L'histoire: Anx (Matthieu Sampeur) vient de rencontrer Cassie (Édith Proust). Il en est follement tombé amoureux. Mais une terrible épidémie éclate, transformant les êtres humains en êtres figés, comme fusionnés avec les choses qui les entourent. L'armée impose un confinement strict. Cloîtrés dans l'appartement, ne communiquant avec leurs voisins que par le biais des bouches de ventilation, les deux tourtereaux attendent que la menace monstrueuse se manifeste.
Passage au FNC: 1es 12 et 17 octobre 2024 - Sortie en salle au Québec inconnue.
Mon avis
Fable extrapolée à partir de la récente expérience vécue durant la pandémie de COVID-19, Else est une entrée satisfaisante dans le genre " body horror ", devenu familier grâce à David Cronenberg et désormais repris à un peu toutes les sauces ( The Substance, Le règne animal ...).
Ce qui distingue avant tout ce premier long métrage de Thibault Emin, basé sur un court qu'il avait réalisé en 2007 alors qu'il était étudiant à la Fémis, c'est d'une part, l'inventivité de sa mise en scène et de la direction photo (signée Léo Lefèvre), et d'autre part, le soin apporté aux nombreux et souvent étonnants effets visuels. On voit peu ce genre d'ambition formelle dans les films d'horreur français à petit budget.
En commençant leur récit comme une romance d'un soir, vibrante, colorée et filmée à l'arrache, les scénaristes Émin, Alice Butaud et Emma Sandona, posent une fondation solide à l'atmosphère paranoïaque qu'ils vont bientôt installer. Certes, l'idée de confinement au cinéma n'est pas quelque chose de nouveau, et n'a certainement pas été inventée avec la COVID. On en connaît bien les ficelles. Toutefois, dès que le film bascule (assez rapidement d'ailleurs) dans la SF et l'horreur, les auteurs parviennent à sortir des sentiers battus pour faire de Else une œuvre éminemment personnelle et originale.
On peut l'approcher sous plusieurs angles. On y verra d'abord une sorte de drame sentimental contemporain qui met à mal l'amour naissant de deux trentenaires que tout oppose. On y verra aussi une métaphore universelle sur la fin du monde et sur l'impuissance de l'humain à contrer les forces de la natures.
Dans les deux cas, le film n'est pas avare de réflexions philosophiques intéressantes et plutôt bien intégrées à l'intrigue. À ce chapitre, j'ai beaucoup aimé le " on ne va plus pouvoir se regarder dans les yeux " que Cassie lance à son compagnon lorsqu'elle comprend que le seul fait de regarder les choses horribles qui rampent dans l'appart peut vous contaminer vous aussi.
Les auteurs reprennent à leur compte l'angoisse collective qui se manifeste face à une probable extinction de la race humaine, en y greffant par le biais de leur histoire d'amour une idée de la peur que l'on peut ressentir (surtout si l'on est encore jeune) lorsque l'on commence quelque chose d'emballant, mais que l'on constate assez vite qu'il va falloir se fondre " dans le décor ", sans avoir eu le temps ni la possibilité de faire sa trace à sa manière. On peut aussi voir dans Else une jolie et même touchante illustration d'un lien affectif naissant, montré comme étant le seul rempart possible face au chaos.
Malgré quelques petites longueurs au mitan et un dénouement un peu trop songé à mon goût, je dois reconnaître que cette première incursion de Thibault Emin dans le domaine du long métrage porte en elle de belles promesses.