Alors que les médias reprennent le chemin de l’école en entonnant le refrain de la réforme scolaire et des grands enjeux pédagogiques, les préoccupations des parents sont beaucoup plus proches de celles de leurs jeunes écoliers : le nouveau professeur, le casse-tête des devoirs, les relations avec les amis, les dodos écourtés et tous les aléas de la vie quotidienne. Tour d’horizon des petites et grandes angoisses des petits et grands à l’heure de la rentrée. Conseils rassurants de spécialistes qui en ont vu d’autres!
Ouvrir la porte…
«Si la rentrée angoisse tant de parents, c’est parce qu’ils lui accordent trop d’importance, comme si toute l’année se jouait dans ces premiers contacts», explique Célyne Muloin, directrice de «La Ligne Parents», un service téléphonique spécialisé dans les relations parents-enfants, gratuit et accessible partout au Québec. Ces appréhensions, conjuguées à la course contre la montre, augmentent souvent les craintes des enfants face à ce nouveau milieu de vie qui exige un temps d’adaptation tout à fait normal. C’est ce que nous disons toujours aux parents qui nous appellent en début d’année scolaire parce qu’ils s’inquiètent du nouveau professeur trop sévère ou qu’ils ne savent pas comment aider leurs enfants à faire leurs devoirs».
La rentrée scolaire, particulièrement la première, suscite des sentiments ambivalents chez les enfants comme chez les parents, explique le psychoéducateur et orthopédagogue bien connu, Germain Duclos. «L’enfant s’affirme par des gestes autonomes tout en désirant rester petit et entouré, en état de dépendance. Quant aux parents, ils sont généralement fiers des nouveaux apprentissages de leur enfant, mais ils perçoivent, en même temps, que leur petit se sépare d’eux de plus en plus. Les parents aussi ont peur d’être seuls», précise M. Duclos dans son nouvel ouvrage de la Collection Parents de l’Hôpital Sainte-Justine «Guider mon enfant dans sa vie scolaire».
«Trop de parents se sentent coupés du monde scolaire et ils estiment avoir peu d’influence par rapport à l’école et à l’apprentissage de leurs petits, poursuit-il. Depuis la naissance de l’enfant, les parents accompagnent celui-ci dans de multiples apprentissages souvent complexes en tentant de respecter son rythme de développement. Quand l’enfant entre à l’école, bien des parents se sentent démunis et moins compétents que dans la petite enfance de leur rejeton».
On serait tenté de pointer du doigt la fameuse réforme scolaire et les nouvelles méthodes d’enseignement. Pourtant, selon les différents spécialistes consultés, les parents en parlent très peu. «Il y a toujours eu des changements de programmes pédagogiques, rappelle Marie-Claude Béliveau, orthopédagogue et psychoéducatrice au service de psychiatrie de l’Hôpital Sainte-Justine. La grande question que les parents se posent aujourd’hui en est plutôt une d’horaire : comment trouver le temps de faire les devoirs avec les enfants et de suivre leur cheminement scolaire, tout en ne négligeant pas leurs activités parascolaires, quand on est déjà à bout de souffle après une journée de travail?»
Voici donc quelques pistes de réflexion pour affronter la rentrée sans peur et sans reproche!
La peur des devoirs
«La grande question des parents face à la supervision scolaire pourrait se résumer ainsi : qui fait quoi?, explique Célyne Muloin de La Ligne Parents. On a même développé un atelier pour aider les parents à définir leur rôle face aux devoirs, les attentes des professeurs, la relation d’accompagnement, etc. Ce qu’on remarque trop souvent, c’est que les parents se sentent jugés par rapport au devoir remis, comme si c’était leur responsabilité et non celle de l’enfant de bien faire son travail. Les devoirs suscitent beaucoup trop de stress dans la vie familiale».
Même son de cloche de Marie-Claude Béliveau, auteure du guide «Au retour de l’école… La place des parents dans l’apprentissage scolaire», des éditions de l’Hôpital Sainte-Justine. «Les parents en font généralement trop. Ça devient comme un deuxième travail à temps plein. Ce stress se communique évidemment aux enfants et la tâche des devoirs devient pénible. Le rôle des parents est de motiver l’enfant à apprendre (développer le plaisir d’apprendre) et de lui faire comprendre que ses devoirs sont sa responsabilité. Il faut donc encourager l’enfant à profiter du temps dont il dispose à l’école pour faire ses devoirs, tout en le rassurant que l’on sera là le soir pour vérifier son travail et l’aider à terminer ce qu’il n’aura pas compris».
Enfin, comme le rappelle le psychoéducateur et orthopédagogue Germain Duclos, il ne faut pas confondre exercice et apprentissage. «Les parents doivent soutenir et guider l’enfant dans l’exercice de ses nouvelles habiletés et non pas les lui enseigner. Un enfant a besoin d’un seul enseignant. Quand les parents s’improvisent enseignant, ils risquent fort de brouiller les cartes car ils n’utilisent pas les mêmes stratégies que l’enseignant et peuvent ainsi créer de la confusion. Les responsabilités doivent donc être clairement définies entre l’enfant, le parent et l’enseignant.»
