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Un vent de fronde souffle en Cévennes

Publié le 28 août 2008 par Lozsoc

Le 12 août dernier, Florac, sous préfecture de la Lozère – la plus petite de France avec ses 1900 habitants – a été secouée par une manifestation regroupant environ 1500 personnes venues de toutes les Cévennes pour protester contre un projet de réforme des textes régissant le Parc National des Cévennes (PNC), à cheval sur les départements de la Lozère, de l’Ardèche et du Gard.

Rappelons que le Parc National des Cévennes, créé par le décret modifié n°70-777 du 2 septembre 1970, a toujours été considéré comme un parc à part,dans la mesure où il a été longtemps le seul à être habité dans sa zone cœur. Depuis le 5 mars 2007, le Parc National de la Réunion partage cette caractéristique. Il s’agit bien d’un Parc National, à ne pas confondre avec ses homologues régionaux.

La présence d’une population permanente sur son territoire ainsi que l’importance des zones domaniales boisées font du PNC un lieu unique de rencontre de différents acteurs publics et privés. Sur cet espace, plusieurs stratégies relevant de projets de nature différents se confrontent (agriculteurs, scientifiques, propriétaires de gîtes ruraux et entrepreneurs agissant dans le secteur du tourisme vert, commerçants et artisans, exploitants forestiers, chasseurs, pêcheurs, élus locaux, propriétaires, simples administrés, etc.). Cette coexistence pacifique d’intérêts différents, au sein même du PNC, passe nécessairement par toute une série de compromis. On pourrait dire en somme que le PNC est à lui seul une microsociété. On y retrouve tout un ensemble de problématiques d’une brûlante actualité : aménagement du territoire, développement durable et respect de l’environnement, développement économique, emploi, vie rurale, politique de conservation des services publics, politique de santé publique (ex : difficultés de trouver des médecins généralistes en milieu rural), etc.

Si tout le monde se félicite aujourd’hui de l’existence du PNC, il convient de rappeler tout de même que personne ou presque ne voulait en entendre parler dans les années soixante. Après l’adoption de la loi  du 22 juillet 1960 sur les parcs nationaux, le projet de parc national pour les Cévennes était perçu comme une menace. On craignait à l’époque que la création du PNC soit synonyme d’interdictions généralisées, de désertification rurale, de limitations drastiques de l’agriculture, d’atteintes diverses au droit de propriété (non délivrance de permis de construire notamment), au droit de pêche et au droit de chasse, etc.

Or, en trente huit ans d’existence, il n’en a rien été. La population du PNC a augmenté de près de 50%, alors que certains prédisaient un territoire vierge de toute présence humaine. Le phénomène d’exode rural a été un peu compensé par la venue des néo-ruraux dans les années soixante dix. Chaque année, les communes cévénoles accueillent de nouveaux arrivants qui viennent s’y établir (notamment de plus en plus de ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne).

Territoire et zones du PNC

De même, on est loin des craintes exprimées au sujet de la fin de l’agriculture sur ce territoire. Certes, le nombre de petits cultivateurs est bien moindre qu’il y a quarante ou cinquante ans. Mais cette situation n’a pas été favorisée par la création du PNC. Elle procède d’une tendance plus générale propre au secteur primaire qui a touché l’ensemble du territoire de la République. En ce qui concerne les agriculteurs du PNC, signalons que des contrats de type agro-environnementaux d’un montant de 570.000 €, répartis du cinq ans, ont été négociés pour 2007. Ces conventions ont bénéficié à quatre agriculteurs individuels, quatre groupement pastoraux et à un Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (GAEC). Dix huit nouveaux contrats de ce type sont en prévision pour les prochaines années. Il faut en outre rappeler que la Politique Agricole Commune a beaucoup contribué au maintien d’une présence agricole sur le territoire. Comme quoi, l’Union européenne, accusée ordinairement de tous les maux, n’a pas que des inconvénients.

Le droit de pêche a été également respecté, comme celui de chasse (sacro-saint dans nos contrées). A cet égard, il existe une association cynégétique du PNC qui travaille en étroite concertation avec les fédérations départementales de chasseurs afin de définir et d’entretenir les territoires de chasse aménagés.

On est également loin des atteintes au droit de propriété. Le volume des opérations foncières n’a pas faibli, loin s’en faut. Construire dans le PNC ou rénover le bâti existant n’est pas chose impossible, à la conditi,on bien sûr, de respecter le cadre environnemental. De plus en plus de communes cévenoles ont d’ailleurs établi des plans d’occupation des sols, des cartes communales, des plans locaux d’urbanisme.

Concernant la vie économique, on relèvera le fait que celle-ci profite, grâce au PNC, de l’intérêt que portent de nombreux vacanciers au tourisme vert. Les randonneurs sont par exemple très nombreux en saison. Les sports nature sont très développés. Tout ceci profite à la vie économique locale (commerçants et artisans). Même si, dans l’absolu, cette vie économique est sans doute moins florissante que dans d’autres régions, elle eût été probablement plus faible encore sans le PNC.

