dans ton jeu que tu souhaites améliorer ?
Thomas Leygue : Les coups qu’il faut que j’améliore, ça sera plus en défense, sur les transitions de jeu. D’ailleurs, la chiquita, ça reste quand même un coup qu’il faut toujours perfectionner. Le revers avant la vitre, parce que moi qui joue beaucoup à droite, c’est vachement difficile de se déplacer très rapidement vers le milieu. Pour le retour de service, par exemple, on frappe beaucoup en appui ouvert, donc on est souvent en retard sur son revers. Essayer d’aller jouer un peu plus en ligne. Plus en défense, en tout cas.
Minter Dial : Et ton coup préféré ?
Thomas Leygue : C’est une bonne question, parce que moi, un de mes coups préférés, je dirais, j’adore le lob ou la vibora. Mais le coup que j’exécute le mieux. Je pense que c’est le smash tabé.
Minter Dial : Ah oui, d’accord. Et alors le padel, pour moi, je trouve quelque chose de particulier, différent d’autres sports, quelque chose qui m’intrigue, c’est le choix de partenaire. Qu’est-ce que tu recherches dans ton partenaire ? En quête du meilleur partenaire ?
Thomas Leygue : Moi, je suis un peu un joueur atypique à droite, parce que je suis un joueur très agressif, qui tape beaucoup. Donc ça n’a rien à voir sur un profil de joueur de droite qu’on voit comme [Fede] Chingotto, [Martin] Di Nenno, des joueurs qui travaillent. Moi, je suis plus un profil [Mike] Yanguas, même si ce n’est pas le même niveau, mais un joueur assez agressif. Et donc moi, je cherche un joueur de gauche qui met beaucoup de volume dans le jeu, qui défend bien, qui va vite vers l’avant. Plus qu’un gros smasher qui peut taper dans tous les sens, parce que moi je suis capable de le faire.
Minter Dial : Plutôt un [Coki] Nieto alors ?
Thomas Leygue : Exactement. Le joueur profil parfait, ça serait Stupa, Nieto, non, qui savent quand même taper, mais qui sont des ramasseurs incroyables, mais qui défendent très bien et qui ont un volume de jeu énorme. Et du coup moi qui prendrais un peu plus de place, ça c’est mon profil parfait. Et après du terrain, il faut avoir une amitié, ça c’est important aussi. Même si je pense qu’aujourd’hui c’est plus important sur le terrain qu’en dehors du terrain.
Minter Dial : Pour tous ?
Thomas Leygue : Je ne sais pas, mais moi j’ai vraiment découvert qu’avant j’étais toute la journée avec mon partenaire, c’était vraiment important, le voyage, s’entendre bien et tout. Et maintenant j’ai vu qu’on pouvait passer la journée avec nos amis et se retrouver sur le terrain avec nos partenaires. Et que ça se passait tout aussi bien.
Minter Dial : Qu’est ce qui fait qu’un partenariat marche ?
Thomas Leygue : Déjà, le 1ᵉʳ truc qui marche ce sont les résultats. C’est le truc le plus important pour que ça marche et que le fait que les deux soient des travailleurs. Il faut s’entraîner énormément, avoir les mêmes ambitions, le même projet, et c’est là où ça peut marcher, même si des fois les résultats ne viennent pas, mais que les deux s’entraînent à fond, de la bonne manière. Souvent ça, ça donne envie de continuer.
Minter Dial : Alors comment tu crées un projet ? Parce qu’en fait on va imaginer, tout le monde voudrait être numéro un. Mais comment tu articules ton projet et ensuite de s’assurer que ce soit partageable avec quelqu’un d’autre ?
Thomas Leygue : Déjà il faut voir le profil de jeu qui nous intéresse, discuter — on se connaît tous car le circuit il est assez petit finalement — on va jouer avec des joueurs qui sont proches de notre classement et donc on discute avec la personne et après on voit ses ambitions. Où est ce qu’on peut s’entraîner, est ce qu’elle a les mêmes envies que nous ? Souvent dans le monde professionnel, tout le monde a les mêmes ambitions. Plutôt comme ça.
Minter Dial : Qu’est-ce qu’il te faudrait pour atteindre l’objectif pour toi ?
Thomas Leygue : Mais moi je n’ai pas d’objectif de classement. Moi j’ai envie de trouver un niveau de jeu stable, de trouver un projet aussi avec un partenaire, sur du long terme. Mais je ne veux pas être top 10 ou top 50. Moi je veux donner le maximum de moi-même et essayer d’atteindre mes limites.
Minter Dial : Trouver ta limite ?
Thomas Leygue : Exactement. Pour l’instant je sens que j’ai encore une marge de progression assez importante. C’est ça qui me donne envie de continuer.
Minter Dial : Oui, l’envie d’apprendre et de s’améliorer. Alors, les championnats, tu y vas ? Aux championnats à Doha.
Thomas Leygue : Ouais.
Minter Dial : Qu’est-ce que tu en penses ? Comment tu te sens de représenter ton pays ?
