Kung-fu Panda Entre kung-fu et fous rires !

Par Julien Peltier


La plupart des films d'animation américains ont souvent un scénario simpliste : « Kung-fu Panda » ne déroge pas à la règle, mais évite le côté mielleux de certaines productions indigestes. Si le sujet permettait de tomber dans une histoire larmoyante ou manichéenne, les scénaristes ont su contourner cet écueil et faire du nouvel opus des studios Dreamworks un moment de cinéma pour toute la famille.

L'anti-héros par excellence
Po habite dans une vallée chinoise à une époque où les mythes sont encore des réalités. Il est serveur dans le restaurant de nouilles de son père, mais rêve littéralement de devenir un maître en kung-fu. Il voue d'ailleurs un culte aux cinq Tornades, les champions de la région, que sont Singe, Tigresse, Vipère, Grue et Mante.
La légende dit que celui qui sera désigné comme le Guerrier Dragon se verra confier le secret qui ferra de lui un combattant invincible. Et voici qu’à la suite de ce qui apparaît comme une méprise, le vénérable Oogway, maître spirituel du temple de la région, désigne Po comme le Guerrier Dragon, et non l'une des cinq Tornades préparées par Shifu. Ce dernier est considéré comme le plus grand enseignant de kung-fu de la Chine et se montre très désappointé par ce choix. Il va devoir former Po aux arts martiaux alors que celui-ci est le créateur du niveau zéro dans la discipline !

Déjà, un problème plus grave encore pointe son museau : Taï Lung. Ancien élève de Shifu, il sema la terreur dans la vallée après le refus d'Oogway de le désigner comme le Guerrier Dragon. Neutralisé puis enfermé dans une prison dont il était le seul prisonnier, Taï Lung a eu de longues années pour préparer sa vengeance. Par un malheureux concours de circonstances, il réussit à s'échapper et n'a qu'une seule idée en tête : détruire ceux qui l'ont humilié. Po s'interpose et sauve la vallée de la destruction.

Les techniques au service de l'histoire
De manière très schématique, un film d'animation est une performance graphique habillée de sons. La mise en scène exploite les techniques traditionnelles du cinéma mais avec la liberté de l'animation. Celle-ci même qui permet de voir des ralentis burlesques et des mouvements de caméra grandioses. Certes, cela vaut pour les films d'animation, mais c'est probablement la première fois que Dreamworks s'arrête à la réalisation d'un dessin animé. Les différents réalisateurs (la séquence de début et le générique de fin ont été dirigés par d'autres cinéastes) ont eu semble-t-il une plus grande marge de manœuvre dans leur création. Du logo Dreamworks à la dernière séquence, il y a une continuité narrative. Les génériques, sacrifiés la plupart du temps aux mentions légales, constituent un espace de créativité très bien exploité dans Kung Fu Panda. La rupture esthétique entre chaque partie permet de bien distinguer l'introduction, l'histoire et la conclusion.

Les multiples hommages aux films du genre ou à leurs acteurs sont naturellement remarquables, ce qui n'est guère étonnant car les créateurs ont puisé dans la gestuelle d'acteurs comme Jackie Chan, par exemple. Du côté des gags, c'est le comique de situation qui est principalement exploité, pour satisfaire toute la famille. L'une des scènes les plus grandioses, qui réunissent tous ces ingrédients, est le combat aux baguettes entre Po et Shifu.
Enfin, le film impressionne par le progrès technique visible des studios Dreamworks. Les décors, d’un réalisme sublime, laissent parfois pantois. De même, le rendu des personnages est impressionnant sur certains détails mais inégal en qualité, limité probablement par les algorithmes et la puissance des machines utilisées pour l'animation. Reste que le détail de certains des personnages approchent parfois la perfection, notamment sur les fourrures.
Si vous le pouvez, préférez la version originale !
D'un point de vue musical, on saluera la bande originale, composée par Hans Zimmer et John Powell, pimentée du fameux "Kung-fu Fighting" de Carl Douglas. Ce titre, exhumé des années disco et véritable tube en France dans les années 70, est utilisé pour le générique de fin. Du côté du doublage, le choix et la performance des acteurs américains sont à souligner pour leur qualité. Chaque animal est interprété par son avatar humain car le casting, tant pour les héros que pour les personnages secondaires, a été parfaitement calibré en amont. Jack Black, Po à l'écran, a été une source d'inspiration pendant la préparation et la réalisation de cette production. Il a apporté énormément à ce projet grâce à sa conviction et son énergie.
La version française est loin de bénéficier des mêmes atouts. En effet, nous souffrons, dans notre pays, d'une idée erronée en matière de doublage. Le métier de doubleur est pour un grand nombre de professionnels un placard à comédiens de seconde zone. De plus, un acteur formidable ne fera pas nécessairement un bon doubleur : Aussi grand que puisse être le talent de Pierre Arditi, que ce soit au théâtre ou au cinéma, sa contre-performance pour le doublage de Shifu est nettement inférieure à celle de Dustin Hoffman. Il se contente de faire du « Pierre Arditi ». Dans l'ensemble, le doublage français ne nuit pas trop au film, mais cela aurait pu être de meilleure facture. La seule vraie bonne surprise en matière de doublage vient du côté du doubleur de Taï Lung : Marc Lavoine a su donner vie à son personnage. Sa voix subtilement différente de sa voix quotidienne est simplement crédible et sait faire oublier l'acteur au bénéfice du personnage.

Enfin les dialogues peaufinent le charme de Kung Fu Panda. Sous le couvert de répliques « zen » ou drôles, des messages positifs sont distillés tout au long de l'histoire. Ce qui induit naturellement différents niveaux de compréhension et permet aux adultes et aux enfants d'apprécier le film à leur manière, entre éclats de rire, effroi et larme à l'œil.
Kung-fu Panda laisse penser que les studios Dreamworks ont réalisé un véritable tournant artistique avec une réalisation plus soignée et un scénario plus inventif que leurs dernières productions. En espérant que leurs prochaines réalisations poursuivent sur cette voie.
Linda

« KUNG FU PANDA » Des studios Dreamworks
Réalisé par John Stevenson et Mark Osborne
avec
Jack Black / Manu Payet (Po)
Dustin Hoffman / Pierre Arditi (Shifu)
Angelina Jolie / Marie Gillain (Tigresse)
Ian McShane / Marc Lavoine (Taï Lung)
Jacky Chan / William Coryn (Singe)
Seth Rogen / Xavier Fagnon (Mante)
Lucy Liu / Mylène Jampanoï (Vipère)
David Cross / Tomer Sisley (Grue)
Michael Clarke Duncan / Philippe Dumond (Commandant Vachir)
Sorti le 9 juillet 2008 (Durée 1h30)