J'ai 14 ans.
Chaque jour de la semaine, quand je reviens de l'école, j'ai mon rendez-vous télé avec Samantha Taylor qui nous présente 3 ou 4 vidéos, et la moitié d'un 5e sur le générique de la fin, nous parlant de l'artiste présenté, des vidéos de musique de ce qui serait le plus populaire au Canada, cette semaine. Souvent, deux fois le même vidéo dans la semaine, si c'est vraiment très populaire. Je découvre plusieurs artistes par Samantha Taylor, on a alors pas de stations entièrement dédiés à la musique ou aux vidéos. Au Québec, ça n'existera qu'à l'automne.
Je découvre des perles, mais je découvre aussi du plutôt mauvais.
Mais les goûts, c'est toujours selon.
Un jour de mars ou avril , Sam me présente la nouveauté qui est la pièce titre du dernier album de Neil Diamond, 45 ans. Headed For The Future. Je le connais parce que mes parents aiment beaucoup Sweet Caroline. Nous habitons Sillery, région de Québec, et ne nous doutons pas que cette même chanson deviendra un jour fétiche au stade l'Université Laval, pendant les matchs du Rouge & Or, alors que la foule chante à l'unisson. Rajoutant même quelques portions. Mes parents adoreront davantage, mon père travaillant bénévolement au kiosque de bières et ma mère assistant aux matchs ces jours-là, avec la femme d'un ami de mon père, qui bénévole aux bières aussi. Mais en 1986, le Rouge et Or n'existe pas. Et j'ai souvent entendu Sweet Caroline et le folk de Neil Diamond. On avait surement un de ses disques chez nous. Je le classais mentalement dans la catégorie, James Taylor, Leonard Cohen, Nick Drake.Mais ce que me présente Samantha Taylor c'est de la pop. Sur son album il n'a écrit qu'un morceau, en a co-écrit 3, dont la pièce titre, sur 10. Pas de guitares sur sa chanson titre. Surtout du terrible synthé. Et dans le clip présenté, on prend un temps fou à me présenter Neil, le montrant d'abord en ombre, ce qui place la barre si haute que, quand il est dévoilé, on ne peut que remarquer ses 45 ans, ses cheveux trop longs, d'une coupe assez moche, disons-le, portant le manteau de cuir brun qui déjà, en 1986, n'est pas vraiment cool, et il se dandine sur cet air musical foncièrement mauvais.
J'ai beau avoir 14 ans, j'ai un malaise. J'ai l'impression de voir un de mes enseignants de l'école, je suis en secondaire 2, qui se mettrait à chanter pour essayer de se rendre cool aux yeux de ses élèves. Sans y arriver.Je ne crois pas le placer mentalement en mots dans ma tête comme je vous l'explique maintenant, mais ce que je me dis (sans me le dire) c'est "Christ que c'est pathétique". Il me faisait pitié. Il essayait trop fort. Et chaque fois, depuis 38 ans, que j'entends le nom de Neil Diamond, un conflit mental s'installe entre l'auteur compositeur folk de Sweet Caroline et le gars qui essaie trop fort d'incarner ce qu'il n'a jamais vraiment été, en 1986. Cool.
N'est pas Rolling Stones qui veut nécessairement.
Un ami d'école, un peu guignol, ne comprend pas pourquoi j'aime, cette année-là, beaucoup, Peter Gabriel, 36 ans. Il me sert comme argument "Oui mais Hunter, l'artiste est tellement vieux". Ce n'est pas un argument pour moi. Je ne lui dis alors pas, mais j'écoutes aussi à cette époque le catalogue passé des Rolling Stones. Et Pink Floyd. Et Led Zep. Et les Beatles. Ils ont tous mieux réussi. Ou ont su arrêter à temps.
Neil Diamond par contre, est un VRAI vieux. Qui essaie mal de paraître branché.
Mal connecté à son époque. Gauchement.
2024.Dimanche, 6 octobre. Je lis ma cypberpresse et qu'est-ce que je trouve en Une ? Notre Premier Minus François Legault, boomer qui étale son racisme jusqu'en France, qui nous dit "Qu'il est possible de déplacer de force humainement les nouveaux arrivants".
(...)
Déplacer de force. "humainement".
Comme dans violer, amoureusement.Christ je m'en pince encore. Je ne rêve pas. Notre leader Québécois.
Pa
Thé
Ti
Que.
C'est à faire frémir d'effroi. Impossible de ne pas avoir la nausée. Dé-goû-tant. Je ne comprends pas comment on en est rendu là.
Mon Québec est dégueulasse parfois.
6 Québécois sur 10 n'ont jamais voté pour cet imbécile.
France, monde entier, ceci n'est pas nous.
Cet homme nous fait honte. Cette honte nous fait Hommes. C'est un Premier Minus. Mental.