Chapeaux

Par Alain Bagnoud
Quand il veut montrer sa surprise, il dit, en levant un sourcil : « Ah ouais ! Quand même ! » Une expression qu'il a prise chez un animateur télé.
Avec ses cheveux longs ramenés en queue de cheval, une barbe rare, il a l'air d'un contestataire ou d'un altermondialiste mais il veut devenir célèbre. Pas à cause de quelque chose qu'il ferait, reconnaît-il, mais pour ce qu'il est. Parce qu'il lui semble qu'il mérite la célébrité.
Pendant qu'il m'explique ça, deux vieilles dames montent dans le tram, emmitouflées dans des châles et avec des chapeaux fantaisie très étranges. L'un avec des sortes d'étages comme un gâteau. L'autre en forme d'obus blanc. Deux excentriques. Celle du gâteau moins âgée que l'autre. Une fille et sa mère, peut-être. Il y a un air de famille.
Je me demande si elles suivent la mode. A voir le col, les manches et le bas d'un de leurs manteaux orné de renard blanc, on peut penser que oui.
Elles regardent avec approbation la voiture de police qui nous dépasse, feu clignotant.
Derrière elles, un type au crâne rasé, l'air mauvais, écoute de la musique très fort sur son Ipod. Le rythme est familier, mais les sons couverts par les bruits de la rue. Il s'approche, poussé par une grande Africaine en boubou qui monte à l'arrêt Villeureuse. Je reconnais le morceau. Dites-moi où ne en quel pays, Est Flora. la belle Romaine. Du Villon et du Brassens... Ah ouais. Quand même.