La Maison, nouvelle série française diffusée sur Apple TV+, s'immerge dans l'univers impitoyable de la haute couture, un terrain fertile pour les intrigues et les affrontements de pouvoir. Pourtant, malgré un potentiel prometteur et un casting de premier ordre, les deux premiers épisodes de cette saga peinent à convaincre. Le concept est attirant : un créateur vieillissant en quête de rédemption et une jeune styliste rebelle prête à tout pour révolutionner un monde qui, en surface, incarne le luxe et la sophistication. Mais derrière cette apparente originalité se cache une série qui, au final, semble suivre les chemins déjà trop battus du genre. Le cadre est séduisant : une maison de couture prestigieuse, dirigée par Vincent Ledu, incarné par un Lambert Wilson toujours aussi charismatique. Face à lui, Paloma Castel, une styliste écologiste campée par Zita Hanrot, qui prône un retour à l'essentiel à travers l'upcycling.
La haute-couture côtoie le drame dans les coulisses d'une célèbre maison centenaire. Dirigée par une dynastie en plein scandale et forcée à se réinventer après la diffusion d'une vidéo impliquant le créateur star Vincent LeDu, la maison de haute-couture de sa famille ne tient plus qu'à un fil. Perle Foster, ancienne muse de Vincent et aujourd'hui encore dans son ombre, s'allie à Paloma Castel, issue d'une nouvelle génération de stylistes visionnaires, afin de sauver et de réinventer la Maison LEDU. Elle revendique la place qui lui revient, à la fois au sein de la famille LeDu et du monde de la mode.
Le choc entre ces deux mondes - celui d'un créateur sur le déclin et d'une jeune génération avide de changement - aurait pu constituer le point de départ d'un récit passionnant. Pourtant, ce contraste s'avère très vite être une simple toile de fond pour une intrigue bien plus conventionnelle qu'elle n'en a l'air. La série se contente de recycler des clichés éculés : le vieux maître arrogant qui doit composer avec une jeune styliste innovante, l'ennemi commun qui menace de détruire leur entreprise, et une intrigue familiale qui s'enfonce dans des conflits banals sur l'héritage. En somme, "La Maison" n'offre que peu de surprises, malgré ses prétentions à aborder des thématiques modernes comme l' upcycling ou la déconstruction du mythe du créateur tout-puissant. Ce qui ressort de ces premiers épisodes, c'est surtout la faiblesse de l'écriture des personnages. Les protagonistes sont dessinés à grands traits, sans nuance ni complexité. Vincent Ledu est le stéréotype du couturier brillant mais dépassé, un boomer figé dans le passé.
Paloma Castel, quant à elle, incarne la styliste rebelle venue bousculer les codes, sans que sa personnalité soit réellement approfondie.Leur relation, qui oscille entre tension et admiration, aurait pu être un terrain riche à explorer, mais elle se réduit à des confrontations attendues et à des réconciliations prévisibles. Plus généralement, les personnages secondaires ne parviennent pas non plus à sortir des carcans stéréotypés. Le frère en quête de pouvoir, l'assistante dévouée mais trahie, ou encore la rivale impitoyable (interprétée par Carole Bouquet) qui cherche à écraser la maison Ledu, tous ces rôles semblent tout droit sortis du manuel du parfait soap opera. On aurait espéré une exploration plus subtile des dynamiques familiales et professionnelles dans un milieu aussi codifié que celui de la haute couture. Malheureusement, ces figures sont figées dans des schémas narratifs trop convenus.
La mise en scène, assurée par Fabrice Gobert (célèbre pour Les Revenants) et Daniel Grou (connu pour Lupin), est indéniablement soignée.Les décors somptueux, les costumes spectaculaires et les séquences de défilés magnifiquement chorégraphiées témoignent d'un budget conséquent et d'une réelle volonté de plaire à un public international. Toutefois, cette apparence lisse et esthétique finit par nuire à l'identité de la série. Derrière cette production impeccable, La Maison manque cruellement de caractère. La caméra, pourtant entre les mains d'un réalisateur talentueux, semble ici trop formatée. On est loin de l'inventivité visuelle et narrative à laquelle Gobert nous avait habitués avec ses précédents projets. Les plans récurrents de la tour Eiffel, les scènes de vie parisienne stéréotypées et même l'incontournable épisode de Noël donnent à l'ensemble un air de déjà-vu, comme si la série avait été calibrée pour répondre aux attentes du public international, au détriment de sa singularité.
Si les deux premiers épisodes de La Maison parviennent à capter l'attention, c'est essentiellement grâce à la promesse d'un drame familial à la fois intime et grandiose. Mais cette promesse est rapidement ternie par une intrigue qui s'étire sans réelle tension. Le rythme s'enlise, et les rebondissements peinent à surprendre. On a parfois l'impression que la série aurait pu se contenter de six épisodes au lieu des huit proposés. Le récit tourne en rond, notamment dans les conflits familiaux et professionnels, qui deviennent répétitifs. Il serait injuste de nier que La Maison reste un divertissement agréable. La série bénéficie d'un casting solide, avec des acteurs comme Florence Loiret-Caille et Antoine Reinartz qui parviennent à injecter un peu de subtilité et d'émotion dans leurs personnages. Leur jeu sauve en partie des dialogues souvent simplistes et des situations prévisibles. Mais cela ne suffit pas à compenser les faiblesses globales de la série.
Malgré ses atouts indéniables - décors somptueux, costumes éblouissants, et un univers fascinant à explorer - La Maison semble incapable de s'élever au-delà de ses ambitions initiales. Elle se contente de suivre un chemin déjà tracé, sans jamais vraiment prendre de risques. Le spectateur, lui, reste sur sa faim, attendant un véritable souffle dramatique qui ne vient jamais. Au final, La Maison est une série qui, malgré un cadre prometteur et une production léchée, échoue à captiver véritablement. Le mélange de soap opera familial et de critique du milieu de la mode aurait pu être explosif, mais le tout reste trop sage, trop convenu. Là où des séries comme Succession parviennent à transcender les conflits familiaux pour en faire des tragédies modernes, La Maison reste prisonnière de ses clichés et de son manque de prise de risques. Il ne reste alors qu'un divertissement superficiel, plaisant pour les yeux, mais qui ne laisse pas un souvenir impérissable.
Note : 4.5/10. En bref, La Maison aurait pu être une pièce unique, mais elle ressemble plutôt à un modèle prêt-à-porter, destiné à plaire à tous sans jamais vraiment marquer les esprits.
Disponible sur Apple TV+