"Dans ce pays, ce que tu veux ou tu veux pas, personne n'en a rien à foutre : on veut pas être pauvre mais on est pauvre, on veut pas mourir mais on meurt"
À l'approche des élections, le Gouverneur - candidat à sa propre succession - veut minimiser l'explosion de la criminalité en cachant dans un camion frigorifique les cadavres anonymes dont débordent les morgues. Il les charge dans un camion frigorifique et choisit comme chauffeurs Vieux et Gros, deux hommes au passé trouble. Ceux-ci doivent conduire sans s'arrêter à travers le désert, et ne surtout pas ouvrir le camion, sinon ils rejoindront la cargaison...
La mort plane au-dessus des êtres, que ce soit sous forme de cadavres, d'ombres ou de mythes. Le titre " Mictlan " fait allusion à l'au-delà dans la culture mexicaine, teintée aussi de violence, celle omniprésente du cartel et des morts qu'ils transportent, mais aussi la violence intérieure des personnages. Hantés par leur passé et par les fantômes qu'ils transportent, à la fois littéralement et symboliquement, ils errent entre vie et mort, déjà fantômes avant l'heure.
"On voit tellement de cadavres qu'on se considère soi-même comme un cadavre à venir, un cadavre qui a pas encore réussi à devenir cadavre, un cadavre raté quoi, s'esclaffe Gros, un cadavre peut-mieux-faire, alors on sème des cadavres autour de soi pour se faire la main, pour s'habituer à devenir cadavre soi-même, pour ne pas se sentir seul." p 17
Dans cette course effrénée cernée par la violence, quelques moments de grâce éclosent comme lorsque Vieux et Gros s'arrêtent enfin et contemplent les montagnes avec une bière "On se croirait presque libre" pensent-ils, avant de reprendre leur course infernale, course contre les commanditaires, course contre les poursuivants en noir, ou course contre la mort. Quelques rencontres permettent aussi de garder espoir comme cet archéologue qui s'intéresse à leur culture et les rassure : si on s'intéresse à eux, c'est que rien n'est encore tout à fait perdu.
"Il faut toute une vie pour comprendre l'importance d'une mère ou d'une sœur dans ce pays, dans ce monde, que ça ne veut rien dire jusqu'au moment où tu vas mourir, et là ça reprend son sens, tu poses soudain les questions que tu n'as pas pu poser parce que tu étais trop occupé à survivre, tu trouves des réponses, tu t'aperçois que tu n'étais pas seul, que la vraie solitude est devant, au bout de cette route sur laquelle tu n'a pas arrêté de fuir." p 139
Mictlan est un texte puissant inspiré d'un fait divers. En septembre 2018, un semi-remorque chargé de 157 cadavres a bien été retrouvé sur un terrain vague près de Guadalajara, au Mexique...