L’art de passer le temps

Par Carmenrob

Me voilà de retour d'un voyage en Europe et qui dit voyage outre-Atlantique dit de nombreuses heures de déplacement, soit une quarantaine d'heures environ. Et vu que je voyageais seule, j'ai meublé ces longues heures monotones de lectures captivantes. Soucieuse de ne pas vous imposer un trop long billet, je me contenterai de quelques commentaires pour chacun.

Enfant de salaud de Sorj Chalandon

En 1987, Chalandon (journaliste et écrivain) est mandaté pour suivre le procès de Klaus Barbie, officier SS sous le régime nazi et surnommé le Boucher de Lyon, tristement célèbre pour avoir déporté 14 000 personnes vers les camps allemands, dont des Juifs et des résistants. En parallèle de ce procès, Chalandon découvre que son père n'est pas le résistant sans tache qu'il s'est vanté d'être, mais qu'il a un passé plus trouble, collaborationniste et fabulateur. Par ce roman dont l'essentiel est basé sur les faits réels, l'auteur progresse dans la réconciliation avec son père et nous offre une œuvre captivante et émouvante. Un grand auteur.

Le chant des innocents de Piergiorgio Pulixi

Pulixi est un formidable auteur italien de roman policier. Ses personnages sont complexes, ses intrigues haletantes. Ici, des jeunes aux prises avec des difficultés personnelles et relationnelles sont instrumentés par un individu qui les convainc de sublimer leur rage en passant à l'action. Il s'en suit plusieurs meurtres sordides dont les coupables ne cherchent aucunement à fuir la police. L'inspecteur Vito Strega est sur la touche à la suite d'événements qui l'ont un moment mis du côté des méchants et contraint de consulter une psychologue pour prouver sa capacité à reprendre du service. Ce qui ne l'empêche pas de collaborer officieusement pour trouver le cerveau qui détraque celui de ces jeunes.

L'île des âmes de Piergiorgio Pulixi

En Sardaigne, des meurtres non résolus, des cold cases, tourmentent un policier à la retraite dont les jours sont comptés en raison d'un cancer. Un ancien patron acceptera de rouvrir ces dossiers par sympathie pour lui et confiera cette mission impossible à Mara Rais et Eva Croce, deux jeunes femmes détectives que tout oppose. Or un nouveau cadavre est trouvé. Comme les précédents, il porte les marques d'un culte ancien et ancré dans la culture des populations intérieures de l'île. Les éléments de ce culte sont abondamment évoqués, ce qui crée une atmosphère mystérieuse et inquiétante.

L'illusion du mal de Piergiorgio Pulixi

Comme vous pouvez le constater, quand on a goûté à du Pulixi, on y revient. J'ai particulièrement aimé ce roman qui nous fait la démonstration terrifiante de la capacité des réseaux sociaux à faire émerger des mouvements radicaux défiant la raison. Quelqu'un a décidé de démontrer que la justice italienne est bancale, que les juges sont entravés dans des règles les empêchant de véritablement rendre justice, que la police est incapable de véritablement neutraliser les coupables et s'en prend plutôt aux innocents. Ce justicier déguisé et masqué traque les vrais coupables, leur extrait les dents à froid et les envoie à une de leur victime, puis présente ces êtres torturés sur les réseaux sociaux, exposant leur crime et demandant aux internautes de voter à savoir si la punition est suffisante ou si le coupable doit être exécuté. Le peuple vote pour la peine de mort pendant que Vito Strega, Mara Rais et Eva Croche tentent de démasquer ce justicier fou. Captivant et glaçant.

La dernière chasse de Jean-Christophe Grangé

Ce roman, quoiqu'efficace, s'est révélé un peu trop sanglant à mon goût, trop gore, comme on dit. Les choses se passent dans une riche famille allemande. Un membre de cette famille est retrouvé mort dans la forêt de leur domaine privé, à cheval sur la frontière française et allemande, la tête coupée, éviscéré, avec un brin de chêne entre les dents. Traitement identique à celui réservé au gibier dans un type de chasse traditionnelle. Ça parle d'ailleurs beaucoup de chasse tout au long de ce roman. Avis aux intéressés. Puis un deuxième mort... Et un groupe de mercenaires qui a adopté le modus vivendi des Chasseurs noirs, lesquels ont, pour le compte des Allemands, semé la terreur durant la guerre, notamment en utilisant des chiens féroces dont l'élevage a été interdit par la suite. Or ces chiens existent toujours et ces nouveaux chasseurs noirs s'en servent avec brutalité pour protéger le domaine et les membres de la famille. Compte tenu du lieu du meurtre, deux détectives français sont appelés à collaborer avec la police allemande, Niémans, qui a une peur panique des chiens, et Ivana, son adjointe. Leur collaboration sera pour le moins mouvementée...