Scène 9 (suite et fin)
LA GRANDE OURSE
Ta vaillance, Lanlan, est connue de nous tous.
Et prononcer ton nom épouvante les ours.
Mais que fais-tu céans, près de ma chère amie ?
Tu t’ennuies donc chez toi ? La Madone est partie ?
LANLAN (digne)
Au nom de tous ceux-là qui ont confiance en moi,
Je viens pour vous aider et rétablir la loi.
Cunégonde et Fifi sont très intelligents
Mais mon cerveau me semble être un très bon agent.
ROSIE
Surtout quand ce cerveau est aux trois-quarts détruit.
LANLAN
J’en ai quand même un quart. Toi, zéro, vieux biscuit.
LA GRANDE OURSE
Ah, de grâce cessez ! L’heure est bien assez grave.
De vos passions daignez ne plus être l’esclave.
Cunégonde parlez. Vous seule avez du sens.
Dites donc votre plan, prenez Notre défense.
CUNEGONDE
Je sais vos ennemis prêts à vous détrôner,
Les combattre n’est rien ; il faut les massacrer.
Sur le chemin, hélas, ils nous ont attaqués
Arielle et la Madone ont été enlevées.
LA GRANDE OURSE (sursautant)
Arielle ?...
CUNEGONDE
C’est ce que j’ai dit : la Langoureuse.
LA GRANDE OURSE (suffoquée)
C’est horrible, vraiment ! Chez nous, cette chanteuse !
FIFI
Le mot est très gentil mais il est erroné.
Elle feule à tout va, c’est une atrocité.
LANLAN
S’il n’y avait qu’elle, nous serions bien tranquilles
Et laisserions la sœur en faire une compile.
Mais la Madone aussi fait partie du convoi.
FIFI
Ca n’a pas l’air au fond de te mettre en émoi.
LA GRANDE OURSE (A la servante)
Oui, tu avais raison : elle a encor frappé.
Cet ennui, ça c’est sûr, elle l’a bien cherché.
CUNEGONDE
A vrai dire pourtant ce n’est pas de sa faute.
Elle marchait devant et la tête très haute
Quand des ours ont surgi d’un igloo sur la droite.
Notre troupe harassée se montra maladroite,
Esquiva bien les tirs, mais ne sut empêcher
Cet enlèvement bas.
LA GRANDE OURSE
Qui pourrait reprocher
A vos amis présents cette triste défaite ?
Il faut intervenir avant qu’on les maltraite.
Car je connais ma sœur : elle est bien sans pitié
Pour ceux qui par ses mains ont été enchaînés.
Mais ce problème-là s’ajoute à mes tourments :
Le royaume chancelle, on trahit les serments,
Je dois me protéger de cette rébellion
Et vous aider pourtant à sauver votre union.
CUNEGONDE
Ne vous inquiétez pas, nous savons tous ici
Que la sœur abhorrée vous tient à sa merci.
Son plan est évident : elle prend des otages
Pour mieux pouvoir sur vous assurer l’avantage.
Tous ces événements sont bien entrelacés
Et si l’on résout l’un, l’autre est bien effacé.
LA GRANDE OURSE
Mais comment résister à de telles pressions ?
Que va-t-elle imposer comme conditions ?*
CUNEGONDE
Nous le saurons bientôt. Car si je ne me trompe
Un envoyé viendra proposer que l’on rompe
Les hostilités.
LA GRANDE OURSE
Dieu ! En échange de quoi ?
ROSIE
C’est évident, pardi. Que l’on change de roi.
LA GRANDE OURSE (s’asseyant sur son trône)
L’affreuse prédiction !
CUNEGONDE (furieuse, à Rosie)
Dans le genre balourd,
Tu te poses bien là. Est-ce donc à la cour
Que tu pris des leçons de tact et de douceur ?
ROSIE (s’enferrant)
Mais c’est la vérité. Ca vient du fond du cœur.
FIFI
Heureusement pour toi, notre grand Président
N’entend pas ces propos, de ce lieu est absent.
Toujours si délicat, il n’eût pas supporté
Qu’une dame de cour fût à ce point bornée.
ROSIE (pleurant)
Mes propos insensés me font honte, vraiment.
Je ne veux décevoir mon si cher Président.
Il m’a donné la vie, m’a permis d’exister,
D’avoir un ministère et me croire arrivée.
Pardonnez, Madame, ces propos délirants
Je les retire tous : devant vous je m’étends.
(Elle se jette à plat ventre devant Cunégonde puis devant la Grande Ourse. )
CUNEGONDE (émue)
Relève-toi, Rosie, car tu es pardonnée.
LA GRANDE OURSE
De votre franchise je vous suis certes gré.
Même si la forme ici laisse à désirer,
Le contenu est vrai, je dois le confesser.
Ce que ma sœur voudra, je le sais bien aussi :
Ma gloire et mon trône, mon pouvoir et ma vie.
(Entre une autre servante, essoufflée et terrifiée)
LA SERVANTE
O reine bien-aimée, un ours au béret jaune
Demande un entretien. Il est de cette faune
Qui osa contre vous soulever votre armée.
CUNEGONDE
Des nouvelles, enfin ! Faites le donc entrer,
Majesté. Que l’on sache à quoi nous en tenir.
LA GRANDE OURSE (A la servante)
Introduis cet esclave et dis-lui de venir.
(La servante sort. Un silence. Entre un ours, sans arme, mais avec un béret jaune sur la tête.)
(A suivre)