L'histoire: Sud de la Chine, début des années 2000. Qiaoqiao (Zhao Tao), chanteuse et mannequin, tombe follement amoureuse de Guao Bin (Li Zhu-bin). Mais leur histoire d'amour est fragile. À tel point que, sans prévenir, Bin s'exile dans une province économiquement plus forte, pour tenter de gagner plus d'argent. Il promet à sa dulcinée de la faire venir lorsqu'il sera plus à l'aise financièrement. Or, au fil des mois, un étrange et inquiétant silence radio s'installe. Ne pouvant se résoudre à rester seule, Qiaoqiao décide de partir à sa recherche.
Passage au FNC: 13 et 18 octobre 2024 - Sortie en France: 8 janvier 2025 - Sortie au Québec: non définie.
Présenté en Compétition au Festival de Cannes cette année, Caught By The Tides est le nouveau long métrage du toujours très attendu Jia Zhang-ke, cinéaste chinois de Still Life (Lion d'or à Venise), A Touch of Sin (Meilleur scénario à Cannes), Mountains May Be Part (prix du public à San Sebastian) et Ash is Purest White (Les éternels, en compétition à Cannes).
Il s'agit d'un projet assez étonnant puisqu'il se compose d'images tournées en 2001, en 2006 et tout au long des années 2010-2020. Il faut dire que Zhang-ke, sa conjointe Zhao Tao et le directeur photo Yu Lik Wai ont parcouru les régions de Datong, de Fengjie et de Zhuhai, dans le sud du pays, pour capturer la vie quotidienne de leurs compatriotes et documenter les mutations de l'économie et de la culture populaire chinoise.
De ces " parties de chasse " comme il les appelle, Jia Zhang-ke a conservé des dizaines d'heures d'enregistrement sur divers sujets, et de divers formats, allant de la mini DV au caméras numériques plus sophistiquées, en passant de la pellicule 16 ou 35mm. Le fil conducteur étant sa conjointe, Zhao Tao, qu'il a filmée sous tous les angles et en la mettant parfois en scène dans des situations fictionnelles, alors qu'autour d'elle la vie de tous les jours se déroulait comme si de rien n'était. Le dénouement - tourné en 2022 en pleine pandémie de COVID-19 - est pour sa part totalement nouveau. Et pour agrémenter le tout, huit plans séquences repris de Plaisirs Inconnus (2002), Still Life (2006) et Les éternels (2018) ont été insérés à l'histoire.
Caught By The Tides ( Feng Liu Yi Dai ou Les feux sauvages en version sous-titrée en français) est donc une courte-pointe qui ne cesse de surprendre par son hybridité, ses changements de tons, de formats et d'époques. La fluidité de l'intrigue est remarquable, au point que, n'eut été quelques cartons explicatifs, on décèlerait à peine l'origine et la date de prises de vues. On y suit sur plus de 20 ans la quête d'une femme pour retrouver son amour perdu, mais aussi pour se libérer et trouver sa propre identité dans un pays en proie aux changements. On se promène avec elle dans des régions qui vont progressivement être englouties par le barrage des Trois Gorges.
Pour ma part, ce sont ces passages à saveur documentaire qui m'ont le plus attirés. Entre autres, le touchant témoignage d'un propriétaire d'une salle de détente destinée aux anciens mineurs de Datong, qui nous explique comment il a sauvegardé de la destruction un imposant portrait de Mao, partiellement brûlé et jeté aux ordures. Un autre passage, d'une grande force lui aussi, montre Qiaoqiao déambulant de nuit dans les rues de Fengjie (là où avait été tourné Still Life), alors que la ville se prépare à être engloutie et que plus d'un million de personnes sont en train d'être relocalisées par les autorités.
Enfin, signalons que, comme à son habitude, Jia Zhang-ke a laissé une place importante à la musique en illustrant les changements profonds qu'elle aussi a connus, passant d'opéra chanté dans des lieux miteux à l'ambiance électrisante de boîtes de nuit surchargées et baignées de musique venue d'occident.
Ceux et celles qui aiment le cinéma de Zhang-ke ne seront pas dépaysés. Pour les autres, il me semble que Caught By The Tides est une probante introduction à l'univers très particulier qui se dégage des films du cinéaste.