Thomas Leygue : Représenter son pays, je pense que c’est la meilleure chose au monde. C’est le truc le plus incroyable. Moi qui suis un peu du monde du foot, qui est un grand fan de foot, je trouve ça incroyable de représenter ses couleurs. Après, c’est très compliqué, parce qu’on joue contre l’Espagne et l’Argentine, donc en fait, on joue pour la 3è place, entre guillemets. En étant lucide, aujourd’hui, peut être que dans 10 ou 15 ans, j’espère que ça changera la donne. Mais aujourd’hui, on joue 3e ou 4ᵉ place en tant que meilleur résultat.
Minter Dial : Roland Garros, parle nous de ton parcours dans 2024.
Thomas Leygue : On a eu une wild card. On a commencé en tableau final, même si on n’était pas très loin en termes de points pour y commencer. On était dans les têtes de série de qualifs, donc ça a été un petit aide de la Fédération. On a eu un bon tirage, même si c’est deux joueurs qui sont énormément en confiance, deux jeunes qui gagnent énormément de matchs, qui ont fait 16ᵉ aux deux derniers tournois, et quasiment tableau, surtout lors du dernier Premier Padel.
Minter Dial : C’était qui encore ?
Thomas Leygue : Paul Hernandez et Rama Valenzuela. Et on a fait un match très très solide. On a vraiment très bien joué. On a eu un petit moment de doute au 1ᵉʳ set, mais très content de gagner ce 1ᵉʳ match.
Minter Dial : Quand il y a un moment de doute comme ça, comment vous faites ?
Thomas Leygue : On essaye de couper un peu le match, de se poser, de parler 20 à 30 secondes, de prendre un peu du temps sur le banc, de discuter, de souffler, d’essayer de ne pas enchaîner, parce qu’on casse un peu le momentum. Parce que le padel, c’est un sport de confiance, donc si les autres, ils sont en confiance, il faut un peu stopper le truc et prendre un peu plus son temps, changer un truc tactique et garder la tête froide, parce qu’on a tendance à vite s’énerver.
Minter Dial : Oui, les émotions. Donc après ?
Thomas Leygue : Et après on a joué sur la tête de série numéro 14 ou 15, qui sont Xisco Gil et Juan Esbri, qui est un joueur qui a fait une demie et quart de finale dans les derniers tournois. Donc des joueurs qui ont grande confiance et Xisco qui est un joueur de droite qui est très solide. On a fait un très bon 1ᵉʳ set. Je pense qu’on peut ou on doit le gagner. En tout cas, on a le break d’avance. On a un peu de malchance et on joue un peu moins bien sur les moments importants. Et dans le 2ᵉ, mon partenaire, il a un petit coup de baisse au début. J’essaye de le lever et on gagne un ou deux jeux. Mais on a vu là qu’ils ont mis une vitesse en plus et comme on dit : la confiance. Ils étaient peut-être un peu plus nerveux de perdre au début.
Minter Dial : Parce qu’ils avaient plus quelque chose à jouer que nous. Un plus grand enjeu.
Thomas Leygue : Une fois qu’ils ont gagné le 1ᵉʳ set, ils sont un peu plus relâchés je pense.
Minter Dial : Je veux y revenir. Mais ça faisait quoi pour toi de jouer sur le court Philippe Chatrier ?
Thomas Leygue : C’est la 3ᵉ fois. Ce que je dis à tout le monde c’est la 3ᵉ fois. C’est même la 5ᵉ fois entre guillemets. Mais c’est la 3ᵉ année d’affilée. C’est toujours incroyable de rentrer sur Chatrier. J’espère juste un jour rentrer sur un stade plein !
Minter Dial : Plus tard dans la semaine, par exemple ?
Thomas Leygue : Exactement. Donc ça serait plus un rêve de gosse. Mais il y a déjà eu chaque année beaucoup plus de monde. Chaque année on sent le public grandir.
Minter Dial : Alors une dernière zone de questions. C’est la communication. Combien pour toi la communication est importante au padel ?
Thomas Leygue : Ouais. Je dirais que c’est primordial. On ne peut pas ne pas communiquer avec son partenaire, sinon on sent le froid. On donne une information aux adversaires et même on manque nous des informations. Donc c’est très important. Après on peut jouer sans, mais c’est quasiment impossible. Il y a des joueurs qui arrivent, qui ne parlent pas trop, mais les joueurs qui s’expriment le plus et qui sont le plus ensemble, comme on voit Tapia et Coello, Chingotto et Galan, c’est là où on voit le succès des paires.
Minter Dial : Est-ce que ce n’est pas quelque chose que tu rechercherais dans ton partenaire aussi ? C’est ce besoin, cette capacité d’être ouvert, de se partager les vulnérabilités.
Thomas Leygue : En général. J’ai assez trouvé dans tous les partenaires que j’ai eus sur ou des partenaires, j’ai trouvé ça. On arrive à s’encourager à s’enflammer ensemble, à discuter quand ça ne va pas. Il y a quelques personnes qui sont un peu fermées mentalement parce qu’ils sont moins forts. Mais tous ceux qui sont suivis mentalement, ils savent que c’est primordial, la communauté.
Minter Dial : Tu dirais que c’est la culture du padel.
Thomas Leygue : ? Oui, aussi. La culture espagnole aussi ? Oui, c’est ça.