L’enfer en cuisine : derrière les casseroles, la tyrannie des chefs

Publié le 11 octobre 2024 par Angrymum @VeryAngryMum

L'enfer de la cuisine, ce n'est pas seulement le stress des services, les commandes qui s'accumulent, ou l'attente interminable des clients. Non, le véritable cauchemar, c'est ce que des milliers d'apprentis cuisiniers vivent en silence : la tyrannie des chefs, les violences physiques et psychologiques, un système où la hiérarchie ressemble plus à une caserne qu'à une cuisine. Mais bien sûr, tout cela est soigneusement caché derrière l'image lisse des émissions de télé avec leurs cuisiniers stars, toujours souriants et trop sympas.

On nous vend la gastronomie comme un art, un univers de passion où tout le monde est ravi de travailler pour un chef charismatique. Mais la réalité, elle, est bien plus sombre. C'est une violence banalisée, inhérente à ce métier, comme si pour être un bon cuisinier, il fallait d'abord subir le pire. Des témoignages comme ceux révélés par des jeunes apprentis décrivent des scènes d'horreur : des élèves plaqués contre les murs, insultés, humiliés parce qu'ils ont oublié d'enfourner une meringue. Mais ces abus ne sont pas une exception, ils sont la norme dans un système bâti sur l'autorité absolue du chef.

Ce qui est sidérant, c'est qu'on continue d'envoyer des apprentis de 14 ans dans ces enfers. Comment peut-on encore cautionner cela ? Envoyer des adolescents dans des cuisines dirigées par des tortionnaires, des tyrans en toques, relève de l'inconscience. Et après, ces mêmes chefs pleurent qu'ils n'arrivent plus à recruter. Mais est-ce vraiment surprenant ? Qui voudrait volontairement se lancer dans une carrière où l'humiliation et la violence sont des passages obligés ?

En 2015, un commis dépose une plainte - classée sans suite - contre le chef Joël Robuchon pour harcèlement. La même année, une enquête de France Télévisions met en cause M. Yannick Alléno, auréolé du titre de "cuisinier de l'année" par le guide Gault & Millau : les prud'hommes reconnaîtront l'existence de "faits de violence physique" au Pavillon Ledoyen, son restaurant trois étoiles des Champs-Élysées.

Heureusement, quelques cuisiniers commencent à briser la loi du silence. Des chefs qui, après avoir passé des années à terroriser leurs équipes, font leur " coming out " en reconnaissant qu'ils ont changé, qu'ils ne veulent plus perpétuer cette culture toxique. Ils admettent enfin que l'excuse du " il faut souffrir pour être bon " n'a plus sa place. Cette prise de conscience est salutaire, mais il en faut plus. Il est urgent que ce métier arrête de glorifier la souffrance et la violence.

En France, M. Éric Guérin, chef de La Mare aux oiseaux, un restaurant de Loire-Atlantique, fait partie des rares cuisiniers médiatiques à prôner une nouvelle organisation du travail inspirée par son expérience de la violence.

On pourrait penser que des chefs médiatiques, comme Thierry Marx, prendraient la parole sur ces questions. Mais non, ils préfèrent parler de karaté, comme si cela résolvait le problème. Certes, le karaté, c'est super pour souder une équipe, mais ça ne fait pas disparaître la toxicité de l'environnement de travail. Le silence de ces figures publiques sur la violence dans les cuisines est assourdissant.

La solution est simple : interdire à ces tyrans de la casserole de pouvoir encadrer des enfants ou des apprentis. Laisser des adolescents entre les mains de ces chefs, c'est de la maltraitance. Si les chefs ne sont plus capables de voir les ravages de leur propre comportement, alors il est temps qu'ils soient exclus du système. Peut-être qu'une fois isolés, privés de main-d'œuvre docile, ils comprendront que leur business est fini, et que la vraie révolution en cuisine ne se fera pas avec des casseroles, mais avec un profond changement de mentalité.

En réaction à : https://www.monde-diplomatique.fr/2024/09/EYCHENNE/67478

Angry Mum, maman active, maman geek et toujours à l'écoute d'Internet... Elle adore les vacances mais pas toujours les vacances scolaires ! Blogueuse depuis 2013. S'abonner à Angry Mum sur Google News