Randonneurs sur les chemins du PNC

N’oublions pas non plus que le PNC est un secteur protégé qui permet à de nombreux scientifiques d’étudier la faune et la flore, les microclimats, etc. Des Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZIEFF) ont été définies. Celles-ci n’ont qu’une vocation scientifique et non réglementaires.

Or, depuis quelques mois, les mêmes inquiétudes que celles exprimées il y a une quarantaine d’années semblent ressurgir. A tort ou à raison, elles ont à nouveau gagné la plupart des acteurs publics et privés du PNC, au point que ceux-ci ont éprouvé le besoin de les exprimer le 12 août dernier en manifestant à Florac.

L’objet de leurs inquiétudes est la promulgation éventuelle d’un nouveau décret pour le Parc National des Cévennes en application de la loi n°85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la Montagne et de la loi n°2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux. Cette nouvelle réglementation doit aboutir à l’élaboration d’une nouvelle charte pour le PNC en 2011.

Les manifestants redoutent en effet un alourdissement des règles de transmission et d’autorisation d’exploitation des terres agricoles et déplorent, de façon générale, de ne pas avoir pu se prononcer sur le texte du décret., malgré l’enquête publique. Ils craignent aussi des procédures de plus en plus contraignantes pour la délivrance des permis de construire, ainsi qu’une réglementation plus sévère des activités de loisirs, de pêche et de chasse. Les élus locaux des communes situées en zone cœur du PNC dénoncent également une éventuelle rupture d’égalité de traitement par rapport aux communes qui sont situés en zone périphérique du PNC. Dans un même élan, ils estiment que le projet de nouveau décret donne tous les pouvoirs au directeur du PNC et affaiblit la représentation des populations locales au sein du Conseil d’administration.

On se gardera bien de trancher, n’ayant pas lu le projet de décret. Il est d’ailleurs fort probable qu’on ne soit pas seul dans ce cas. Néanmoins, la mobilisation des populations locales montre de toute évidence que celles-ci se sentent impliquées dans la vie du PNC et que rien ne se fera sans elles. Ce qui est une excellente chose.

Le-Pont-de-Montvert, Commune en zone coeur du PNC

Il reste à savoir maintenant si cette mobilisation réussie favorisera un examen juridiquement rigoureux et objectif du projet de décret et si elle incitera les pouvoirs publics à en présenter une nouvelle mouture plus en phase avec les revendications des populations locales. Il faut le souhaiter. Pour le moment, la défiance est grande . De ce point de vue, l’Etat UMP en porte la lourde responsabilité. A cet égard, on ne manquera pas de relever les propos de Jean-Paul Pottier (UMP), ancien président du Conseil Général de la Lozère et actuel président du PNC, repris par la Lozère Nouvelle :

« Il est également regrettable que la population n’ait pas eu à se prononcer sur le texte du décret lui-même. Le texte tel qu’il nous est soumis manque singulièrement de psychologie (sic). Il aurait été aussi simple et moins provoquant (sic) de dire que la charte réglementera, si nécessaire,les activités en zone cœur du parc national que de dire que tout est interdit sauf ce que dira la charte. »

On ne pouvait trouver meilleur hommage au besoin de démocratie participative !

On voit donc bien que l’UMP de la Lozère est très embarrassée par ce dossier qui a été mal amené et encore plus mal géré. Une manifestation de 1500 personnes en Lozère n’est pas un événement anodin. Ses organisateurs ne s’attendaient d’ailleurs pas à une telle participation.

Le trouble est d’ailleurs si fort, que l’inénarrable député sarkoziste Pierre Morel-A-L’Huissier, le roi de la saisine en tout genre, s’est senti dans l’obligation de saisir le non moins inénarrable Jean-Louis Borloo. On verra ce qu’il en ressort.

Quant à l’autre député sarkoziste, Francis Saint-Léger, il brille par son absence. Ce qui est d’autant plus scandaleux et navrant que le PNC est majoritairement situé sur le territoire de sa circonscription. Même chose pour l’unique sénateur de la Lozère, Jacques Blanc (UMP), qui, pourtant, est réputé siéger dans une assemblée représentant les collectivités locales.


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LES COMMENTAIRES (1)

Par glanum
posté le 23 septembre à 06:21
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He oui, les parcs sont nécessaires, mais l'avis des gens du téroir doit être pris en compte en priorité. Ceci pour deux raisons pricipales, _ En premier, ce sont eux qui y vivent tout simplement. _ En second, leur connaissance du téroir.

De plus, ce sont les agriculteurs qui font que ce paysage est ce qu'il est, sans eux, finis les vertes prairies, etc ....

Alors pourquoi geler une économie rurale au profils de quoi au fait ? de la nature ! certainement pas, interdire les accès et toutes autres formes de restriction ne peuvent être que favorables au déclin de cette zone ne serais ce que par le fait qu'il s'exerce de par le "trafic", une surveillance.

Baladur avait dit , il faut désenclaver la Lozère, j'ai bien peur qu'on mette en prison les cévenols, et ça c'est une atteinte aux libertés.Ceci est anti constitutionnel à mon sens.

Tout mon soutien aux élus locaux qui oeuvrent tous les jours pour ce coin de paradis.

jm sicard

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