Magazine Culture

Critique Ciné : Paternel (2024)

Publié le 10 octobre 2024 par Delromainzika @cabreakingnews
Critique Ciné Paternel (2024)

Paternel // De Ronan Tronchot. Avec Grégory Gadebois, Géraldine Nakache et Lyes Salem.

Le cinéma français a toujours su capturer l'essence de dilemmes humains profonds, et Paternel, premier long-métrage de Ronan Tronchot, ne fait pas exception. Ce film nous plonge dans un univers qui allie la spiritualité à la réalité crue de la paternité, dans un contexte où les engagements religieux se heurtent à la vie personnelle. À travers cette histoire, Tronchot aborde des questions morales complexes, notamment le célibat des prêtres et la chasteté imposée par l'Église catholique. L'intrigue se concentre sur Simon, un prêtre dévoué de la petite ville d'Auxerre, interprété par Grégory Gadebois. Au milieu de son quotidien rempli de messes et de sollicitations paroissiales, son passé le rattrape de manière brutale. Lors d'un enterrement, Louise, une ancienne compagne jouée par Géraldine Nakache, réapparaît après douze ans, accompagnée d'un adolescent prénommé Aloé, leur fils, dont Simon ignorait jusqu'à l'existence.

Dans une petite ville du centre de la France, Simon est un prêtre dévoué à sa paroisse. Au cours d'une messe, Louise, qu'il n'avait pas revue depuis son séminaire, il y a des années, refait surface. Elle lui présente Aloé, enfant de 11 ans, dont il est le père. Cette nouvelle va bouleverser son quotidien : peut-il être un bon prêtre pour ses fidèles, et un bon père pour son enfant ? Simon va tenter de convaincre les plus hautes instances de l'Église que sa vocation est compatible avec l'amour paternel.

Ce retour inattendu confronte Simon à une vérité troublante : il est père. Mais peut-il réellement assumer cette nouvelle réalité tout en continuant de servir l'Église, qui impose un mode de vie strict à ses représentants ? Paternel soulève des questions théologiques qui résonnent profondément dans notre époque contemporaine. Le célibat des prêtres, instauré par l'Église au XIe siècle, a toujours été un sujet de débat. Bien que la chasteté parfaite soit un engagement pris au moment de l'ordination, le film interroge ce qu'il en est d'une paternité antérieure à cette étape. Ce dilemme personnel devient le cœur du conflit pour Simon. Comment jongler entre la loyauté à sa foi et les responsabilités d'un père ? Tronchot ne s'enlise pas dans des détails purement théologiques ou juridiques, mais préfère explorer l'impact émotionnel et spirituel de cette situation. Simon, incarné avec une grande sensibilité par Gadebois, est un personnage qui inspire immédiatement de la sympathie.

C'est un homme profondément ancré dans sa foi, dont la bienveillance est palpable. Mais ce dilemme le force à revisiter les fondements mêmes de son engagement. Sa vocation est-elle compatible avec les obligations d'un père ? Le film ne cherche pas à donner une réponse tranchée, mais propose plutôt une réflexion sur les sacrifices que l'Église impose à ses membres. L'un des points forts de Paternel est sans aucun doute sa capacité à peindre le quotidien d'un prêtre de manière réaliste, sans caricature. La vie dans une petite paroisse est minutieusement décrite : la succession des offices, les sollicitations permanentes des fidèles, et la solitude parfois pesante. Le personnage de Simon vit avec un autre prêtre (incarné par Lyes Salem), dont la présence enrichit le récit. Ce duo offre une belle dynamique, permettant de mieux comprendre les défis et les pressions auxquelles sont soumis les hommes d'Église.

Cependant, cette rigueur réaliste n'empêche pas Paternel d'être critiqué pour son manque d'audace. La mise en scène, sobre et sans éclat, rapproche parfois le film d'un téléfilm. La photographie, bien que soignée, n'apporte pas cette touche de magie qui aurait pu élever le film à un autre niveau. Cela dit, cette retenue stylistique permet de mieux se concentrer sur le cœur du récit : les tourments de Simon face à ses nouvelles responsabilités de père. Malgré ses qualités indéniables, Paternel souffre d'un manque de suspense. Dès les premières minutes, il est difficile de ne pas anticiper l'issue de l'histoire. L'attachement naturel que suscite le personnage, ainsi que les valeurs chrétiennes de compassion et d'amour de l'Autre, rendent peu probable le rejet de son fils. Ce manque de tension dramatique enlève une part de mystère au film, mais cela n'enlève rien à la sincérité du propos. Grégory Gadebois, dans le rôle de Simon, est indéniablement l'âme du film. Son jeu tout en subtilité et en nuances permet de rendre crédible ce personnage déchiré entre son devoir religieux et sa nouvelle réalité de père.

Il incarne un homme en quête de réponses, dont la foi reste inébranlable mais dont l'avenir est incertain. Les personnages secondaires, notamment Lyes Salem et Françoise Lebrun, apportent également une profondeur bienvenue à l'histoire. Le rôle de Géraldine Nakache, bien que plus distant, est néanmoins essentiel pour permettre à l'intrigue de se déployer. En fin de compte, Paternel est un film sincère, qui aborde des questions universelles et contemporaines sans tomber dans la caricature. La complexité du dilemme de Simon - entre sa vocation et ses responsabilités de père - est explorée avec pudeur et justesse. Bien que la mise en scène manque parfois d'audace et que l'issue soit prévisible, Paternel reste un film poignant, porté par des acteurs talentueux et une réflexion profonde sur le célibat des prêtres et la paternité. Ce film invite à réfléchir sur les sacrifices que certains engagements imposent, et sur la manière dont les hommes doivent parfois jongler entre des devoirs opposés. Une œuvre honnête et émouvante qui pose plus de questions qu'elle n'en résout, mais qui touche néanmoins en plein cœur.

Note : 5/10. En bref, ça a l'allure d'un téléfilm mais Grégory Gadebois est excellent et le film documente clairement son propos.

Sorti le 27 mars 2024 au cinéma - Disponible en VOD


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Delromainzika 18158 partages Voir son profil
Voir son blog