Magazine Culture

Critique Ciné : La Morsure (2024)

Publié le 09 octobre 2024 par Delromainzika @cabreakingnews
Critique Ciné Morsure (2024)

La Morsure // De Romain de Saint-Blanquat. Avec Léonie Dahan-Lamort, Lilith Grasmug et Fred Blin.

La Morsure, premier long-métrage de Romain de Saint-Blanquat, est une œuvre qui divise. À mi-chemin entre film d'auteur et exploration des codes du cinéma d'horreur, il ne laisse personne indifférent. Audacieux, visuellement marquant, et porté par des thématiques intéressantes, le film reste toutefois une proposition inégale. Certes, il s'inscrit dans une approche esthétique soignée, mais peine à réellement captiver sur toute sa durée. Pourtant, malgré ses imperfections, La Morsure apporte une fraîcheur bienvenue dans le paysage du cinéma français, notamment par sa manière de marier les genres. L'histoire suit Françoise, une adolescente traversant une période tourmentée, hantée par des rêves morbides qui lui laissent entrevoir sa propre mort. Elle décide de passer cette nuit particulière avec sa meilleure amie, au cours d'une soirée costumée en pleine campagne.

1967, pendant le Mardi gras. Françoise, pensionnaire d'un lycée catholique, fait un cauchemar où elle se voit brulée vive. Persuadée qu'il ne lui reste qu'une seule nuit avant sa mort, elle fait le mur avec son amie Delphine pour vivre cette nuit comme si c'était la dernière.

Ce qui aurait pu être une simple virée nocturne entre amies se transforme rapidement en une expérience inquiétante, teintée de mystères. Les spectateurs sont plongés dans un climat d'incertitude, oscillant entre réalité et cauchemar, alors que Françoise se demande si ses visions sont prémonitoires ou le fruit de son imagination. Malgré des prémices alléchantes, le film ne parvient malheureusement pas à tenir en haleine tout au long de son déroulement. Le milieu du film accuse un certain essoufflement, et l'intrigue semble peiner à trouver un élan narratif constant. Les temps morts sont fréquents, et le spectateur peut se retrouver à attendre une intensité qui n'arrive pas toujours. Toutefois, le film réussit à se reprendre vers la fin, avec un dénouement qui, bien que n'étant pas aussi percutant qu'espéré, vient apporter une certaine résolution à l'ensemble. Sous ses airs de film d'horreur, La Morsure se révèle être avant tout un récit initiatique, axé sur les aspirations et les angoisses de ses deux personnages principaux.

Le long-métrage explore la quête d'émancipation d'adolescentes coincées dans un environnement conservateur. On est en 1967, à la veille des événements de Mai 68, et l'étau des conventions sociales et religieuses se resserre sur les jeunes femmes. Le poids de la religion, la figure du vampire, et l'attrait de la mort sont des thèmes effleurés tout au long du film. Malheureusement, ces thèmes, bien que riches en potentiel, ne sont pas suffisamment approfondis pour donner une réelle densité à l'intrigue. Le film s'intéresse davantage à l'évolution psychologique de ses protagonistes qu'à l'histoire elle-même. Françoise, interprétée par Léonie Dahan-Lamort, incarne parfaitement cette adolescence en quête de sens, tiraillée entre le désir de liberté et la peur du changement. Son interprétation est sans doute l'un des points forts du film, apportant une profondeur émotionnelle à un personnage qui pourrait autrement paraître unidimensionnel.

Le parcours initiatique des deux héroïnes, dans une atmosphère gothique et onirique, est magnifiquement mis en scène, mais manque parfois de consistance narrative pour maintenir l'intérêt du spectateur. Si La Morsure ne brille pas toujours par la fluidité de son scénario, il compense largement par son esthétique. Les choix de mise en scène de Romain de Saint-Blanquat, ainsi que son travail sur les décors et la lumière, créent une ambiance visuellement fascinante. Le film joue habilement avec les codes du gothique et de l'horreur, sans jamais tomber dans le grotesque ou l'excès. L'atmosphère poétique et les décors, mélangeant à la fois une nostalgie rétro et une touche de modernité surréaliste, offrent un cadre unique au récit. Le travail sur les costumes et les éclairages renforce ce sentiment d'être plongé dans un univers à la frontière entre le rêve et la réalité. La lumière tamisée, les ombres inquiétantes et les couleurs contrastées contribuent à créer cette ambiance onirique qui enveloppe l'ensemble du film.

Ce soin apporté à l'esthétique est indéniablement l'une des forces majeures de La Morsure, et offre au spectateur une véritable expérience sensorielle, même si l'intrigue ne suit pas toujours. Bien que La Morsure soit loin d'être parfait, il est important de souligner l'audace de Romain de Saint-Blanquat. Dans un paysage cinématographique français souvent frileux en matière de genre, ce film se distingue par sa volonté de s'approprier les codes du cinéma d'horreur pour les détourner en faveur d'une réflexion plus large sur la fin de l'enfance et les désirs d'émancipation. Ce mélange des genres, bien que parfois maladroit, témoigne d'une ambition louable. De plus, l'originalité de l'approche narrative et esthétique du réalisateur ne peut être niée. Ce premier long-métrage révèle un talent certain pour la création d'atmosphères et d'univers visuels uniques, qui tranchent avec la production cinématographique française traditionnelle. Si certains spectateurs pourront être frustrés par les baisses de rythme ou l'aspect inabouti de certains thèmes, La Morsure mérite néanmoins d'être salué pour sa créativité et sa singularité.

La Morsure est une œuvre intrigante, qui tente de mêler horreur, drame gothique et récit initiatique. Si le film échoue parfois à trouver un équilibre narratif, il n'en demeure pas moins une proposition audacieuse et visuellement séduisante. Porté par l'interprétation solide de Léonie Dahan-Lamort et une esthétique soignée, il parvient à capter l'attention, même si son rythme inégal et son manque de profondeur thématique peuvent laisser sur leur faim. Romain de Saint-Blanquat signe un premier long-métrage prometteur, qui, malgré ses imperfections, laisse entrevoir un potentiel certain pour l'avenir.

Note : 5/10. En bref, un film audacieux aux frontières de l'onirisme et du drame gothique mais pas exempt de défauts.

Sorti le 15 mai 2024 au cinéma - Disponible en VOD


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Delromainzika 18158 partages Voir son profil
Voir son blog