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Critique Ciné : Drone (2024)

Publié le 04 octobre 2024 par Delromainzika @cabreakingnews
Critique Ciné Drone (2024)

Drone // De Simon Bouisson. Avec Marion Barbeau, Eugénie Derouand et Cédric Kahn.

Le cinéma français s'aventure rarement dans le domaine du techno-thriller, un genre souvent réservé aux productions américaines, plus enclines à explorer les technologies modernes et leurs effets dévastateurs sur la société. Pourtant, Drone, premier long-métrage prometteur, tente de combler cette lacune. Si l'on y décèle une véritable ambition artistique, il n'échappe cependant pas à certains écueils qui freinent une immersion totale dans son univers. Au cœur de Drone, se trouve un thème central qui résonne particulièrement avec notre époque : l'omniprésence des écrans et la frontière de plus en plus floue entre vie privée et publique. Le film met en scène Émilie, une jeune femme suivie de manière omniprésente par un drone mystérieux, véritable extension d'un regard masculin oppressant. Ce dispositif narratif est une allégorie de la surveillance constante que subissent les femmes dans notre société, qu'il s'agisse de harcèlement virtuel ou de la simple objectification quotidienne.

Une nuit, Émilie, une jeune étudiante, remarque qu'un drone silencieux l'observe à la fenêtre de son appartement. Les jours suivants, il la suit et scrute chacun de ses mouvements. D'abord protecteur, le drone devient inquiétant. Émilie se sent de plus en plus menacée.

En ce sens, le film ambitionne de dénoncer cette emprise digitale et le voyeurisme rampant qui en découle. Malgré cette intention louable, le film pèche parfois par un symbolisme un peu trop appuyé. La métaphore du drone, s'il est un outil efficace pour illustrer cette prédation moderne, finit par devenir prévisible. Le film tombe alors dans certains clichés, et son message aurait sans doute gagné à être davantage nuancé. S'il est une qualité incontestable dans Drone, c'est sa maîtrise visuelle. Les plans aériens filmés par le drone sont d'une virtuosité rare, apportant une fluidité et une tension palpable qui servent le propos du film. Ces images frappent par leur beauté et leur froideur mécanique, transformant le drone en un véritable personnage, presque monstrueux dans son omniprésence. La manière dont il évolue dans le ciel parisien, traquant sa proie, génère un sentiment de menace constant qui contribue à l'atmosphère paranoïaque du film.

Le soin apporté à la mise en scène est indéniable. Chaque mouvement de caméra, chaque détail sonore renforce l'idée d'un contrôle invisible mais bien réel, qui s'immisce dans l'intimité des personnages. Cette approche formelle est l'un des atouts majeurs du film, et donne à certaines scènes une intensité troublante. Malheureusement, cette excellence visuelle ne parvient pas à compenser les faiblesses d'un scénario qui peine à tenir ses promesses. Là où Drone vacille, c'est dans son écriture. Le scénario, bien que riche en potentiel, reste souvent en surface. Les thématiques pourtant puissantes de l'intrusion dans l'intimité et du harcèlement virtuel ne sont pas suffisamment explorées en profondeur. Le film introduit des intrigues secondaires qui semblent n'avoir pour but que de rallonger la durée du métrage, sans apporter de réelle substance au propos central. Cette dispersion narrative finit par affaiblir l'impact émotionnel du film.

De plus, le personnage principal, Émilie, bien que cohérent dans sa psychologie, reste assez peu développé. Sa caractérisation demeure basique, ce qui rend difficile une identification profonde avec elle. L'absence d'un véritable développement psychologique empêche de comprendre pleinement les enjeux émotionnels auxquels elle fait face, réduisant ainsi l'efficacité du film dans sa capacité à engager le spectateur. Le film tente bien de rattraper cette faiblesse dans son dernier tiers, où l'action s'intensifie et où l'aspect "horrifico-technologique" prend davantage le dessus. Cependant, cette montée en puissance arrive trop tard et ne parvient pas à effacer l'impression générale de lenteur et de confusion qui précède. En dépit de ses imperfections, Drone reste un projet ambitieux qui a le mérite d'explorer un genre rarement traité dans le paysage cinématographique français. Son ambiance paranoïaque, sa critique de la technologie moderne et son exploration du voyeurisme en font un film pertinent pour notre époque. Pourtant, en sortant de la projection, le ressenti est partagé.

D'un côté, on apprécie le message véhiculé et la qualité visuelle indéniable. De l'autre, on reste sur sa faim face à une histoire qui manque de profondeur et de rythme. Le film aurait sans doute gagné à être plus court et plus percutant, avec un scénario davantage centré sur ses enjeux principaux. On sent que le réalisateur a voulu aborder de nombreux sujets à la fois, mais cette volonté de tout traiter finit par diluer l'intensité du récit. Au final, Drone est une œuvre intrigante, portée par une réalisation solide et des idées pertinentes. Néanmoins, son écriture inégale et ses longueurs viennent affaiblir l'impact de son message. Pour autant, on ne peut que saluer cette tentative d'intégrer le techno-thriller dans le cinéma français, un genre encore trop peu exploré chez nous. Malgré ses défauts, Drone mérite d'être vu, ne serait-ce que pour son approche innovante et sa réflexion sur les dangers de notre monde hyper-connecté. Cependant, il laisse également un sentiment de frustration, celui d'un potentiel inexploité qui aurait pu faire de ce film une véritable référence dans le genre.

Note : 5/10. En bref, un techno-thriller innovant mais imparfait.

Sorti le 2 octobre 2024 au cinéma


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