Parce que ce texte est de circonstances et que certains ne l'ont peut-être pas lu,
voici une histoire de Yéti que j'avais écrit en début d'année, un joli souvenir de voyage.
Ce soir j’ai été conviée à entrer dans l’intimité du guest house du petit village de Pangboche où nous allons
dormir. Notre guide a envie de me conter fleurette et il me permet ainsi d’échapper quelques instants à la sorcière qui est ma voisine de chambrée lors de ce voyage. Une découverte du Népal
vu de l’intérieur après celle des magnifiques paysages de ce trek dans la région de l’Everest. Il me fait l’honneur de pénétrer dans la petite cuisine où se prépare le repas du soir et de
partager des moments privilégiés...
Une vieille femme aux cheveux gris cuisine, belle malgré ses rides, le visage buriné par le soleil et les intempéries. C’est notre hôtesse. Elle parle au guide et aux porteurs qui se sont réfugiés dans la chaleur de la petite cuisine. En népalais. De temps en temps elle me regarde, je ne sais pas si mon guide traduit vraiment tout ce qu’elle raconte, mais quelle importance ? Le thé passe et chacun se sert, et l’on me sert: je suis l’invitée d’honneur. Elle parle sans s'arrêter de sa douce voix dans cette langue que je ne comprends pas mais dont la mélodie me berce. Elle nous raconte l'abominable homme des neiges, le Yeti, dont le prétendu scalp est conservé dans un monastère tout proche. A la veillée et pour passer le temps, on parle du Yeti comme on parlait du loup dans nos campagnes. Elle dit que quand elle était petite fille, il y a longtemps de cela, elle l'a vu errer à proximité du village. Les hommes autour rient et se moquent d'elle et mon guide me regarde et sourit. Ils n’y croient pas ... L'insolence de la jeunesse !
Je me sens bien, assise dans mon petit coin, sur le banc en bois. J’écoute ce que le guide me traduit et les rires, je sens la chaleur du foyer et les appétissantes odeurs de cuisine. Ce soir nous allons manger des momos, ces raviolis tibétains et la vieille femme prépare la pate, à la main, à l’ancienne. Le temps s’arrête dans cette cuisine, pas de micro-ondes, personne n’est pressé. Quelqu’un allume une lampe à huile et mon guide me propose un petit massage relaxant... toute habillée. Dans la pénombre de cette cuisine, nous sommes bien entourés et la proposition me semble donc tout sauf malhonnête ... et surtout très tentante. Carpe diem ! Et je me laisse aller sous ses mains expertes, bercée par les rires et les paroles que j'entends en fond sonore, alanguie par la chaleur et cette bonne journée de marche; je voudrais que cet instant dure encore un peu. Encore un tout petit peu...
Que le temps se fige, là, dans cette cuisine, près de l’endroit où, il y a longtemps maintenant, une enfant a vu passer le Yeti.
Le Yeti de Tintin au Tibet