J’avais tellement aimé « La forêt aux violons » de Cyril Gély que je me suis empressé d’ajouter ses autres romans à ma PÀL.
« Le prix » dont il est question dans ce roman est le prix Nobel de Chimie que s’apprête à recevoir Otto Hahn le 10 décembre 1946, à Stockholm. Au moment où le célèbre chimiste allemand répète son discours dans sa chambre d’hôtel, il reçoit la visite surprise de Lise Meitner, son ancienne collaboratrice pendant plus de trente ans. La physicienne n’est cependant pas venue pour le féliciter, mais pour régler quelques comptes…
Si l’histoire a décidé de retenir le nom d’Otto Hahn comme celui qui a découvert la fission nucléaire, Cyril Gély nous invite à découvrir Lise Meitner, qui a non seulement la malchance d’être une femme au sein d’un milieu scientifique extrêmement misogyne, qui préfère donc la voir œuvrer dans l’ombre d’Otto Hahn, mais qui a de surcroît le malheur d’être juive au cœur d’une Allemagne nazie qu’elle se voit du coup contrainte de fuir en juillet 1938…seulement quelques mois avant l’aboutissement de leurs recherches conjointes menant à la découverte de la fission nucléaire. Une découverte historique qu’Otto Hahn est dorénavant seul à revendiquer…
Dans ce roman visant à réécrire l’histoire, Cyril Gély nous sert un huis-clos aux dialogues ciselés entre une femme bien décidée à ne pas se laisser faire et un homme mis à nu alors qu’il s’habillait pour rentrer dans l’histoire. Dès l’entrée de Lise Meitner dans la suite d’Otto Hahn, l’auteur installe une tension immédiatement palpable, qui monte au fil des pages, poussant le lecteur à tourner les pages de plus en plus vite, cherchant à comprendre pourquoi ces deux êtres qui ont quasiment tout partagé pendant plus de trente années furent subitement séparés par la fission. S’ils ne partageront visiblement pas ce moment de gloire, l’auteur imagine ce dernier dialogue entre deux collègues ayant travaillé de manière quasi fusionnelle avant d’être violemment séparés, lui projeté dans la lumière, elle dans l’ombre…
Un roman captivant et instructif, scientifiquement et historiquement éclairant, mais qui a surtout le mérite de réhabiliter cette scientifique méconnue. On a tendance à dire que derrière chaque grand homme se cache une femme…mais quand la plume de Cyril Gély s’attelle à remettre Otto Hahn à sa place tout en rendant d’une certaine manière son Nobel à Lise Meitner, le résultat s’avère assez jubilatoire !
Le Prix, Cyril Gély, Albin Michel, 224 p., 17 €
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