Marion Müller-Colard est écrivaine et théologienne protestante. Cela dit, c’est en tant qu’aumônière d’hôpital qu’elle écrit L’autre dieu. Une aumônière qui, à plusieurs reprises, a recueilli la longue plainte des mourants qui n’en finisse pas de mourir et de souffrir.
Elle écrit aussi en tant que mère, une mère qui a failli perdre son fils d’une infection pulmonaire alors qu’il n’avait que deux mois. Elle parle là de la menace qui continue de planer malgré le bon rétablissement de l’enfant. Tout est revenu « à la normale » semble-t-il, mais les psychés restent marquées, car l’impensable, la souffrance, la mort, est arrivé sans crier gare, et pourrait revenir à tout moment sous une autre forme.
Marion Müller-Colard utilise avec une grande justesse la métaphore d’un enclos autour de chaque individu. L’enclos protège et permet de vivre avec une certaine insouciance. Mais un jour, l’enclos est fracturé et l’idée même de sécurité n’existe plus. Il faut connaître cette grande vulnérabilité bien connue des psychiatres et thérapeutes pour comprendre la grâce. Et pour ceux qui ont la foi, commencer à comprendre ce que pourrait être cet autre dieu, qui n’est pas celui des rituels et des superstitions, ce dieu qui n’est pas un dieu justicier qui sauverait systématiquement les justes et les innocents et condamnerait les criminels.
Marion Müller-Colard est étonnamment crédible et dépasse de loin le simple discours dans son témoignage de mère viscéralement inquiète pour la vie de son fils. Elle fait toucher du doigt à ceux pour qui la foi et la grâce sont totalement étrangères, ce qu’elles pourraient être si l’on consent à l’immense vulnérabilité de vivre sans enclos protecteur.
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L’autre dieu : la plainte, la menace et la grâce – Marion Müller-Colard
Albin Michel, 2017, 144 p.
Première publication : Labor et Fides, 2014