La peur du nouveau professeur
Pour permettre à l’enfant de s’intégrer positivement à l’école, le parent doit être capable d’accepter de déléguer son autorité à une tierce personne, soit l’enseignant, soutient Marie-Claude Béliveau. Et ce, même si ce n’est pas toujours facile, puisqu’on ne la choisit pas cette personne qui prendra tant de place dans la vie de notre enfant. Une sorte de rivalité peut s’installer entre parents et professeurs, les deux sentant leurs compétences remises en question et leur comportement jugé. Malgré tout, il est important d’appuyer le plus possible les décisions qui sont prises à l’école et de faire confiance au potentiel d’adaptation de l’enfant. Cela n’exclut évidemment pas le dialogue avec l’enseignant et les différents intervenants scolaires.»
Germain Duclos souligne aussi l’importance d’établir des rapports de connivence et de coopération entre les parents, les enseignants et l’école en général. «Plusieurs recherches insistent sur le rôle que joue la relation parents-enseignants dans le succès de l’enfant à l’école. L’élève a besoin de vivre une relation significative avec son enseignante ou son enseignant pour s’engager dans son éducation et pour retenir ce qu’il apprend, et il a également besoin que ses parents aient des échanges avec elle ou lui. Il souhaite, consciemment ou non, que les adultes auxquels il s’est attaché à des degrés divers vivent entre eux des relations concrètes et positives».
La peur des «mauvaises fréquentations»
Généralement, les parents ne s’inquiètent pas trop des relations d’amitié développées par leurs enfants entre 6 et 12 ans. «C’est surtout à l’entrée au secondaire que les questions se font plus pressantes, explique Célyne Muloin de La Ligne Parents. Au primaire, il y a toujours la peur que l’enfant ne se fasse pas d’ami parce qu’il est trop timide ou qu’il soit rejeté ou ridiculisé parce qu’il est différent des autres (il porte des lunettes, il est trop petit, il a de la difficulté dans les sports, etc.) D’ailleurs, nous constatons que ce phénomène d’intimidation ou de rejet prend de l’ampleur et se manifeste de plus en plus tôt, dès les premières années du primaire. Vous avez peut-être entendu parler de «bullying», des gestes d’intimidation, proches du taxage, qui peuvent dégénérer en violence physique ou en différentes formes de pressions sur l’enfant pour qu’il cède des biens matériels. Dans ces cas là, les parents se sentent très démunis. L’important, c’est de rester aux aguets et de chercher à faire parler l’enfant pour ne pas le laisser seul aux prises avec cette situation.
La peur du laisser-aller
Si la paresse est la mère de tous les vices, la motivation est la meilleure arme de tous les parents! «Je n’ai jamais rencontré d’enfants paresseux, mais très souvent des enfants non motivés», affirme Germain Duclos qui reçoit des parents en consultation depuis nombre d’années et qui donne, bon an mal an, une cinquantaine de conférences sur les divers aspects de l’éducation scolaire. «Peu d’adultes sont conscients de l’énorme défi que l’enfant de six ans doit relever pour s’adapter à sa première année scolaire. Pour la première fois, il fait réellement face à un système organisé et à des règles strictes : se mettre en rang, lever la main avant de parler, être confiné à un espace d’un mètre carré, etc. L’enfant accepte de participer à une activité par conformisme et surtout parce qu’il s’attend à en retirer du plaisir. Le plaisir constitue donc le mobile, l’énergie intrinsèque de la motivation. Le jeune qui participe à une activité pour faire comme les autres s’y engage moins personnellement. Il peut tout de même en retirer du plaisir si son attitude est appréciée et valorisée par son entourage.» D’où l’importance de ne pas négliger la motivation, à l’heure des premiers devoirs… et des suivants! Ce qui compte par-dessus tout, c’est que vous fassiez sentir à votre enfant que le rendement scolaire est une question d’attitudes et de stratégies. Et qu’il est toujours gagnant lorsqu’il fait l’effort de jouer de son mieux.
Laissez vos mauvais souvenirs de côté…
Les mauvais souvenirs d’écoliers des parents peuvent également contribuer à noircir le tableau de la rentrée. «Le parent peut répéter, sans en avoir conscience, ce qu’il a lui-même vécu ou, encore, vouloir l’éviter à tout prix en tentant de contrôler tout ce qui se passe autour de l’enfant. Ce sentiment d’insécurité est normal, mais le parent doit tout de même faire suffisamment confiance à l’école et aux enseignants pour transmettre à l’enfant le message qu’il croit en ses capacités d’aller chercher tout ce qu’il peut y avoir de positif et de faire face à ce qui l’est moins», souligne Marie-Claude Béliveau.
«Aider l’enfant à acquérir de plus en plus d’autonomie avec le plus de confiance possible envers le monde extérieur est l’un des plus grands services que les parents peuvent lui rendre», conclut la psychoéducatrice-orthopédagogue, avec un soupçon de philosophie réconfortant!
Pour en savoir plus
- Guider mon enfant dans sa vie scolaire, Germain Duclos, Collection Parents, Les éditions de l’Hôpital Sainte-Justine, 2001.
- Au retour de l’école…La place des parents dans l’apprentissage scolaire, Marie-Claude Béliveau, Collection Parents, Les éditions de l’Hôpital Sainte-Justine, 2000.
- La Ligne Parents : (514) 288-5555 ou 1 800 361-5085.
- Allô Prof : (514) 527-3726
- ÉDUCATION-COUP-DE-FIL : (514) 525-2573
Sources: Petit-monde.com
Bonne rentrée,
Marie-claude