L'Occident possède ainsi un héritage sensitif et symbolique, une tradition, une « voie », que
l'ordre du consomptif, celui de la consommation à tout-va, consume dangereusement. Le danger vient de ce que nous perdons peu à peu le contact avec nous-mêmes, avec notre devenir intime, avec
notre conscience (de soi, des autres, de l'univers).
Nombre d'occidentaux cherchent à combler ce manque qu'ils sentent au fond d'eux-mêmes par des pratiques spiritualisantes, « new age », qui ne bénéficient que rarement d'un sous bassement solide
historiquement décanté et validé par l'expérience des générations. Les courants « new age » sont autant de « start-up » d'un spirituel récupéré par le système marchand. Plus le manque et cruel,
plus la naïveté est grande.
L'aïkido n'est pas un mouvement « new age ». Il importe de le préciser à l'heure où certains pourraient l'y assimiler. Il possède cependant un fond spirituel que des individus mal intentionnés pourraient détourner à leur avantage. D'où l'importance des fédérations, qui assurent un cadre à notre pratique et à son développement.
Toutefois, les fédérations sont là pour éviter les débordements ; elles ne peuvent assurer la certitude d'une transmission spirituelle de l'aïkido. Il faudrait plus qu'un maître au sommet fédéral : il faudrait un maître dans chaque dojo !
Chacun en vient ainsi à mener sa recherche personnelle, par des lectures, par de multiples stages, par des échanges avec les autres pratiquants.
L'aïkido est un « do »
Un aïkido purement technique, même très clair, n'est pas encore de l'aïkido à proprement parler.
C'est un aïki jutsu : un ensemble basé sur l'efficacité des techniques corporelles.
Or ce n'est pas par la seule puissance de son corpus technique que l'aïkido est efficace. Les techniques d'un aïki jutsu agissent sur le corps anatomique. L'aïkido, lui, agit sur un individu
entier doué d'intention et de conscience : sur un être. Un être dans le monde.
L'aïkido est un « do », c'est-à-dire une « voie morale et spirituelle ». Les techniques sont le
marteau et l'enclume qui permettent de forger son propre corps, son propre mental ; elles donnent peu à peu forme à l'esprit ; elles modifient peu à peu les perceptions que nous avons de
nous-mêmes, des autres et du monde ; elles éveillent de nouvelles sensations et développent notre sensitivité.
Après un long chemin, le temps et l'espace ne sont plus perçus de la même manière qu'auparavant. Et à un haut niveau de maîtrise, c'est nous-mêmes qui créons le temps et l'espace de nos
interactions.
Ainsi la pratique de l'aïkido ne commence pas avec la répétition des techniques. Elle débute dès le moment où l'on modifie nos perceptions et nos
sensations. Dès le travail que l'on pourra appeler « préliminaire », en début de séance.
En ce qu'il initie une véritable genèse psychophysique, comportementale, perceptive et sensitive, ce travail permet une prise de conscience de nous-mêmes au coeur d'un espace-temps que nous
concevons nôtre.