Greenpeace est consterné de voir l’entêtement de la France à construire un – voire deux – EPR quand la presse révèle coup sur coup que le chantier de construction de Flamanville, en France, a déjà pris 9 mois de retard * et qu’Areva enregistre une augmentation de 50 % de la facture du chantier de l’autre EPR, en Finlande.
« Depuis des mois que nous affirmons que le budget du projet finlandais explose, rappelle Yannick Rousselet, de Greenpeace France. Pour décrocher le maximum de marchés, Areva casse les prix et promet des délais intenables. Résultat : en Finlande, le chantier a pris deux ans de retard et le coût global du projet est passé de 3 à 4,5 milliards d’euros. Celui de Flamanville prend le même chemin. On a voulu faire de ces deux chantiers une vitrine du nucléaire français ? C’est réussi : on voit à quel point Areva est incapable de construire l’EPR ! »
Qui va payer pour l’EPR finlandais ?
Pour la vente de l’EPR en Finlande, Areva a obtenu de l’État français une garantie à l’exportation record de 610 millions d’euros, via l’Agence française de crédit à l’exportation (Coface). Grâce à cette coquette somme, Areva a pu proposer à son client, la compagnie d’électricité TVO, un contrat à prix fixe, très intéressant puisqu’il élimine tout risque économique pour l’acheteur. En clair, cela signifie qu’Areva paiera tous les surcoûts de sa poche. Sachant qu’en plus des dérapages budgétaires, le géant du nucléaire va aussi devoir verser à TVO des pénalités de retard, estimées à 2,2 milliards d’euros par le magazine Capital en mai dernier.
« Donc au total, l’EPR finlandais pourrait coûter jusqu’à 6,7 milliards à Areva, dont il faut rappeler que 80 % du capital sont détenus par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), une structure publique, résume Yannick Rousselet. Qui va éponger cette astronomique facture ? L’État français, donc vous et moi ! Sinon, À moins que Bouygues ne se “dévoue” et soit récompensé par un rapprochement Areva/Alstom, dont il est le principal actionnaire. »
Areva et Bouygues impliqués dans un nouveau scandale en Finlande
Greenpeace s’est procuré des documents techniques confidentiels qui révèlent que sur le chantier d’Olkiluoto, Areva et Bouygues ont autorisé la réalisation de soudures sans procédures de spécification dûment approuvées. Par ailleurs, le géant français du BTP est accusé par certains salariés d’interdire à son personnel de parler des problèmes rencontrés sur le chantier, y compris avec les représentants d’Areva, de TVO ou de l’Autorité de sûreté nucléaire finlandaise, la Stuk. Suite à ces révélations, la Stuk a dépêché une enquête dont les conclusions doivent être rendues publiques demain, vendredi 29 août.
« Olkiluoto, c’est la boule de cristal dans laquelle on peut lire les ennuis qui nous attendent à Flamanville, déclare Yannick Rousselet. Arrêtons les frais pendant qu’il en est encore temps ! » Greenpeace estime qu’à l’heure du ralentissement de la croissance, la France a certainement mieux à faire que d’engloutir au moins trois milliards d’euros – certainement beaucoup plus ! – dans un projet inutile, mal maîtrisé et risqué. Greenpeace appelle le gouvernement à stopper le programme EPR pour investir l’argent des Français dans le développement des renouvelables et de l’efficacité énergétique, qui répondent à la fois aux enjeux de lutte contre les changements climatiques, d’indépendance énergétique et de pouvoir d’achat.
* Le Canard enchaîné, 27 août 2008. Cet été, à Flamanville, les opérations de bétonnage ont été suspendues un mois. En juin, le chantier du « liner » a lui aussi été stoppé. Depuis, d’autres problèmes sont apparus : ainsi la galerie de rejet en mer, qui devrait déjà être terminée, n’est percée qu’à moitié.