Vacances pour tous ? Mon oeil ! A quand une vraie politique de tourisme social ?

Publié le 28 août 2008 par Gchocteau

Tout d'abord, je précise que je n'attaque pas la Ligue de l'Enseignement et son programme "Vacances pour tous", j'ai trop de respect pour la vénérable institution d'éducation populaire, fédérant les FAL et autres FOL et UFOLEP... Je n'ai repris que le terme qui était (décidément) très à propos...

La Ligue de l'Enseignement, c'est le plus grand mouvement d'éducation populaire en France :

Créée en 1866, la Ligue de l'enseignement est sans doute l'une des plus anciennes associations françaises.
Résolument tournée vers l'avenir, elle n'en demeure pas moins fidèle à la volonté de ses créateurs, de promouvoir la démocratie par l'éducation et la culture, dans une république dont les fondements sont la laïcité, le respect et la dignité de chaque individu, de chaque citoyen, quels que soient ses origines, son âge, son sexe ou ses opinions politiques.

Le projet général de la Ligue s'appuie sur des domaines d'activités aussi divers que la culture, le sport, l'éducation, l'insertion sociale, l'environnement, les relations internationales… et, bien évidemment, les loisirs et les vacances.

> Le projet éducatif en centres de vacances (fichier Acrobat pdf).

Au delà de cette déclaration sur la Ligue et ce préambule indiquant mon bon-penchant pour elle, ce billet est néanmoins bien un coup de gueule ! Un coup de gueule contre "je-sais-pas-qui" qui ne permet pas à des millions de personnes (salariés, chômeurs, enfants, adultes, personnes âgées, ...) de partir en congé, en dehors de chez eux. Issu d'une réflexion ouvriériste, je suis sensible au tourisme social, aussi appelé tourisme de masse. Ce vaste mouvement né par l'adoption des congés payés dans les grands pays occidentaux a permis aux classes populaires de pouvoir partir à la mer, à la montagne, à la campagne, dès les années 1960, quittant leur cité ouvrière ou HLM.

Le tourisme social« » est le mouvement de démocratisation du tourisme, perceptible depuis les années 60 également : création du Bureau International du Tourisme Social (BITS) à Bruxelles en 1963, et adoption à l'unanimité de la Déclaration de Manille par les membres de l'Organisation mondiale du tourisme en 1980.

Cela peut faire ringard d'utiliser encore ce terme, mais pourtant, le tourisme social renvoie à des images qui nous émeuvent encore :
Le lotissement de résidence secondaire ;
Les locations de bord de mer ;
Les centres aérés (Appelés maintenant CLSH [1] ) ;
Le sandwish rillette sur la place ;
Les colonnies de vacances ;
Etc...

C'est à cette époque, vestige probable d'une certaine gouvernance paternaliste des entreprises, que les comités d'entreprise des grosses sociétés [2] ont acheté des centres de vacances. On a pu voir des châteaux et des domaines entiers être rachetés par des entreprises publiques ou privées, des collectivités territoriales (Pour les enfants de la commune) ou des structures d'éducation populaire.

Et toute la génération de trentenaires et quadragénaires des classes populaires et moyennes a passé au moins une fois ses pieds dans l'une de ses structures collectives avec ou sans hébergement, mettant en avant la possilibilité de se socialiser, de rencontrer l'autre, de cotoyer la différence, d'apprendre les règles de vie en collectif...

Et maintenant ? Oh, elles existent toujours, et quasiment avec les mêmes structures qu'il y a 40 ans... Mais les prix sont loin d'être "le-prix-abordable-pour-des-vacances-pour-tous"... Pensez donc : un exemple.

Axel est parti depuis jeudi dernier dans l'Allier. Un camp de 15 jours... 800 euros ! Nous n'avons pas payé cela car cela passe par un "comité d'entreprise" (Le COS [3] de la Région), mais presque 300 euros quand même... 2000 BALLES POUR 15 jours ! Un tiers de mon salaire ! Axel n'est pas exigeant et ne demande pas à faire des camps "cross" ou "kayak" ou "spéléo" ou "en Tunisie" ou "aux USA", mais les camps simples ou peu onéraux n'existent plus. Il faut forcément faire des activités nécessitant du matériel, de l'encadrement, des frais, ...

Sans tomber dans les colonnies de Pierre Perret, avant, on faisait des activités "épingles à linge" ou "bouchon de liège", des randonnées, la chasse aux dahuts, des matchs de foot, ... Les animateurs encadraient, fournissaient les colles et les sparadraps (Pour les ampoules aux pieds), on visitait, on se dépensait, on rigolait, ...

Mais maintenant, il faut faire des activités onéreuses et en plus, souvent risquées, ce qui nécessitent des encadrements plus forts.

Autre exemple :

Marianne est partie lundi pour 5 jours en centre de vacances "Sensibilisation à l'équitation". Dans le château de la Turmelière à Liré, elle va pouvoir rêver qu'elle est une princesse à cheval. Bon. Soit. 500 euros le séjour de 5 jours !! On paye moins de la moitié, mais quand même !

Après avoir permis à des millions de Français de découvrir les vacances, le tourisme social se trouve confronté à un nouvel environnement beaucoup plus complexe. Il a opéré d'importantes mutations mais il doit faire face au triple défi de la sauvegarde de son héritage, de l'accueil de tous les exclus des vacances et de la reconstitution de son unité. C'est une politique sociale du tourisme qu'il faudrait désormais promouvoir. CNRS

A quand une vraie politique pour le tourisme social ? D'autant que c'est un secteur important comme le rappelle l'UNAT :

Il représente (chiffres 2005) 4 910 000 personnes accueillies (hors voyages), 1,467 milliards d'euros de chiffres d'affaires, 12 070 emplois directs équivalents temps plein annuels, 1 200 équipements répartis sur tout le territoire (inclus les refuges, hors Centre de vacances et de loisirs pour les enfants), 220 000 lits (hors CVL), 40 millions de journées vacances. Ressources Solidaires, communiqué de l'UNAT de décembre 2006

Pourtant les vacances sont terriblement inéquitables, malgré leur égalité légale de les prendre ! La moitié des ouvriers partent en congés chaque année, contre 90 % des cadres ! Et l'Observatoire des Inégalités de rajouter :

Le niveau des revenus détermine en grande partie le fait de partir en vacances ou non : 53,9% des personnes faisant partie du quart de la population aux revenus les plus bas n'ont pas eu la possibilité financière de quitter leur domicile pendant les périodes de congés. Extraits de l'Observatoire

Alors, à quand une vraie politique de tourisme social ne laissant personne sur le bord ?


[1] Centres de Loisirs Sans Hébergement

[2] Un exemple : http://www.cre.ratp.fr/

[3] Comité des Oeuvres Sociales

tag : Economie sociale, Ressources Solidaires, Ligue de l'Enseignement, Amicale laïque, Vacances, Tourisme social, Education populaire, Colonnie de vacances, Centre aéré, Centre de Loisirs Sans Hébergement, Comité d'entreprise, Comité d'Oeuvres Sociales, Pays de la Loire, Conseil régional, Château de la Turmelière, Union Nationale des Associations de Tourisme et de Plein Air, Dahuts, Observatoire des inégalités