Douze millions d'adeptes et un classement au sommet de la satisfaction client : un journaliste spécialisé s'interroge sur ce qui justifie le succès de la carte Apple. Il a la réponse sous les yeux et la mentionne explicitement… mais, comme tous les vétérans de l'industrie cramponnés à leurs habitudes, il peine à admettre sa réalité.
Clairement, quand il est évalué sur les critères traditionnels – ceux qui préoccupent aussi bien les émetteurs eux-mêmes, avec leurs départements de marketing, que les comparateurs en ligne et les analystes et autres observateurs externes –, le produit de la marque à la pomme ne présente aucun avantage majeur dans un marché où la concurrence est féroce : en dehors de sa gratuité (qui n'est pas unique), son programme de fidélité n'a rien d'exceptionnel, les autres privilèges offerts aux porteurs (par exemple à la souscription) sont limités, ses taux d'intérêt sont dans les normes…
Alors, pourquoi ses clients l'apprécient-ils tant ? Si on écarte un instant les inconditionnels d'Apple, qui lui sont toutefois fidèles depuis toujours pour les mêmes raisons, le principal facteur de différenciation de sa carte de crédit réside, comme le proclame sa présentation (cf. l'illustration ci-dessous), dans la qualité de son expérience utilisateur : entrée en relation rapide et sans frictions, mise en œuvre facile, information en temps réel, claire, intuitive et transparente, réactivité face aux réclamations…
Ce constat ne devrait pas être une surprise dans un univers où tout le monde se vante de placer son client au centre de ses attentions, en particulier dans la conception des parcours « digitaux ». Malheureusement, derrière ces déclarations, la plupart des acteurs persistent incurablement à placer la priorité sur les caractéristiques techniques de leurs solutions, c'est-à-dire, pour le domaine qui nous intéresse, cadeaux (plus ou moins accessibles) et taux d'intérêt alléchants (mais réservés à une petite élite).
En arrière-plan, ceux-là se rassurent à bon compte en estimant que leur processus de contractualisation n'est pas beaucoup plus lourd ou que leur application mobile expose les mêmes données, bien que sous une forme un peu moins tape-à-l'œil. Sans se rendre compte que, en la matière, c'est l'excellence de bout en bout qui emporte la décision, notamment pour les personnes – jeunes ou moins jeunes – accoutumées aux standards des géants du web et en attendent autant de tous leurs fournisseurs.
Le concept d'expérience utilisateur et l'impératif de son optimisation donnent aisément l'impression d'être des poncifs sans grande matérialité, reposant sur des perceptions totalement subjectives… Le cas d'Apple – qui est loin d'être nouveau et concerne l'ensemble de ses produits – démontre concrètement l'impact qu'il a sur les clients, y compris, voire encore plus, dans un marché parvenu depuis longtemps à la maturité, dans lequel l'individu moyen rencontre des difficultés à distinguer les offres.