Last Straw // De Alan Scott Neal. Avec Jessica Belkin, Jeremy Sisto et Glen Gould.
Le premier long-métrage d'Alan Scott Neal, Last Straw, nous plonge dans un univers de suspense et d'horreur où le potentiel est indéniablement présent, mais où certains choix narratifs et de caractérisation viennent ternir l'ensemble. Le film démarre avec une structure narrative classique mais propose un retournement de situation audacieux à mi-parcours. Pourtant, malgré cette ambition, il peine à réellement captiver sur la durée. Last Straw se déroule principalement dans un petit diner perdu au milieu de nulle part, rappelant les huis clos oppressants que l'on retrouve souvent dans les films d'horreur. Ce cadre n'est pas sans rappeler certains classiques du genre, comme le projet Body Bags de John Carpenter et Tobe Hooper, où l'isolement et la vulnérabilité des personnages sont des éléments centraux.
Entre les petites frappes du coin à remettre en place, le cuistot sardonique et un serveur un peu trop collant, Nancy subit son job au dîner de son père. Alors qu'elle assure seule un service de nuit, un groupe d'individus masqués s'en prend à l'établissement.
Le personnage principal, Nancy, incarnée par Jessica Belkin, est une jeune serveuse enceinte qui se retrouve à gérer seule le service de nuit dans le diner de son père (joué par Jeremy Sisto). D'emblée, le spectateur sent que quelque chose ne tourne pas rond. Nancy, déjà épuisée et nauséeuse, doit faire face à l'attitude désagréable du cuisinier, Jake (Taylor Kowalski), qu'elle finit par renvoyer après une altercation. Ce choix, bien qu'empreint de frustration, va rapidement se retourner contre elle. Seule dans le diner, Nancy devient une proie facile pour un groupe de voyous masqués qui surgissent sans prévenir. À ce stade, on pourrait s'attendre à un développement classique d'un film de siège, où la tension grimpe progressivement jusqu'au climax final. Cependant, Last Straw prend une direction inattendue, brisant les attentes du spectateur. L'un des aspects les plus intéressants de ce film est son twist à mi-parcours. Sans révéler trop de détails pour ne pas gâcher l'expérience des futurs spectateurs, le film se divise en deux parties distinctes, avec un changement de perspective surprenant.
Ce choix narratif est à saluer, car il apporte un vent de fraîcheur dans un genre qui, parfois, peut sembler un peu trop prévisible. Pourtant, cette audace n'est pas sans conséquences. En effet, le retournement en question oblige le spectateur à revoir son investissement émotionnel dans l'histoire, ce qui peut entraîner une certaine frustration. Jusqu'à ce point, le film avait principalement suivi Nancy, nous poussant à nous attacher à son personnage, malgré son comportement parfois difficile à comprendre. Cependant, après ce twist, le focus change brusquement, et cela peut dérouter. Le spectateur, déjà en train de s'investir dans la trajectoire de Nancy, doit soudainement réajuster ses attentes, ce qui casse en partie le rythme du film. Si le concept et la mise en scène sont prometteurs, l'un des principaux problèmes de Last Straw réside dans ses personnages, en particulier Nancy. Dès le début, elle est présentée comme une personne irritable, épuisée et peu disposée à faire des compromis. Bien que son état de grossesse puisse expliquer une partie de son comportement, il reste difficile de s'attacher à elle.
Dans un film d'horreur, surtout dans un huis clos où le spectateur est censé s'identifier au personnage principal pour ressentir pleinement la tension, il est crucial de créer des protagonistes avec lesquels on peut sympathiser. Ici, Nancy est non seulement peu aimable, mais elle prend également des décisions qui la rendent antipathique. En renvoyant Jake dès le début, elle se met elle-même dans une position vulnérable. On se demande pourquoi le film s'évertue à rendre son héroïne si peu attachante. En conséquence, lorsque les voyous masqués font leur apparition, il devient difficile de vraiment s'inquiéter pour elle. Pire encore, on peut même en venir à éprouver une certaine indifférence quant à son sort, voire à comprendre les motivations des "méchants". Cette caractérisation pose un problème central : si le public ne peut pas s'identifier ou s'inquiéter pour le personnage principal, l'impact émotionnel du film s'effondre. Il aurait peut-être été judicieux de retravailler le script pour rendre Nancy plus nuancée, plus humaine, afin de susciter l'empathie du public.
Malgré ces défauts, Last Straw reste un premier film prometteur pour Alan Scott Neal. Bien qu'il s'agisse de son premier long-métrage, Neal n'est pas un nouveau venu dans l'industrie, ayant travaillé sur des productions audacieuses comme Euphoria et des films des frères Safdie. Son expérience dans la direction d'acteurs transparaît, et il est évident qu'il a un sens certain de la mise en scène et du suspense. Le film, malgré son budget modeste, réussit à créer une atmosphère oppressante et à maintenir une certaine tension, même si celle-ci retombe un peu après le twist. En conclusion, Last Straw est un film qui vaut la peine d'être vu, ne serait-ce que pour apprécier l'audace de son réalisateur et sa capacité à innover avec des moyens limités. Cependant, il est clair que le film aurait bénéficié d'un travail supplémentaire sur ses personnages et son script pour maximiser son impact. Si Alan Scott Neal continue sur cette voie, nul doute qu'il livrera des œuvres encore plus captivantes à l'avenir.
Note : 5/10. En bref, un thriller d'horreur à petit budget plutôt correct à défaut de renouveler le genre.
Prochainement en France